Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et des avions cloués au sol, cela arrange toujours les affaires des transporteurs routiers internationaux. Face aux perturbations du trafic aérien provoquées par le nuage de cendres qui s'étend sur l'Europe (après l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll), c'est la ruée, au Maroc, sur les autres moyens de transport pour rejoindre le Vieux continent. En premier lieu, les autocars. «La voie terrestre, longtemps boudée par les voyageurs, est devenue le meilleur moyen pour détourner la crise du transport aérien», souligne Abdelilah Hifdi, président de la Fédération du transport. Des centaines de voyageurs se sont ainsi précipité sur les différentes agences des compagnies de transport routier international. Sur place, ils découvrent que même ces transporteurs sont «submergés» par les demandes de rapatriement de groupes de touristes bloqués, formulées par les agences de voyages. Surbookés, les transporteurs terrestres internationaux n'arrivent pas, souvent, à satisfaire toutes les demandes. Même si certains ont doublé les fréquences sur certaines destinations, telles Paris-Lyon, Toulouse, Milan... «Nous dégageons les touristes grâce à des autorisations exceptionnelles», souligne Mohamed Bouyahyaoui d'Univers Bus et président de l'Association marocaine des transports routiers internationaux (Amtri). Et ce n'est pas la capacité du secteur qui faciliterait les choses. Actuellement, il existe en effet 28 compagnies de transport routier à l'international pour voyageurs qui opèrent au Maroc (y compris l'informel). Le parc, lui, compte 250 autocars, d'une capacité de 48 places chacun. En ces temps de crise, ce parc à lui seul n'a pas suffi, selon plusieurs témoignages, pour acheminer les voyageurs. Et, parfois, même si le véhicule est disponible, les professionnels font face au manque de... chauffeurs. En effet, sur les «longs trajets» (Italie, Pays-Bas...), ils sont obligés de faire relayer quatre chauffeurs, pour des normes de sécurité. Pour ce faire, des transporteurs marocains ont dû faire appel à des homologues européens pour acheminer leurs voyageurs. L'exemple de la ligne Casablanca-Milan : la compagnie Univers Bus se charge de transporter les voyageurs jusqu'à Barcelone. Une fois sur place, son partenaire européen se charge du trajet Barcelone-Milan. Ce modus operandi est dupliqué par d'autres compagnies. Selon les professionnels, cette situation exceptionnelle devrait durer jusqu'à la fin du mois d'avril. Par ailleurs, les principales destinations qui subissent une forte pression sur la demande sont la France, la Belgique, l'Italie et l'Espagne. Une pression qui n'a pas épargné le secteur des spéculations sur l'offre et la demande : les prix ont flambé, notamment au niveau de l'informel (des autocars non autorisés à desservir à l'international). «Les prix sont encadrés par l'Etat. Ils n'ont pas changé au niveau des compagnies structurés», indique le président de la Fédération du transport. Des témoignages recueillis auprès de quelques voyageurs font état, pourtant, de cas révélés où le billet a bel et bien coûté le double du tarif normal. Rejoindre l'Europe «à tout prix» Voyager par voie maritime s'est aussi imposé comme alternative de dernière minute. Le trafic s'est ranimé dans le détroit et plusieurs lignes maritimes, suspendues ou peu fréquentée, ont été rouvertes. Telle la ligne Tanger-Sète, opérationnelle depuis le déclenchement de la crise des nuages volcaniques. Une autre activité a connu aussi un léger frémissement grâce à la fermeture des aéroports européens. Celle de la location de voitures. Selon plusieurs témoignages, certains voyageurs ont eu recours à des voitures louées pour rejoindre l'Europe. Par ailleurs, des transporteurs routiers à l'international relativisent cette «euphorie provisoire». «Nous rapatrions des touristes pour le compte des voyagistes, mais sans bénéfices. Car les autocars reviennent vides d'Europe», indique ce transporteur de Casablanca. Pour d'autres, c'est carrément une bonne partie de leur business qui est impactée. Notamment ceux qui réalisent du chiffre au niveau du tourisme réceptif. Des commandes pour transporter des groupes de touristes sont ainsi tout simplement annulées par les donneurs d'ordre... Un second nuage de cendres A l'heure où nous mettions sous presse, les agences de presse internationales faisaient état d'un deuxième nuage de cendres qui a fait son apparition hier. Ce second nuage aurait déjà atteint le Royaume-Uni, alors que lundi on annonçait partout la reprise progressive des vols aériens. Le reprise des vols en Europe du Nord risque ainsi d'être à nouveau tributaire de l'évolution de ce deuxième nuage. Rappelons que le volcan qui est entré en éruption en Islande, mercredi 14 avril, avait immobilisé des milliers de vols aériens en raison du principe de précaution invoqué par les autorités. Le réel danger de ce nuage de cendres réside dans le fait que les réacteurs pourraient s'arrêter en cas de contact avec les particules de cendres corrosives. Pour l'heure, le Maroc dessert l'Espagne et le Portugal. Hier, la compagnie aérienne Jet4you a annoncé la reprise de ses vols vers la France, Italie, Belgique, l'Espagne et la Suisse. Royal Air Maroc, elle, n'a pas encore annoncé la reprise des vols. Les passagers de la compagnie nationale sont invités à appeler un numéro vert (08 9000 0800) pour se renseigner.