«Nous avons commencé à donner plus de sens à ce que l'on fait», se réjouit Saïd Laftit, secrétaire général de la Caisse de dépôt et de gestion, lors de la conférence de présentation de résultats 2010 organisée hier, avant que son directeur général n'enchaîne : «Il faut trouver une façon optimale de se positionner». Depuis qu'il a été nommé à la tête du bras financier de l'Etat, Anass Houir Alami poursuit un double objectif : remplir la mission d'intérêt public de la Caisse et dégager de la valeur à partir de l'argent confié par les retraités et les épargnants en général. «C'est difficile pour le privé d'assumer la responsabilité des grands chantiers», explique Anass Alami, c'est donc à la CDG d'assumer pour une grande part ce rôle en accompagnant les autres partenaires. En clair, la Caisse ne veut induire aucun effet d'éviction sur les opérateurs privés. «On doit identifier les métiers où le privé n'a pas sa place», précise-t-il avant de nuancer : «À condition que le choix se porte sur des secteurs rentables pour nos épargnants». Intérêt public donc, mais rentable ! Plus que cela, l'ancien patron de la Poste assume : «Mais, rien ne nous empêche de saisir les opportunités quand elles se présentent». Cela a été le cas pour Méditélécom, dans le capital de laquelle la CDG avait dépassé les 50% avant l'entrée de France Télécom. À ce propos, le deuxième opérateur téléphonique du royaume devrait bientôt s'introduire en Bourse, la concertation est d'ores et déjà engagée entre FinanceCom, CDG et Orange. «On veut entrer en Bourse quand le modèle économique post-troisième opérateur sera équilibré», argue Saïd Laftit qui entend laisser le temps à Méditélécom de stabiliser ses parts face à l'offensive de Wana Corporate. Mais là où l'enjeu est de taille pour la CDG c'est bien évidemment dans le secteur financier. Vers un pôle financier public ? Anass Alami le qualifie de «porteur» et explique : «On sera toujours présents sur ce secteur, même si notre présence peut y être dynamique». En fait, la CDG est présente au capital du Crédit Agricole, de la BMCE et est majoritaire dans le Crédit immobilier et hôtelier, comme elle est présente dans le leasing, le crédit à la consommation et les assurances. Ce secteur est donc crucial pour la Caisse, même si elle doit y revoir sa stratégie. «Nous ambitionnons de rester sur ce secteur, mais la réflexion sur la manière n'est pas encore aboutie», argue Mohamed Amine Benhalima, directeur général adjoint. On peut d'ores et déjà dire que cela va changer, nous fait-on comprendre. D'ailleurs, le changement est déjà enclenché, notamment avec une série de cessions stratégiques. Ainsi, le 23 mars dernier, les hôtels appartenant au CIH étaient cédés, puis Maroc Leasing et Sofac devraient suivre sous peu. «Nous avons transféré des structures vers le CIH, vu qu'il y avait plus de synergies avec ce dernier», affirme Anass Alami, qui entend par là donner les moyens au CIH de s'affirmer en tant que banque universelle. Une restructuration pour sûr, mais de là à parler de l'émergence d'un pôle financier public sous la tutelle de la CDG, il n'y a qu'un pas que le top management se garde bien de franchir : «Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si c'est bien à la Caisse de dépôt et de gestion de remplir ce rôle en tant qu'opérateur, vu que le privé peut aussi le faire». La réflexion est en tout cas en cours et est même dans sa deuxième phase. «Est-ce un investissement nécessaire et intéressant ?», se demande Anass Alami qui pour l'instant préfère parler de bancarisation d'un chantier qui lui tient à cœur et sur lequel il planche en collaboration avec Barid Al Maghrib. En tout cas, le top management ne semble écarter aucune piste et préfère éluder : «Si on est appelés, on réfléchira et on fera l'arbitrage». À l'international, le chantier est aussi colossal pour la Caisse, accompagner les opérateurs marocains à l'étranger. «Nous apporterons, à ces opérateurs qui veulent aller à l'étranger, non seulement des fonds mais aussi et surtout de la crédibilité», explique le top management qui exclut toute nouvelle opération en solitaire de la Caisse en dehors des frontières du royaume. Pour ce qui est des participations, elles sont confiées aux professionnels de la gestion de portefeuille à l'international. Cette année, les participations ont bien évolué et ont connu de bonnes performances, à l'exception de Vivendi qui reste tout de même stable. Retour au Maroc, Anass Alami ne manque pas d'afficher sa volonté d'accompagner les différents chantiers et notamment celui de la régionalisation avancée. Il conclut ainsi que «les collectivités locales sont appelées à prendre le relais des administrations publiques en tant que moteur de croissance, car celles-ci ne peuvent plus continuer à la même cadence». A.S Bon cru ! Pour ce cru 2010, les principaux indicateurs des comptes consolidés ont connu une nette progression suite à l'amélioration du contexte conjoncturel aussi bien au Maroc que dans le monde. Ainsi, le produit net bancaire s'apprécie de 21% pour atteindre 5,258 milliards de dirhams. Le résultat net part du groupe fait encore mieux et explose de 164% pour frôler les 2 milliards de dirhams. La plus-value sur cession des titres Méditel explique en grande partie cette progression prodigieuse, puisqu'elle avait rapporté à la CDG pas moins de 1,246 milliard de dirhams. Par ailleurs, les fonds propres du groupe progressent de 33% pour atteindre 19,729 milliards de dirhams. En fait, ces résultats seraient bien meilleurs sans la contribution négative de certaines filiales aussi bien au résultat qu'aux fonds propres. Interpellé sur la question, Anass Alami explique : «Il s'agit de Nemotech et de M'dina bus. Pour la première, c'est une société spécialisée dans les caméras qui a nécessité un investissement important, elle a acquis le brevet et a appris à maîtriser le procédé industriel. Elle devrait équilibrer ses comptes dès 2012». Et Saïd Laftit de parachever la réponse : «Pour ce qui est de M'dina bus, son modèle économique est structurellement déficitaire».