Je ne sais pas si je dois m'excuser pour le billet d'hier qui n'était pas, c'est vrai, très marrant. On va dire, pour faire un jeu de mots facile, que ce n'était qu'un accident de parcours. Cela dit, je continuerai, quoi qu'il arrive, de haïr ces voyous de chauffards et de dénoncer ces filous de ripoux. On va changer de registre, quoique, je viens de m'en rendre compte, on ne va pas trop s'en éloigner. Hier, j'ai parlé des bandits de la conduite et criminels de la route, aujourd'hui, ça va être le tour des redresseurs de torts et re-metteurs sur le droit chemin. Décidément, le Maroc est un pays étonnant! En fait, ce qui m'a donné envie d'écrire ce billet, c'est l'article que j'ai lu hier matin dans un quotidien arabophone. C'était, tout simplement, détonnant ! Je vous livre le titre en cadeau emballé : «Un dirigeant du PJD appelle à l'ouverture d'un débat sur l'investissement de l'argent de la drogue». Je vous assure que c'est vrai et que je n'ai rien inventé. Je savais que nos islamistes étaient, comme ils nous le répètent eux-mêmes tout le temps, des gens ouverts et tolérants, mais je ne l'imaginais pas à ce point. Attention ! Ne rêvez pas trop! Sauf erreur ou omission de ma part, il ne s'agit pas encore de «halaliser» la fumette, ni de proclamer le joint utile et agréable. Ils n'ont pas non plus l'intention, du moins pas à ma connaissance, de replanter de «l'herbe qui pousse toute seule comme de l'or et qui ne perd jamais le Nord, et qui fait tourner la tête et enrichit les grosses têtes», comme l'appelait si bien un grand chef Sioux à chaque fois qu'il proposait le calumet de la paix à ses invités. Non, on n'en est pas encore là, mais, sait-on jamais ? En attendant, nos barbus si sympas, sans doute lassés de continuer de recevoir des coups de partout, même s'ils crient à tue-tête qu'ils ne sont pas des intégristes mais des intégrés, ont voulu, peut-être, donner un dernier gage de leur intégration progressive à défaut d'être progressiste, et modérée à défaut d'être moderniste. Ils veulent ouvrir un débat sur le fric du hachich ou, si vous préférez, le blé de l'herbe, en tout cas, c'est kif-kif. Là aussi, ils y vont mollo. Il ne s'agit pas, ce n'est qu'un premier pas, d'absoudre tous les trafiquants ni de blanchir tous les blanchisseurs. Du moins, pas tout de suite. En vérité, leur proposition n'est pas très claire. Elle est même, passez-moi cette expression trop facile, plutôt fumeuse. Alors, si vous me le permettez, je vais essayer de vous la soumettre, sous toute réserve car, affreux francophone comme je suis, je ne peux prétendre qu'à une traduction très approximative. J'espère que ce n'est pas un péché, sinon, qu'ils me pardonnent ou qu'ils aillent en enfer, ça fait longtemps que je ne suis plus à un péché près. Voilà : étant donné que le Maroc a déjà entamé, avec un certain succès, la fameuse politique «La nation est clémente et miséricordieuse» à l'égard de nos égarés du Sud, pourquoi ne pas en faire de même avec nos paumés du Nord ? En gros, s'empressent-ils de nous expliquer, c'est vrai, ces gens-là se sont plantés, d'accord, mais au lieu de les laisser dépenser leur oseille ou de la placer au noir, pourquoi ne pas faire comme si on n'avait) rien vu, et leur permettre de venir l'investir – et donc, la blanchir, mais légalement - dans leur propre pays. Ne tournons plus autour du pot, désormais, on dira : oui aux barons, oui à leurs ronds ! Au fait, j'avais oublié de vous donner le chiffre estimé de ce trésor : 135 milliards de DH ! Franchement, je crois qu'ils ont raison: à ce prix-là, on a bien le droit de fermer les yeux et de rêver. Un petit joint halal ?