D'entrée de jeu, je vais vous faire un aveu : j'adore, et le mot n'est pas trop fort, le cinéma marocain. Vous allez me rétorquer que l'amour est aveugle, et je vous répliquerais que, justement, quand on aime vraiment le cinéma marocain, on doit fermer les yeux. Ça fait des années que je le côtoie, que je le tutoie, que je le suis sans savoir pourquoi, et même quand je vois qu'il s'éloigne de moi, j'essaye tant bien que mal de le ramener sur la bonne voie. Oh, oui, vous pouvez le dire : je suis un petit prétentieux. Mais, comme vous n'êtes pas sans le savoir, je suis loin d'être le seul. Les mecs qui, comme moi, passent leur temps à vouloir faire le bonheur du cinéma à la place des cinéastes, sont légion. Je suis sûr que le jour où on instaurera, pour de vrai, les régions au Maroc, on aura des directions régionales chargées de remettre les cinéastes égarés sur le bon chemin. Au fond, ça ne serait pas une si mauvaise idée. Puisque les salles de cinéma disparaissent, l'une après l'autre, à vue d'œil, on pourrait alors les remplacer par des spécimens comme nous, qui auront pour mission de raconter aux gens qui viendraient les voir, un gros paquet de DVD piratés sous le bras, des films marocains qu'ils ne pourront jamais voir, mais, bien sûr, revus, corrigés, revisités, retournés et remontés par eux, sans dépenser un seul centime et sans prendre aucun risque. Parce que nous, on n‘aime pas les prises de tête. Et c'est sûrement pour ça qu'on n'a jamais une seule pellicule. Nous sommes vraiment des peinards. Mais comme tout peinard mérite salaire, nous sommes payés pour taper sur les copains. Vous voyez, moi, au moins, j'ai le courage de vous le dire, sans peur et sans crainte, sauf, peut-être de ne jamais être choisi pour le rôle d'un jeune premier, rôle que je revendique, en vain, depuis que j'étais... plus jeune. Alors, je me venge comme je peux. Bref, comme, disais-je, j'aime le cinéma marocain, j'ai forcément mon mot à dire, et je le dis souvent à haute voix. C'est vrai, on ne m'écoute pas toujours, pour ne pas dire jamais. Chacun fait ce qui lui chante et chacune ce qui lui danse. Mais, ce n'est pas grave. L'important c'est que je dise ce que je pense, et après, eux et elles, ils font ce qu'elles veulent. D'ailleurs, entre nous, personne n'a attendu que je le lui dise pour qu'il le fasse. Ils font ce qu'ils veulent depuis plus de 50 ans. Depuis que notre grand Osfour a décidé de jouer à l'oiseau de bon augure et de donner le premier coup de manivelle au cinéma marocain qui, depuis, n'a plus jamais arrêté de tourner. (Osfour, si tu nous regardes....). Oui, bien sûr, on est d'accord, son premier film n'en était peut-être pas un, et il a fallu attendre que le revenant Hamid Bennani, l'éternel Ahmed Bouanani et Mohamed Reggab, le jamais parti, mettent la main à la pâte pour que, enfin, le cinéma marocain ait une vraie empreinte. Et bien sûr, après, il y en a eu d'autres. On a eu des vieux, des vétérans, des jeunes, des Marocains du Maroc, des Marocains d'ailleurs, les plutôt pas mal, les, parfois, pas mal du tout, et, comme toujours, les mal tout court. Vous vous en doutez bien, je ne vais en citer aucun, qu'il soit mal ou bien. Ce n'est pas le moment. Eh oui : le Festival National du Film a démarré ce week-end à Tanger et, il se trouve, par hasard, que je m'y trouve. Comment ? Lâche, moi ? Non, pas du tout ! Je suis juste un peu sentimental. Que voulez-vous ? J'ai le sens de l'amitié, moi. Mais, je vous le promets, dès la fin des festivités, je vais leur tomber dessus. Tous ! Non, mais, c'est du cinéma, ça ?!? Je vous l'ai dit : j'adore le cinéma marocain.