Un groupe comme l'OCP qui opère dans une activité aussi contraignante pour son environnement que l'industrie chimique est par essence une entreprise polluante. Une réalité que le directeur en charge de l'environnement du groupe OCP, Taha Balafrej, admet volontiers. «Nous n'opérons pas dans l'offshoring», lance-t-il sans hésitation. Cette réalité étant reconnue, Balafrej pose à son tour la question. «Aussi polluante qu'elle soit cette activité n'est elle pas indispensable non seulement au Maroc, mais à l'échelle mondiale ?», précise-t-il. La réponse est indubitablement positive. Inutile de rappeler le rôle crucial que jouent les engrais dans le développement de la production agricole à l'échelle de la planète. Sans parler des bienfaits de cette industrie pour le Maroc, que ce soit en termes des emplois créés ou des recettes en devises qu'elle génère. Balafrej tient à planter le décor avant de parler des actions du groupe pour la préservation de l'environnement notamment au niveau des activités industrielles installées à Jorf Lasfar. Depuis plus de dix ans, le groupe OCP mène une longue liste de projets dans le cadre de la préservation de l'environnement, toutes inscrites dans un plan de politique générale fixé au niveau du groupe et qui, selon nos estimations, se chiffrent à environ une cinquantaine de millions de dirhams par an. Mais il n'est pas question pour autant de dilapider l'argent sans se soucier de sa rentabilité. «Pour nous, ces actions de préservation de l'environnement doivent induire des bénéfices opérationnels pour l'activité du groupe», précise Balafrej. Cette règle de base s'exprime dans les trois projets phares qui entrent dans le cadre de la préservation de l'environnement que mène le groupe à Jorf Lasfar. A commencer par le projet HRS (Heat Recovery System) qui permet aussi bien une réduction significative des émissions polluantes que la réutilisation de la chaleur produite pour fabriquer de l'électricité et réduire par la même occasion la facture énergétique de l'OCP. Une économie dont bénéficie le groupe qui compte parmi les plus grands consommateurs d'énergie à l'échelle nationale. Deuxième chantier, le pipeline qui conduira les phosphates bruts des mines de Khouribga vers Jorf Lasfar. Si les économies engendrées sur le plan logistique ne sont plus à démontrer, la mesure de son apport environnemental est aussi stratégique car en plus de la réduction de la pollution liée au transport, ce pipeline permettra de réduire de manière drastique la consommation d'eau et d'énergie. En chiffres, le pipeline permettra d'économiser en moyenne annuelle, l'équivalent de 700.000 tonnes de CO2. Une quantité qui représente environ le quart des émissions globales de CO2 produites par le groupe OCP (3 millions de tonnes de CO2 annuels). La station de dessalement d'eau de mer prévue dans la région forme le troisième projet. Une infrastructure destinée à produire 75 millions de m3 d'eau par an destinée aux usages industriels de l'OCP. Du coup c'est aussi la même quantité d'eau qui sera préservée pour les utilisations domestiques de la région. «Tous ces projets s'inscrivent dans le cadre de la contribution du groupe à la réduction des effets de serre», un autre message que Balafrej tient à faire passer en parlant de l'expérience de l'OCP. Au delà des bienfaits opérationnels et environnementaux des projets de l'OCP, peut-on dire qu'ils sont rentables du point de vue financier ? Le leader mondial des phosphates compte bien profiter des mécanismes internationaux et de vendre les économies de CO2 ainsi réalisés sur les bourses de carbone mondiales mises en place dans le cadre des accords de Kyoto. Chaque tonne de ce fameux gaz à effet de serre coûte entre 10 et 12 euros. «Les montants octroyés pour les économies de CO2 sont destinés, selon les règles de la Banque Mondiale, à compenser les coûts déboursés pour préserver l'environnement et réduire les émissions à effets de serre», explique Balafrej. Une manière d'inciter les entreprises à faire les efforts nécessaires. Mais qu'en est-il des projets qui sont en passe d'être installés au niveau du Jorf Phosphates Hub ? Au moins 15 nouveaux opérateurs industriels installent des usines de grande envergure en joint-venture avec l'OCP, dans cette zone destinée à être la plus grande à l'échelle mondiale dans l'industrie chimique. La question qui se pose est de mesurer la menace potentielle pour le littoral du Jorf. Quand les Indiens et les Pakistanais ont installé des unités sur le parc de Maroc Phosphore, filiale de l'OCP, des voix se sont élevées pour dire que ces pays délocalisent leurs industries polluantes au Maroc. Pour Taha Balafrej, il s'agit d'une erreur d'appréciation au sujet de laquelle il nous rassure en indiquant que l'ensemble des unités de Jorf Phosphates Hub respecteront les règles environnementales dictées par la Banque Mondiale. De plus, l'ensemble du site doit légalement faire l'objet d'une étude d'impact environnemental pour estimer l'ensemble des risques qui lui sont liés. «Compte tenu de ces nouvelles données, nous sommes obligés de converger vers les normes environnementales que nous allons imposer aux nouveaux investisseurs, au même titre que les opérateurs indiens et pakistanais déjà installés. C'est pour cela que nous lançons l'étude EPIP (Environment Performance Improvemnent Plan)», annonce Balafrej. Cette étude actuellement en cours devrait déboucher sur trois principales mesures. le coût du statu quo et ses impacts d'une part, les mécanismes et actions à mener pour améliorer l'existant d'autre part et les investissements nécessaires pour réaliser ces actions d'amélioration. En conclusion, Balafrej nous rappelle que le but ultime de tous ces efforts est de protéger notre avenir et celui de nos enfants en faisant les efforts pour leur laisser une planète viable et vivable.