La 17e édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL), prévue du 11 au 20 février, ne versera finalement pas dans le genre « romance», mais plutôt dans le «suspense». Désaccord, incompréhension et marasme entre le ministère de la Culture, qui organise l'événement, et les associations culturelles marocaines. Perturbation telle qu'elle entraîna une réaction paroxystique chez bon nombre d'organismes culturels, notamment l'Union des écrivains du Maroc (UEM), la Maison de la poésie et l'Alliance marocaine pour la culture et les arts. Verdict: On boycotte toutes les activités du SIEL! Les raisons invoquées sont multiples, mais la plus importante concerne la dénonciation d'une certaine torpeur qui paralyse la scène culturelle nationale, depuis la nomination de Bensalem Himmich. «La gestion de la chose culturelle au Maroc laisse à désirer. C'est le statu quo depuis l'arrivée de l'actuel ministre de la Culture», précise Hassan Neffali, président de l'Alliance marocaine pour la culture et les arts. Dans un communiqué diffusé deux jours avant le coup d'envoi du SIEL, ce collectif justifie ce boycott par le fait que «le ministère de la Culture persiste dans ses pratiques, telle la non invitation de ces associations à prendre part à une conférence de presse organisée le 4 février, pour présenter les activités du Salon». Ces associations reprochent également au ministère de n'avoir pas invité les différentes composantes de la vie culturelle de l'Italie, invitée d'honneur de cette édition, en se contentant de la seule représentation officielle italienne. Alors, qui boycotte-t-on finalement, le SIEL ou le ministre? Deux visions différentes Ces reproches, Rachid Jebbouj, commissaire du SIEL, les conteste: «J'ai lu le communiqué de ce collectif et je peux vous assurer que je n'ai pas compris les raisons de cette décision. Les arguments avancés ne sont pas du tout convaincants. Ces associations ont bien entendu le droit de boycotter le Salon...Ce qui est dérangeant, c'est le fait d'annoncer cela deux jours avant le début de la manifestation...». Le responsable avance que ce boycott est inattendu, «d'autant plus que l'UEM et la Maison de la poésie font partie de nos partenaires. Nous avons même réservé des billets d'avion et des chambres d'hôtels pour leurs membres qui allaient intervenir dans le cadre du Salon». Hassan Neffali, lui, voit les choses autrement. «Le Salon du livre n'est qu'un prétexte pour dénoncer ce qui se passe. Je pense que notre décision était attendue dans la mesure où le ministère n'a pas tenu ses promesses envers notre collectif, malgré les correspondances qui lui ont été adressées. Pis, il a réduit le soutien financier annuel octroyé aux associations culturelles au titre de l'année 2010, arrêté les chantiers lancés par ses prédecesseurs, Mohamed Achaâri et Touria Jebrane et surtout, supprimé l'allocation dédiée à la mutuelle nationale des artistes», confie-t-il. Ce n'est pas tout. Neffali affirme que d'autres agissements du ministère ont poussé le collectif à boycotter le Salon. Selon lui, aucun fonctionnaire du ministère de la Culture n'a daigné prendre l'avis des membres du collectif sur la programmation. «Himmich n'a pas cessé d'affirmer que le ministère ne produit pas la culture, mais aide les producteurs culturels. Ce n'est pas le cas, dans la mesure où 95% des activités organisées lors du SIEL sont initiées par son département», ajoute Neffali. À quoi sert le SIEL ? À travers toutes ces vicissitudes, qu'en est-il vraiment du rôle du SIEL ? Comment se positionne-t-il dans l'échiquier culturel national ? Arrive-t-il à remplir sa mission principale; à savoir encourager les Marocains à lire ? À en croire la programmation dévoilée lors d'une conférence de presse organisée la semaine dernière, la 17e édition du SIEL tentera de s'éloigner du caractère purement commercial, pour se présenter en tant que forum de discussion entre les intellectuels marocains et étrangers, ce qui a déjà commencé à s'esquisser durant l'édition précédente. C'est ainsi que plusieurs rencontres sont programmées tout au long de la manifestation qui a vu le désistement de l'intellectuel égyptien Jaber Oussfour, en raison des événements que connaît son pays en ce moment. Une programmation tout à fait «basique», selon Neffali qui n'a pas manqué de manifester son étonnement quant à l'absence d'une table ronde dédiée aux révolutions tunisienne et égyptienne. Lieu intellectuel par excellence, le SIEL considéré comme l'un des événements culturels majeurs au Maroc, sera-t-il la victime de ce désaccord ou réussira-t-il à faire du livre un vrai pilier de la société du savoir? fatima-ezzahra saâdane