Bien sûr, ce titre est une boutade, une blague quoi ! C'est même, pour être franc, un jeu de mot nul, nullissime. Je ne vais quand même pas encourager les jaunes, moi qui aimerait tant que l'herbe soit plus verte ici et pas forcément toujours ailleurs. À vrai dire, je n'ai jamais aimé les jaunes. À commencer par la couleur elle-même. Déjà quand j'étais petit, à chaque fois qu'on me mettait un truc jaune, j'attrapais une migraine. Et si on tardait à me l'enlever, j'avais aussitôt plein de boutons sur le corps. Plus tard, j'ai appris que le jaune attirait les moustiques et j'ai compris très vite pourquoi ! En fait, si je vous parle du jaune aujourd'hui, c'est parce que j'ai l'impression - et je crois que ce n'est pas juste une impression - que c'est en train de devenir une couleur à la mode, une couleur tendance. En tout cas, c'est le cas chez les gens de la politique. Vous allez me dire que ce n'est pas nouveau, et vous aurez raison. En effet, «Les mouvements jaunes» ou «les syndicats jaunes» avaient été fondés pour contrer, justement, «les syndicats rouges», très actifs et très puissants à l'époque, c'est-à-dire au début du siècle dernier. Donc, ce n'était pas hier, et surtout, ce n'était pas non plus ici, chez nous, mais plutôt dans certains pays européens, bastions d'une démocratie balbutiante, mais déjà combattante. Ces «jaunes», on les appelait aussi, pour se moquer un peu de leur tronche, «la droite prolétarienne». C'est simple : ces gens-là étaient systématiquement contre toutes les grèves et, par extension, contre toute action revendicative. Après, on a commencé à les appeler «les réactionnaires». «Qu'est-ce qu'un réactionnaire ?», avait-on demandé un jour à feu le grand professeur Bruno Etienne. Je me souviens – car j'étais présent ce jour-là – il avait souri, et de sa voix qui sentait bon le soleil de Provence, il avait répondu plus ou moins ceci (je le cite de mémoire) : «Un réactionnaire, c'est quelqu'un qui veut faire tourner la machine de l'histoire à l'envers». Je n'ai jamais oublié cette phrase tellement elle était belle et tellement elle était frappante. C'est le cas de le dire et je crois que vous avez enfin compris où je voulais en venir. Oui, je trouve que ce qui est arrivé le dimanche 13 mars est tout simplement révoltant. Ecoeurant. Vous aviez vu, vendredi dernier, combien j'étais gai comme un pinson car j'avais cru, comme d'ailleurs vous tous et vous toutes, que les hirondelles étaient là, et donc, que le printemps était à nos portes. Et voilà que les corbeaux et autres oiseaux de malheur décident de nous gâcher la fête car, eux, n'aiment pas le printemps ni les papillons ni encore moins les fleurs, et préfèrent l'hiver, avec ses nuages noirs, ses tonnerres menaçants et ses tempêtes dévastatrices. Nos jaunes à nous, qui sont de tout bord et à tous les étages, détestent le beau temps. Ils ont horreur de la lumière. Ça les éblouit, ça les aveugle. Alors, ils crient à tue-tête qu'ils faut arrêter l'avancée et qu'il ne faut surtout rien changer. Marche arrière, toute! Et quand ils voient qu'on ne les entend pas, ils ferment les yeux et ils tapent dans le tas : jeunes ou pas jeunes, hommes ou femmes, gosses ou vieillards, costauds ou handicapés, tout le monde a droit à la bastonnade. «Le bâton pour l'incroyant» disaient nos vieux fqihs d'antan. On ne savait pas qu'ils avaient encore chez nous autant de disciples. Mais, vous savez, ils ont beau taper, ce ne sont plus que de petites frappes. C'est leur dernier combat d'arrière-garde. Ils font ça, parce qu'ils ont la trouille. Oui, on va me dire qu'il y a aussi d'autres faucons d'un autre âge, qui cherchent aussi à nous ramener au moyen âge. D'accord, mais ce n'est pas une raison pour mélanger les torchons et les serviettes, les bourgeons et les branches mortes, l'avenir radieux et le passé dépassé. C'est cette confusion qui risque d'entraîner le chaos. Et il n'y a que les corbeaux et leurs admirateurs qui aiment le néant obscur et les forêts noires. Les hirondelles, elles, préfèrent les rayons lumineux et les jolis près fleuris. En tout cas, comme disait le merveilleux Pablo Neruda : «Le printemps est inexorable». En attendant, bon week-end, vivement le changement et vivement vendredi prochain. Mohamed LAROUSSI