Les résultats obtenus dans le cadre des politiques visant à promouvoir la création et le développement d'entreprises sont mitigés. C'est le constat global tiré par les décideurs et dirigeants d'entreprises réunis lors d'un colloque organisé par l'association des diplômés de l'école de management de Lyon (ADEM) autour du thème « Regards et perspectives sur l'entrepreneuriat au Maroc». Pour tenter d'expliquer la situation, les intervenants dont entre autres, Adil Douiri, ex-ministre du Tourisme et fondateur de la société d'investissement Mutandis, Mohamed Horani, patron de la CGEM, Thami Ghorfi, président de l'ESCA, et Larbi Belarbi, président de l'ADEM, ont tour à tour posé leur diagnostic et prodigué des conseils aux nouveaux et aux futurs entrepreneurs. Premier obstacle au développement de l'entreprise marocaine, une crainte excessive, voire une aversion au risque. La plupart des entrepreneurs, expliquent les intervenants, sont plutôt conformistes et aiment s'accrocher à des opportunités présentant un niveau de risque minimal ou nul. Or, comme l'a souligné Mohamed Horani, «cette culture du risque zéro se révèle généralement plus coûteuse que profitable, ceci dans la mesure où l'entrepreneur passe facilement à côté d'énormes possibilités de développement». Une assertion également appuyée par Larbi Belarbi qui explique qu'en effet, «on n'est véritablement entrepreneur qu'à partir du moment où on est capable de prendre des risques, souvent tous les risques». Toujours sur la question du développement, deux paradoxes bloquant les entreprises ont été relevés. Pour croître, les jeunes entrepreneurs créent des synergies à travers des alliances ou l'ouverture de leur capital, cependant au Maroc peu de start-up s'engagent dans cette logique. « Ouvrir son capital pour l'entrepreneur marocain c'est comme ouvrir sa porte à des inconnus, c'est difficilement acceptable», souligne Hassan Laâziri, président de l'association marocaine des investisseurs en capital. Mais l'autre aspect du paradoxe, reconnaît également Laâziri, est que jusqu'à présent les investisseurs (les fonds sous gestion) sont eux aussi craintifs quand il s'agit de traiter avec les jeunes entreprises, car leur rendement n'est pas toujours encourageant. Ils n'injectent généralement de l'argent que dans les structures en plein développement ou en phase de transmission. Mais à ces facteurs il faut ajouter aussi les contraintes liées à l'environnement économique qui ne facilitent pas l'accès des jeunes entrepreneurs aux marchés, notamment les marchés publics. Nos entreprises n'ont pas faim ! Pour démontrer comment le manque d'ambition empêche les entreprises marocaines de percer, Larbi Belarbi a servi au public une anecdote croustillante. Allemand d'un grand groupe automobile était venu au Maroc et a fait le tour des équipementiers dans l'optique d'avoir un sous-traitant. Après avoir fini sa tournée, Belarbi lui demande: «Alors, que pensez-vous du sourcing marocain pour l'automobile allemande ?». Réponse du dirigeant allemand : «La qualité marocaine est bonne, les cadres sont compétents mais les entreprises que j'ai rencontrées n'ont pas faim». Devant la surprise de Belarbi, le dirigeant allemand a apporté une nuance prouvant : «En sortant de l'hôtel, explique-t-il, un vendeur ambulant m'a abordé pour me vendre une cravate. Lui ayant signalé que je n'en avais pas besoin, il m'a proposé alors une ceinture, l'ayant également refusée, sans démordre il m'a tendu des babouches que j'ai fini par acheter». Et il conclut: «C'est cela un entrepreneur qui a faim !».