Les choses sérieuses ne font que commencer. C'est du moins l'impression que l'on ressent quand on évalue le chantier qui attend encore l'instance en charge du dialogue national «Médias & société». Les 150 recommandations présentées samedi dernier aux membres de la commission «ont été en grande partie retenues», se félicite Jamal Eddine Naji, coordinateur du dialogue, mais il faudra attendre trois semaines supplémentaires avant d'avoir la version «définitive» de la commission. Celle-ci rendra alors «ses remarques et ses précisions» avant que le très attendu Livre blanc ne soit déposé sous la coupole parlementaire pour accord. Ce n'est qu'après cette étape que les citoyens intéressés, pourront déposer dans le livre, mis en ligne sur le site de l'instance, leurs propositions. Une étape virtuelle de dialogue public qui a déjà montré ses limites. Rappelez-vous, à la mise en ligne du site «mediasociete.ma», les citoyens étaient invités à contribuer au dialogue via les différents forums lancés sur le portail. Résultat : quelques commentaires plus ou moins similaires et essentiellement tournés vers la critique du paysage audiovisuel marocain qui laissent perplexe, quant au mode de concertation adopté auprès du grand public. Pour peu que cela n'engage pas le retard de la mise en application de certaines des recommandations de l'instance, du moins les plus urgentes, le coordinateur de l'instance reste serein quant à la suite des événements. «La France a mis toute une année pour débattre uniquement du secteur de la presse écrite. Nous, pour le même temps, nous avons débattu de tous les secteurs relatifs aux médias», argue Jamal Eddine Naji. Une question de terminolgie À l'heure où le pays tout entier n'a que le seul mot «Constitution» à la bouche, il serait étonnant de ne pas l'entendre dans celle des professionnels des médias. Parmi les recommandations récurrentes présentées par l'instance, il faut souligner celle de «la constitutionalisation de certains droits, libertés et engagements fondamentaux». C'est d'ailleurs, déclare Younes Moujahid, président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), «le point essentiel débattu lors de la réunion de samedi dernier». Et pour cause : «la révision de la Constitution est l'occasion d'inclure les droits fondamentaux de la profession, de la reconnaître comme un métier à part entier et de lui rendre le pouvoir qu'elle mérite». Le rendez-vous est donc pris et les membres de l'instance rencontreront l'équipe de Abdeltif Menouni, jeudi prochain. En attendant, il est question de «finaliser la terminologie», précise le syndicaliste. De son côté Naji atteste qu'il est «aujourd'hui temps de mentionner le droit d'accès à l'information et à sa diffusion dans les textes et les autres moyens d'information». Pour ce spécialiste des médias, l'évolution des technologies et des modes de «consommation» de l'information ne doit pas passer inaperçu. Il sera donc également question, dans le rendu que l'instance adressera à la commission consultative, «de souligner la nécessité de mettre en place un système de régulation des médias notamment à travers la création d'un haut conseil». Haut conseil que le syndicat souhaiterait, public. «Les citoyens doivent avoir un droit de regard sur le contenu médiatique qu'on leur propose». Il précisera qu'aux yeux de Moujahid, les médias «privés ou non, sont un bien public et qu'ils doivent répondre à une obligation de service citoyen». En l'occurrence une information crédible et objective. Ce n'est pas gagné... Si le chantier «Médias & société» n'est donc pas encore bouclé, les membres de l'instance estiment toutefois que celui des réformes médiatiques peut déjà être enclenché, à moins que le ministère de la Communication n'en décide autrement. En effet, les dernières déclarations de Karim Taj, directeur de cabinet de Khalid Naciri, ont laissé plané un léger doute sur l'avancement des différents projets de réforme appelés à être engagés dans le secteur. Doute d'autant plus fondé, que le ministère s'est récemment, enfin «réveillé» pour la révision du code de la presse qui traine déjà depuis des années. Code qui, soit dit en passant, a également été traité dans le cadre des concertations du dialogue national et plusieurs fois mis sur le tapis par les représentants syndicaux de la profession. Lorsqu'on sait que tous ces documents et propositions (mémorandum du SNPM, recommandations, Livre blanc, code de la presse) doivent être en définitive «lus et approuvés» par les représentants du peuple, avant la clôture de cette cession parlementaire déjà bien chargée, il est juste de se demander si le corps médiatique sera bientôt traité comme il le mérite, ou s'il ne va pas rester en souffrance au service «réanimation».