Le mécanisme d'importation de viandes rouges, instauré par le gouvernement pour freiner la flambée des prix, divise les professionnels. Si certains saluent ses effets immédiats sur les prix et la diversification des sources d'approvisionnement, d'autres dénoncent la mesure, critiquant son impact sur la filière locale. Une controverse qui relance le débat sur la pérennité du système actuel. Les professionnels de la filière de la viande rouge sont divisés. Entre ceux qui approuvent le mécanisme d'importation de têtes prêtes à l'abattage – appuyé récemment par celle de la viande fraîche ou congelée, instauré par le gouvernement pour juguler la flambée des prix -, et ceux qui critiquent le dispositif, le sujet suscite la controverse. Problème structurel Ce programme d'importation, soutenu par des incitations fiscales accordées aux importateurs, vise à endiguer une envolée des prix de la viande rouge qui continue de sévir, en dépit des différentes mesures adoptées. Rappelons que la première initiative consistait à importer des ovins pour subvenir aux besoins de la population lors de la fête du sacrifice. Pour y parvenir, le gouvernement avait octroyé une aide de 500 dirhams par tête, corrélée à une exemption des droits de douane et de la TVA sur les importations. Désormais, elle a été étendue aux viandes fraîches ou congelées. Aujourd'hui, la nouveauté réside dans la diversification des sources d'approvisionnement. Ce ne sont plus seulement l'Espagne et la France, principaux fournisseurs du marché national, qui en bénéficient. L'Argentine et le Brésil ont été rajoutés à la liste. Le principal atout mis en avant est le prix de vente compétitif de cette viande importée (80 DH le kilo). Si ce dispositif est encensé par certains professionnels, il est loin de faire l'unanimité. D'aucuns s'interrogent sur l'efficacité de cette mesure pour ralentir cette cadence effrénée d'augmentation des prix, qui continue d'éroder un pouvoir d'achat déjà fragilisé. Si certains professionnels aspirent à une stabilisation des prix à travers ces mesures, d'autres estiment que le problème est plutôt d'ordre structurel. Pour eux, il serait judicieux d'entreprendre des actions destinées à la source, à savoir l'éleveur. «Certes, des mesures sont instaurées pour soutenir et renforcer le cheptel national, mais à mon sens, le problème se situe au-delà de la subvention des aliments de bétail que l'on importe. Nous disposons des moyens pour créer des usines, il faudrait les renforcer. Un cahier des charges clair devrait être imposé à toute la chaîne de valeur. D'où l'importance d'instaurer une loi sur l'élevage. Un système de traçabilité aussi bien au niveau du cheptel que dans les souks traditionnels est également essentiel pour mettre fin à la prolifération des intermédiaires spéculateurs. Le suivi et le contrôle devraient également être consolidés», estime un expert du secteur ayant requis l'anonymat. Légère baisse des prix Dans le même sillage, notre interlocuteur souligne que l'importation n'est pas une solution dans le cas du Maroc. D'ailleurs, certains laissent entendre que depuis la mise en place de ce processus, un «enrichissement» de producteurs étrangers a été constaté. De plus, l'impact des subventions accordées s'est répercuté sur les prix auprès des fournisseurs étrangers. Selon un producteur, les ovins prêts à l'abattage se vendaient à 80 euros par tête, il y a quelque mois. Aujourd'hui, avec une demande qui a fortement crû, ils ont grimpé à 220 €. «Plusieurs producteurs étrangers se sont ainsi enrichis sur le dos des Marocains, sans parler des importateurs qui y trouvent également leur compte», avance un autre opérateur qui ne cautionne pas cette politique d'importation. Il souligne, d'ailleurs, que contrairement aux rumeurs, «la viande locale est abondante. Il suffit de faire un tour dans les marchés pour constater de visu l'offre sur les étalages. Mais c'est au niveau des prix que le bât blesse. Cette cherté est expliquée par un coût de production élevé, d'où l'intérêt de soutenir l'amont». Quant aux adeptes du programme d'importation, ils affirment que depuis la mise en place de ces mesures, le prix de la viande rouge enregistre des baisses. Selon Hicham El Jouabri, secrétaire régional des grossistes de viande rouge de Casablanca, les prix varient entre 80 et 130 DH, en fonction des localités. La viande importée, quant à elle, est vendue entre 80 et 110 DH le kilo, selon son origine. Le secrétaire régional des grossistes de viande rouge de Casablanca estime, toutefois, que si la filière disposait d'unités de dépôt, les prix auraient chuté davantage. Et d'ajouter, «ces viandes ne sont prises en charge que par des abattoirs privés agréés, car il est formellement interdit aux abattoirs municipaux d'interférer dans le processus des viandes importées». S'agissant de la production locale, le constat est sans équivoque quant au coût de revient. Dans ces conditions, certains professionnels du secteur réclament l'annulation de la fête du sacrifice, dont le recensement des têtes de bétail a déjà commencé. Selon nos informations, les commissions ad hoc sillonnent le pays pour recueillir les données. Dès la deuxième semaine du mois de janvier, le ministère de l'Agriculture disposera ainsi de toutes les statistiques. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO