«Au point où nous en sommes, pourquoi ne pas prévoir la peine capitale pour le notaire infracteur !». Bien qu'annoncée sur un ton ironique, la réplique de Me Lakhrissi Lahachmi, notaire à Marrakech, ne manque par de révéler ce que pensent les notaires du projet de loi 32-09, relatif à l'organisation du métier de notariat au Maroc. Réunis samedi dernier à la faculté de droit de Settat, pour une journée d'étude autour du thème de «L'acte notarié face aux exigences économiques et sociales», les participants (pour la plupart notaires, juristes et étudiants en droit) ont été quasi-unanimement déçus par ce projet de loi et par son «inadéquation» par rapport aux attentes des notaires. D'ailleurs, ces derniers contestent presque en bloc l'ensemble des dispositions de la future loi, telles que confectionnées par les Commissions de législation des deux Chambres et qui viennent abroger les dispositions du dahir du 4 mai 1925 réglementant la profession de notariat, lequel d'ailleurs maintient dans son article 7 que pour aspirer aux fonctions de notaire, il faut être Français ! Le niet ou la démission Sur cet élan contestataire, la Chambre nationale du notariat moderne au Maroc va plus loin. Elle propose des amendements à introduire sur pratiquement les 133 articles qui constituent le corps du projet de loi. «Quelle est aujourd'hui la plus-value de ce projet de loi, si ce n'est de se retrouver devant un phénomène d'acculturation juridique ?», s'étonne laconiquement Me Noureddine Skouked, notaire à Casablanca. Pour ce dernier, alors que le corps du métier attendait une réforme du notariat au Maroc, le législateur a démontré qu'il était loin d'avoir cerné toutes les facettes de ce métier, mêmes si des notaires ont été auditionnés par les parlementaires avant de mettre en place la nouvelle mouture. Simple exemple, alors que quelque 170 Etats définissent dans leurs lois le concept de «notaire», le projet n'apporte lui aucune définition. D'ailleurs la Chambre nationale des notaires part au front dès le premier article du projet de loi. Ce dernier définit le notariat comme «l'exercice d'une profession libérale». Réponse du berger à la bergère, la Chambre des notaires insiste plus sur la définition du «notaire» en expliquant qu'il est «un officier public exerçant une profession libérale». Autre point d'achoppement, le projet de loi maintient le contrôle des professionnels par le procureur général. «Un contrôle technique plus que judiciaire», explique l'enseignant-chercheur Mohamed Kafil. En effet, Si cette procédure était applicable du temps où le pays ne comptait qu'une poignée de notaires, elle est aujourd'hui presque impossible du fait que leur nombre dépasse aujourd'hui les 900 et celui des clercs (stagiaires) les 3.000. L'autre nouveauté du texte, qui assurément a fait déborder le vase, le notaire, nommé par dahir, le sera désormais par décret du Premier ministre. «Si le projet est voté tel qu'il est en plénière par les parlementaires, il y aura certainement des démissions en masse de ce corps», fustige Me Lakhrissi. Si le projet est voté en plénière lors de cette session parlementaire, cette démission en masse coïnciderait avec le congrès de l'Union internationale du notariat, qui se tiendra en octobre prochain au Maroc. De quoi ternir l'image du législateur marocain sur ce volet, lorsqu'on sait que chez nos voisins du Nord et du Sud, les textes portant organisation du métier de notariat sont plus harmonieux. Le fonds de garantie maintenu Le projet de loi 32-09 prévoit la création d'un Ordre national des notaires doté de la personnalité morale et chargé d'encadrer les notaires et de coordonner les actions des conseils régionaux de l'instance. Le texte de loi prévoit aussi l'accès à la profession par concours, la création d'un centre de formation professionnelle, la restructuration de la commission chargée d'émettre un avis au sujet de l'affectation, la mutation et la radiation des notaires et de se pencher sur les mesures disciplinaires. Par ailleurs, le projet de loi 32-09 maintient le fonds de garantie du notariat, géré par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Ce fonds permet de garantir les droits des citoyens en cas de non solvabilité d'un notaire.