Depuis hier et jusqu'à vendredi, les acteurs abolitionnistes se retrouvent le temps d'un 4e Congrès mondial à Genève pour préparer une nouvelle offensive contre la peine de mort dans le monde. Réunis dans le cadre symbolique du Palais des Nations de Genève, siège des instances de l'ONU, quelque 2.000 congressistes auront le même objectif : «renforcer les réseaux tissés entre eux à travers les frontières et la variété de leurs identités, et avancer ensemble selon une stratégie commune» contre la peine de mort. Ce mouvement abolitionniste accueille cette année de nouveaux venus dans son cercle, comme le Liban ou le Bénin. Une mort programmée Au Maroc, l'abolition de la peine de mort est à la fois litigieuse et problématique. Ce postulat s'explique surtout par le fait que cette question est intrinsèquement liée à la Chariâa (loi islamique). Toutefois, le pays est qualifié d'«abolitionniste de fait», puisqu'on continue de condamner à mort des accusés sans pour autant les exécuter. D'ailleurs, la dernière exécution de la peine capitale remonte à 1993 à l'encontre du commissaire Tabet, condamné pour avoir commis de multiples viols. En 2008, lors de l'Assemblée générale de l'ONU pour l'adoption, entre autres, du projet de «moratoire sur l'application de la peine de mort», le représentant du Maroc avait déclaré que le pays s'était encore une fois abstenu sur le projet de résolution pour l'abolition de la peine de mort. Pour appuyer cette décision, ce dernier avait souligné que «le Maroc observait, depuis 1994, un moratoire de fait sur la peine de mort, malgré les crimes très graves commis par des terroristes contre des civils». Le Code pénal marocain prévoit la peine de mort pour «quiconque recourt à des actes de torture ou de barbarie pour l'exécution d'un fait qualifié de crime». Toutefois, la condamnation à mort est souvent commuée en peine de réclusion. La peine capitale n'intervient qu'en cas de refus de demande de grâce royale présentée automatiquement au profit du condamné. Jusqu'à aujourd'hui plusieurs condamnés à mort attendent dans les couloirs de la mort une exécution qui n'arriverait peut être jamais. Peine de mort, peine perdue ? À travers la déclaration finale du 4e Congrès mondial contre la peine de mort, organisé à Genève du 24 au 26 février 2010, les participants à cet évènement ont tenu à exprimer leur satisfaction quant à la réalisation de plusieurs recommandations formulées à l'issue du 3e Congrès mondial tenu à Paris en 2007 : augmentation du nombre de pays ayant ratifié le Deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations-Unies, passé de 62 à 72 ; le vote majoritaire, à deux reprises, par plus de 100 pays, à l'Assemblée générale de l'ONU, en faveur d'un moratoire immédiat et universel des exécutions ; la création de nouvelles coalitions régionales contre la peine de mort ; l'augmentation significative du nombre d'organisations membres de la Coalition mondiale, aujourd'hui forte de 104 membres ; Aujourd'hui, l'enjeu pour les membres du congrès est double : les Etats abolitionnistes de fait devraient adopter des législations abolissant en droit la peine de mort. Pour les Etats déjà abolitionnistes, ils devraient intégrer l'enjeu de l'abolition universelle dans leurs relations internationales, en en faisant un axe majeur de leur politique internationale de promotion des droits de l'homme. Une coalition contre la peine de mort Une importante délégation marocaine vient de participer aux travaux du 4e Congrès mondial contre la peine de mort, organisé par l'association française «Ensemble contre la peine de mort» (ECPM) : le Conseil Consultatif des droits de l'homme (CCDH), l'Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH), l'Association marocaine des droits humains (AMDH), et l'Observatoire national des prisons. Amina Bouayach, présidente de l'OMDH, a animé un atelier sur le «développement des coalitions», tenu au Centre international des conférences de Genève (CICG). Son propos, lors de cet atelier se résumerait au fait que «La lutte conte la peine de mort est une action de promotion des droits de l'homme et de consolidation de la culture humaniste». Pour Bouayach, cette lutte se fait d'une manière progressive, afin d'atteindre un idéal du respect de l'homme et de ses droits, et en priorité son droit à la vie. Même son de cloche du côté de l'Observatoire national des prisons. Contacté par Les Echos, Nour-Eddine Saoudi, secrétaire général de cet observatoire, ayant participé aux travaux du congrès, a expliqué pour sa part qu'«il n'y a pas de justice pour tuer». Pour lui, la justice n'est pas infaillible. Et le fait devient encore plus grave quand une sentence de mort est prononcée : «Abolir la peine de mort, c'est aller dans le sens du progrès de l'humanité tout entière», argumente Saoudi. Pour donner toute sa symbolique à l'évènement, ce congrès a été monté en partenariat avec la Coalition mondiale contre la peine de mort et le parrainage du pays hôte, la Suisse.