Ce secteur est incontestablement le meilleur élève du plan Emergence. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler que cette filière, qui n'existait pas encore il y a 10 ans, pèse aujourd'hui 30.000 emplois et un chiffre d'affaires à l'export dépassant les 4,5 milliards de dirhams. Le secteur peut être redevable de sa performance à l'explosion de l'activité des centres d'appels. «Aujourd'hui, cette activité est unanimement considérée comme la locomotive de l'offshoring», rapporte Mohamed El Ouahdoudi, directeur général du Siccam (Salon international des centres de contact et d'appels au Maroc). En chiffres, les centres d'appels représentent, à fin 2009, 25.000 emplois et un chiffre d'affaires de 3,3 milliards de dirhams, soit 3 fois plus qu'en 2005. Et l'avenir de la filière est bien orienté. «Plus de 4.000 nouvelles positions devraient être créées en 2010, et la barre des 10 milliards de dirhams de chiffre d'affaires du secteur serait dépassée dans les deux prochains exercices», pronostique Ouahdoudi. Mais aujourd'hui, certains professionnels rapportent que les centres d'appels, tout comme l'ensemble des métiers de l'offshoring, sont confrontés à une problématique d'inflation des salaires. «Le Maroc n'a pas eu à se positionner par les prix mais surtout en proposant des incitations fiscales», relativise Ouadoudi. A ce titre, en 2009, 22 entreprises du secteur ont bénéficié du remboursement de l'impôt sur le revenu pour un montant total de 30 millions de dirhams. Une insuffisance qui fait l'unanimité porte en revanche sur la difficulté de trouver des profils en nombre suffisant, d'autant plus qu'il faudra s'attaquer à de nouveaux métiers. Dans le viseur des professionnels, le développement logiciel, l'enseignement des langues étrangères à distance, la publication assistée par ordinateur (PAO)... Dans le même ordre d'idées, une marge de développement demeure pour l'ITO (information technology outsourcing) qui n'a vraiment démarré qu'en 2007 et surtout le BPO (business process outsourcing), sachant que cette dernière activité est la plus rémunératrice des métiers de l'offshoring. Un premier chantier qui s'inscrit donc dans l'agenda du secteur. Un autre chantier, par contre, concerne les plateformes industrielles intégrées (P2I). Sur ce registre, Casanearshore et Rabat Technopolis sont aujourd'hui opérationnelles et les travaux d'aménagement de la plateforme de Fès shore sont en cours. Les deux prochaines plateformes qui seront lancées durant la 1re moitié de 2010 sont les P2I de Tétouan et d'Oujda. Mais surtout la prochaine étape pour le secteur, tout comme l'ensemble du plan Emergence d'ailleurs, consistera à décliner le volet «promotion» pour convaincre les investisseurs de s'implanter au Maroc. Un passage obligé pour atteindre l'objectif de 100.000 emplois et de 20 milliards de dirhams de chiffre d'affaires à l'export en 2015. Automobile Il faut accélérer ! Pour Chami, c'est l'un des secteurs «locomotives» du Plan Emergence. Les mesures qui y sont programmées auraient ainsi été appliquées et vont bon train. Néanmoins, le comité de suivi de ce chantier au niveau de la Confédération patronale a noté quelques «rectificatifs». Pour ce comité, la crise que vient de traverser le secteur de l'automobile à l'échelle mondiale «doit accélérer la mise en œuvre des initiatives du plan Emergence pour la filière locale». Objectif : tirer profit des opportunités offertes par cette conjoncture. Autre recommandation majeure : la stratégie déployée permettrait certes l'éclosion d'un tissu d'équipementiers marocains, mais pour que ces acteurs puissent se muer en champions nationaux, il faudra encore «les financer». Comment ? La recette proposée par le comité de suivi est de constituer un «outil d'investissement en fonds propres» destiné à les accompagner. Cet outil doit être déployé par les constructeurs automobiles et par l'Etat. Ce chantier devrait être étudié dans les années qui viennent. Mis à part ces aspects, le volet automobile du plan Emergence aura rempli efficacement ses engagements jusqu'à maintenant. De fait, en 2009, 10 projets apparentés au secteur ont bénéficié des aides à l'installation du fonds Hassan II pour un montant de contribution total de 64 millions de dirhams et 4 projets ont bénéficié des avantages de la Charte de l'investissement, notamment en termes de réduction de l'impôt sur les sociétés et d'une prise en charge partielle de certaines dépenses. Sur le même registre, l'année 2009 a permis d'établir les modalités de réalisation de la plateforme industrielle intégrée (P2I) de Kénitra. La signature de la convention d'application pour la mise en œuvre de cette plateforme a été effectuée en avril 2009. Par ailleurs, la zone franche