Président de l'Association des freight forwarders du Maroc (AFFM) La baisse des prix du fret maritime observée depuis quelques semaines devrait-elle être synonyme de baisse des prix pour les consommateurs ? Réponse dans cette interview avec Rachid Tahri, président de l'Association des freight forwarders du Maroc (AFFM). Avant la grève des dockers américains, on assistait à une baisse des prix du conteneur. Est-ce qu'à votre niveau vous l'avez ressentie ? Nous l'avons effectivement constaté depuis plusieurs jours. Il y a une baisse des prix du transport des conteneurs. Ces nouvelles baisses interviennent après les hausses observées durant plusieurs mois, en raison de la situation au Moyen-Orient, notamment en Mer rouge. Les risques sur place ont obligé les compagnies maritimes à opter pour un long détour, à savoir le contournement du continent africain, via le cap de Bonne-Espérance. Globalement, les baisses observées ces derniers jours ou semaines peuvent être assimilées à un retour à une situation normale. Ce sont des baisses intéressantes et nous continuons de les observer. Mais il faut dire que la grève des dockers américains a fait peser un risque. Nous avons craint des conséquences négatives sur ce retour à la normale. En temps normal, quel laps de temps faut-il pour que le consommateur final ressente la baisse des prix du fret maritime sur les produits importés ? Alors, sur ce point, il faut tout d'abord préciser que ce sont surtout les conteneurs en provenance de la Chine qui influencent souvent les prix. Les importations depuis notre environnement immédiat, à savoir l'Europe plus précisément, ne sont pas forcément concernées, sauf lorsqu'il y a pénurie de conteneurs. Et Dieu merci, le Maroc dispose aujourd'hui de ports à l'image de Tanger Med, qui le placent au cœur des flux du transport maritime. Mais pour répondre à votre question, je peux vous dire que la répercussion sur les prix est immédiate. C'est-à-dire que dès que vous enlevez le délai d'acheminement qui peut prendre une à deux semaines selon la provenance de la marchandise, vous devez normalement voir la différence de prix. Aujourd'hui, dans le transport maritime, les tarifs changent quasiment tous les 15 jours, en fonction de la conjoncture mondiale. Quand il y a hausse des tarifs du fret maritime, cela se ressent automatiquement, et rarement l'inverse... Comme je vous l'ai dit, habituellement, si vous enlevez le délai d'acheminement de la marchandise, vous pouvez vous attendre à une répercussion sur les prix, mais nous, en tant que freight forwarders, nous ne sommes pas responsables des prix qui sont appliqués sur le marché. Nous intervenons pour faciliter les opérations d'import-export. Comme je vous l'ai dit plus haut, cela doit normalement dépendre du délai d'acheminement et, habituellement pour les produits en provenance de Chine, cela dure une quarantaine de jours et, pour l'Europe, de douze à une vingtaine de jours. Mais globalement, pour des raisons de compétitivité, les prix finissent par suivre la dynamique du fret maritime. Vous avez évoqué plus haut le risque que la grève des dockers américains a fait peser sur le fret maritime. Un accord de principe trouvé jeudi a mis fin au débrayage. Quelles auraient été les conséquences si le mouvement avait perduré ? Si une grève comme celle déclenchée aux Etats-Unis par les dockers américains dure seulement une semaine, ça passe, mais au-delà, l'impact sera certain. Il faudrait s'attendre d'abord à des retards de livraison, mais aussi, si la grève persiste, à une pénurie de conteneurs. Le flux actuel ne permet pas de tenir au-delà de 15 jours de grève. On a ressenti ce qui s'est passé récemment à Shangaï, donc c'est tout à fait normal de prévoir les répercussions de ce qui se déroule tout en face, de l'autre côté de l'Atlantique. Aux Etats-Unis, beaucoup de ports desservent le Maroc, donc ces grèves, si elles dépassent deux semaines, pourront provoquer des perturbations importantes. Les dockers américains de retour à leur poste Les négociations entamées entre les dockers américains grévistes et leurs employeurs ont débouché sur un accord de principe annoncé jeudi. Le syndicat des dockers (ILA) et l'Alliance maritime des Etats-Unis (USMX), qui représente leurs employeurs, ont annoncé dans un communiqué commun que «toutes les actions en cours cesseront et tous les postes couverts par le contrat-cadre reprendront». Les deux parties vont toutefois devoir reprendre les discussions, car elles «ont convenu de prolonger le contrat-cadre jusqu'au 15 janvier 2025 afin de revenir à la table de négociation pour négocier toutes les autres questions en suspens». Le cabinet Oxford Economics estime que chaque semaine de grève amputerait le PIB américain de 4,5 à 7,5 milliards de dollars. D'après le cabinet Anderson Economic Group (AEG) la première semaine de débrayage aurait coûté 2,1 milliards de dollars. Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO