La phobie de toute PME, c'est l'échec. Néanmoins, comme soutiennent les experts, derrière tout échec, il y a généralement un mauvais choix. La question qui se pose est surtout de savoir comment rebondir. Certes, ce n'est pas évident pour tous les entrepreneurs d'y parvenir, mais les expériences prouvent que c'est toujours possible. Pour briser le tabou qui entoure les situations de faillite, le centre des jeunes dirigeants (CJD) a initié depuis trois ans un trophée décerné aux entrepreneurs qui ont su survivre à leurs échecs. Cet événement donne habituellement lieu à un débat, mettant en exergue des expériences vécues et des leçons à tirer, comme cela a été le cas lors de la Journée nationale de l'entreprise qui s'est tenue la semaine dernière. Réalités Pourquoi les entrepreneurs échouent-ils au Maroc et combien d'entre eux arrivent à rebondir? Difficile de le savoir. Tout ce qu'on sait, c'est qu'au Maroc, peut-être un peu plus qu'ailleurs, selon le constat largement partagé par les entrepreneurs, «échouer est littéralement synonyme de mourir». Comme l'explique un chef d'entreprise en marge d'une conférence, «de manière générale, parler d'échec est un tabou, voire une honte au Maroc. On perd la face». Un constat partagé également par Mounir Benhayoune (voir témoignage). Consacré plus jeune entrepreneur au trophée CJD en 2010 pour avoir lancé sa première entreprise à tout juste 20 ans. Avant d'en arriver là, ce jeune audacieux a également connu plusieurs ratés. L'un d'eux concerne une entreprise de presse qu'il a lancée mais qui a crashé après seulement dix-neuf numéros parus. Une faillite qui, confie-t-il, a failli lui coûter la santé. «À 23 ans, je me suis retrouvé avec 300.000 DH de dettes sur les bras et beaucoup d'énergie dépensée. Je suis tombé dans une profonde dépression d'où je ne savais plus comment sortir», souligne-t-il. Best practices Pour les entrepreneurs qui l'ont connu, le tabou jusque là entretenu autour de l'échec et qui se traduit par une faible propension de l'environnement (partenaires, proches ou familles) à les écouter et à les comprendre, est tout simplement mortel. Car, comme l'explique le coach, Mouhcine Ayouch, «le véritable remède dans une situation d'échec, c'est justement d'avoir la possibilité d'être écouté et soutenu». Mais ce soutien n'est pas attendu seulement de l'environnement immédiat de l'entrepreneur (famille et proches), mais aussi de l'environnement global dans lequel évolue l'entrepreneur de manière institutionnalisée. En effet, plusieurs études ont montré que moins l'échec est mal perçu dans une société, plus les individus sont enthousiastes, prennent des risques et rebondissent en cas d'échec. En 2008, une analyse réalisée par IFOP, indiquait qu'en France par exemple, 72% des entrepreneurs affirment qu'ils seraient prêts à se relancer dans une nouvelle activité s'ils étaient amenés à déposer le bilan, ceci notamment du fait de la propension de plus en plus élevée de l'environnement à comprendre leur situation. Pourtant, les raisons qui expliquent les faillites sont diverses et variées : une stratégie mal définie, une prise de risque excessive, une gestion peu rigoureuse... il peut y avoir autant de raisons que de crashs d'entreprises. Mais au-delà des raisons qui ont conduit à l'échec, ainsi que l'indique le vieil adage du philosophe chinois, Confucius, «la plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute». En 2004, le succès retentissant qu'a connu le livre «Quand les grands patrons se plantent», du professeur Sydney Finkeslstein, repose également sur cette réalité. Mais ce livre a eu aussi un effet thérapeutique pour beaucoup de patrons et de créateurs d'entreprise. Il propose d'une part des outils pour mieux vivre l'échec et d'autre part démystifie l'idée même que les gens se font de leurs propres succès et de ceux des autres. C'est aussi cette tendance qui se dégage à travers les expériences d'échec qui ont pu être partagées par les entrepreneurs marocains. Pour rebondir, il faut d'abord avoir réussi la thérapie de son échec et renouer avec la prise de risques. S.S.M Point de vue : Mouhcine Ayouche, Coach certifié ICF, co-fondateur de BMH coach Les gens peinent à parler de leurs échecs dans deux cas de figure. Soit ces personnes ne sont pas encore prêtes à faire face à l'échec, soit qu'elles s'y installent. Dans le premier cas, nous avons affaire à des personnes qui cherchent des excuses ailleurs et refusent de reconnaître leur responsabilité dans l'échec. Le deuxième cas est une attitude de personnes qui sur-culpabilisent, qui ont perdu confiance en leur capacité à réussir. Mais les unes comme les autres peuvent parfaitement rebondir. Pour le coaching, il n'y a pas d'échec, il n'y a que des expériences apprenantes. Le coaching a entièrement confiance en l'humain et en ses capacités à amorcer et à réussir des changements positifs. De ce fait, en matière d'accompagnement, la démarche du coach ne vise pas à aller fouiller dans les causes de l'échec, mais de préparer une prochaine réussite. Il est bien évidemment nécessaire de s'assurer que la personne a tiré des leçons de son échec. Mais le coaching va surtout agir pour favoriser une prise de conscience et une prise de décision de la part du coaché. En effet, le plus important n'est pas seulement de tirer des leçons, mais surtout de s'en servir pour agir. C'est comme cela qu'on peut rebondir.