que doit accueillir la même ville de Kénitra, Atlantic Free Zone Investment, a été créée. Les travaux de construction ont démarré en mars dernier. S'agissant de la P2I de Tanger, le plan d'aménagement est finalisé. Le business plan est en cours d'élaboration. En ce qui concerne la zone franche de la ville, le projet de décret portant sa création est en cours de signature. Le lancement des travaux est prévu pour juin 2010. Sur le plan de la formation, les besoins qualitatifs et quantitatifs en formation ont été identifiés. électronique Les bienfaits de la compensation industrielle Secteur incontournable pour l'essor de l'industrie nationale, l'électronique a bien évidemment été intégré dans le pacte Emergence. De l'avis des professionnels, «ce secteur affiche une vision cohérente, des objectifs et engagements précis». Cette stratégie a été confortée par l'adoption de quatre initiatives détaillées, à savoir une offre Maroc électronique, un programme de formation adapté au secteur, un autre programme ciblé de promotion, ainsi que des quartiers dédiés au sein des P2I (plateformes industrielles intégrées). Toutefois, une majorité de professionnels estiment que le développement du secteur électronique aurait tout à gagner en mettant en œuvre une loi sur la compensation industrielle. En effet, celle-ci «est largement utilisée de par le monde dans le cadre des marchés publics les plus importants. Il s'agit d'un levier supplémentaire permettant de créer des emplois et de la valeur ajoutée mais également de transférer des technologies», argue-t-on à la CGEM. Cette affirmation découle d'un benchmarking, qui fait état du recours par de très nombreux pays au mécanisme de la compensation industrielle, notamment dans les contrats des équipements de transports. Ainsi, à titre d'exemple, alors que le Maroc investit dans le TGV et les tramways, le soumissionnaire pourra dans la foulée réaliser nombre d'actions de compensation. La sous-traitance des activités de production ou de maintenance industrielles, ou l'externalisation d'activités de support auprès d'une entreprise marocaine ne sont que quelques exemples d'application de la compensation industrielle, auxquels peuvent s'ajouter l'approvisionnement pour les besoins de l'entreprise avec des produits marocains, la création d'un centre d'ingénierie ou de R&D au Maroc, ou tout simplement le transfert d'une technologie à une entreprise marocaine. Agroalimentaire Un plan «bicéphale» Lors de l'élaboration du plan Emergence II, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime avait demandé à son homologue du Commerce et de l'industrie de lui «laisser la partie concernant les produits agricoles et les produits de la mer». L'argument d'Aziz Akhannouch est que son département préparait deux plans de développement sectoriel : l'un pour l'agriculture (Maroc Vert) et l'autre pour la pêche (Halieutis). De l'avis de plusieurs témoignages, ce caractère «bicéphale» de la gestion du volet agroalimentaire du pacte Emergence II a «ralenti» les réalisations sur ce chantier. Ahmed Reda Chami l'a même reconnu, sommairement, dans son discours devant le Roi. Initialement, le pacte nourrissait de grandes ambitions pour ce secteur, notamment pour les filières export comme les conserves et l'huile d'olive. L'objectif est de favoriser l'investissement marocain et étranger sur ces segments en lien notamment avec le Plan Maroc Vert. On parlait également de la libéralisation de l'abattage et la réduction des coûts de production des industriels de la chocolaterie, la confiserie ou la biscuiterie pour améliorer leur compétitivité. Pour ces derniers, il s'agissait de réduire de 2,5% les droits de douane pour les intrants. Aujourd'hui, le secteur est en attente de la réalisation de cette mesure. Ce que Chami justifie par le retard dans la fixation des quotas d'importation. En effet, les actions relatives aux quotas pour les intrants, à la formation et à la modernisation des entreprises ont été mises en place. Concernant la gouvernance, les Comités de suivi agroalimentaire ne se sont pas tenus et, par conséquent, les plans d'actions n'ont pas été établis. Les professionnels appellent également à l'extension des dispositions des programmes Imtiaz, Moussanada et les fonds publics-privés, en faveur des entreprises dont le CA est supérieur à 100 millions de DH. Textile Une première année «blanche» C'est l'un des chantiers qui ont cumulé le plus de retards. Si les professionnels brandissent à chaque fois un lancinant «rien n'a été fait», Pour leur part, Chami et ses partenaires institutionnels relativisent. Au lancement d'Emergence II, les rédacteurs du pacte parlaient du développement d'une vision globale pour le marché : aussi bien à l'export (fast fashion) qu'au niveau du marché local (un potentiel estimé à 30 milliards de DH). L'objectif étant de réduire la dépendance à l'égard de deux pays (France et Espagne, représentant 60% de nos exportations), en finir avec la fragilité du tissu industriel (majoritairement composé d'acteurs de petite taille – CA moyen de 15 millions de DH) et réduire l'impact de l'informel. Sur le marché local, le développement des chaînes de distribution devait reposer sur les programmes lancés en 2009 : Imtiaz, les fonds d'investissement public-privé ainsi que le Fonds Rawaj. A une année du lancement du pacte, plusieurs professionnels déclarent qu'ils n'ont pas encore remarqué de «grands changements». Cet avis «catégorique» est nuancé par le président de leur Fédération, Mustapha Sajid. Selon lui, la définition d'un plan de débouchés à l'export est une avancée importante, mais il regrette pour autant que la révision des droits de douane pour les intrants n'ait pas avancé. «Le coût ne sera jamais un avantage pour notre industrie face à la concurrence asiatique», précise le ministre du Commerce et de l'industrie. La solution ? Livrer plus vite et profiter ainsi des nouveaux comportements des consommateurs, nationaux et internationaux, qui exigent toujours plus de choix et de nouveautés. Encore faut-il disposer de la matière première, car pour livrer vite il faut promptement disposer du tissu. Et les professionnels ont longtemps appelé à la révision de taxes douanières sur les intrants. «Des efforts supplémentaires seront déployés au cours des prochains mois, pour attirer les acteurs qui viendront assurer une meilleure disponibilité des intrants et des services de finition. Ils permettront ainsi de renforcer la réactivité», indique le ministre. Ce dernier ajoute que son département «a pris trop de temps» pour proposer un plan de redéfinition des droits de douane de ces intrants. «Autant dire que le secteur a connu une première année blanche», ironise ce textilien de Rabat. Aéronautique «Une stratégie plus que jamais pertinente» Le développement de l'aéronautique constitue un véritable défi pour le plan Emergence. L'implication des industriels dans l'élaboration de la stratégie étatique fait que ces derniers sont globalement satisfaits de l'état d'avancement du Plan. Néanmoins, la question qui taraude les esprits concerne la pertinence de la stratégie gouvernementale, qui a été conçue avant la crise. Mais les professionnels du secteur demeurent confiants. «La stratégie est plus pertinente que jamais, au niveau des axes de développement. L'un des enseignements de la crise est le retour en force de l'industrie dans le monde. En effet, l'Industrie est le véritable secteur de l'économie réelle par sa création de valeurs au niveau économique et social et par sa capacité de générer de réelles compétences et des emplois durables. Dans le monde entier, l'on peut observer un retour en force des investissements dans l'industrie», commente-t-on au sein de la CGEM. Un constat corroboré par Hamid Benbrahim Andaloussi, président du GIMAS (Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales). Selon ce dernier, «le bilan fait lors des assises de l'industrie indique la pertinence de la vision, surtout après la crise que connaît le monde, et qui offre au Maroc de nouvelles opportunités dans ce secteur». Pour l'heure, les représentants du secteur ne sont pas peu fiers des réalisations effectuées depuis une année. Entre la présence du Maroc au Salon du Bourget, l'Aéro-expo de Marrakech organisée en partenariat avec le GIMAS, et les rencontres B to B avec des homologues espagnols, italiens et japonais, l'agenda a été chargé pour les industriels de l'aéronautique. Sans oublier la présentation de l'offre nationale aux chefs d'entreprise d'EADS et d'Airbus lors de leurs visites au Maroc.Toutefois, si les assises de l'industrie ont mis en avant les principales avancées du secteur, elles ont également permis de prendre conscience du chemin qui reste à parcourir. L'amélioration du climat des affaires, ainsi qu'une plus grande disponibilité des compétences, sont les points qui reviennent souvent dans les propos des professionnels du secteur. En outre, ceux-ci attendent beaucoup de la mise en place de la plateforme industrielle intégrée dédiée de Nouaceur, espérée comme un véritable pôle de compétitivité, et dont les travaux doivent en principe débuter en septembre prochain. «Le secteur de l'aéronautique est exigeant en termes de qualité et de ressources. Il faut aller encore plus vite, il faut oser davantage, faire preuve de plus d'imagination, et surtout, être en osmose avec les exigences d'excellence et de qualité de ce métier», conclut le président du GIMAS. Le ton est donné .