Après une année 2021 marquée par une véritable flambée du fret aérien et une quasi-rupture de la chaîne d'approvisionnement, un début de retour à la normale est observé dans plusieurs secteurs d'activités au Maroc. C'est le cas notamment dans les zones industrielles ou des secteurs comme l'automobile. « Lentement mais sûrement ! On peut dire que les problèmes d'approvisionnement que certains secteurs phares de l'économie ont connus récemment sont en train d'être résolus ». Cette observation est d'El Mostafa Fakhir, professionnel du transport et de la logistique. Le travail a en effet repris à un rythme plus cadencé dans la plupart des zones industrielles du royaume, après la quasi-paralysie provoquée par la rupture des chaînes d'approvisionnements durant une bonne partie du second semestre de l'année écoulée. « L'activité commence à reprendre. C'est nettement mieux. Tout le monde a repris et nous avons globalement réalisé un bon mois de janvier. On sent une petite amélioration », fait-on savoir auprès de l'Association marocaine de l'industrie et la construction automobile (AMICA). A Tanger Free Zone (TFZ) par exemple, spécialisée dans le secteur automobile, les usines recommencent à tourner assez convenablement depuis quelques jours, après une traversée du désert fin 2021, en raison de l'indisponibilité de certains intrants. Paradoxalement, sur place, ce sont les importants arrêts de travail et les longues vacances de fin d'année pour faire les inventaires qui ont créé le besoin de relancer les activités. Ce retour progressif est également constaté dans plusieurs autres zones branches économiques du pays. « Dans certains secteurs, on sent un redémarrage, en raison des stocks qu'ils ont constitués, car tous ont senti qu'il fallait faire ces stocks afin de ne pas trop subir d'autres difficultés liées à l'acheminement des produits. Fret maritime A en croire les professionnels des secteurs du transport et de la logistique, ce retour progressif à la normale s'explique par plusieurs raisons. « D'abord, on sent déjà l'effet de la récente décision américaine de jouer le gendarme dans le transport maritime. Cela a obligé les armateurs à faire plus attention aux délais de livraisons », observe le professeur Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime. En un mot, les conteneurs commencent à arriver beaucoup plus vite. D'ailleurs, certaines prévisions annoncent déjà une baisse des tarifs dans les mois à venir. « Nous allons certainement revenir à des prix de transport de conteneur autour de 3.000 à 4.000 dollars, soit bien en deçà des prix astronomiques de 20.000 dollars durant l'année écoulée », poursuit le professeur Cherfaoui. Au-delà des facteurs liés au transport maritime, les secteurs industriels marocains se sont adaptés. A en croire plusieurs observateurs, un retour définitif à la normale pourrait être observé vers la fin du premier semestre de l'année en cours. A une exception près : « Actuellement, la principale inconnue reste Omicron. Si ce regain du Covid paralyse l'activité chez nos partenaires, nous risquons de plonger à nouveau », prévient El Mostafa Fakhir. Le TIR reprend également En attendant, producteurs et transporteurs saluent « les améliorations » actuellement en cours, ce qui permet une meilleure disponibilité de la matière première. En plus des acheminements par conteneurs, les choses évoluent positivement au niveau routier également. « Malgré la fermeture des frontières, le Transport international routier (TIR) continue son activité. Nous sentons une certaine amélioration par rapport aux mois derniers, en raison notamment des problèmes de visas », constate un professionnel qui a requis l'anonymat. Selon les transporteurs, des signaux positifs sont envoyés par les voisins nord-méditerranéens du Maroc, surtout depuis l'approche favorable à la réconciliation adoptée par les nouvelles autorités allemandes. A ce propos, la forte mobilisation des différentes autorités marocaines est bien accueillie par les transporteurs. « Du Gouvernement au Parlement, en passant par l'Administration des Douanes, et les exportateurs, nous avons senti que le problème a été pris très au sérieux. Cela a permis de faciliter progressivement un retour à la normale », poursuit notre interlocuteur. Abdellah EL MOUTAWAKIL Repères Transport maritime : concentration en cours Contrairement au secteur aérien, les armateurs maritimes ont été probablement parmi les rares à se remplir les poches avec la crise du Covid. Depuis, les grandes compagnies de transport maritime se lancent dans une vaste opération de gros investissements et de rachats des acteurs porteurs de leur univers très fermé. En attendant la conclusion de l'absorption de Bolloré Africa Logistics par l'italo-suisse MSC, les acteurs du monde marin attendent avec intérêt l'annonce prochaine de grandes fusions et de rachats, surtout des compagnies de freights forwarders par les armateurs globaux.
Pavillon national : bientôt une feuille de route Au Maroc, la relance du pavillon national est également très attendue par les exportateurs. Une nouvelle feuille de route est d'ailleurs en cours d'élaboration. Elle a récemment été commanditée par le ministère du Transport. « Nous savons pertinemment ce qu'il faut faire à ce niveau, mais je pense que le moment n'est pas propice pour acheter des navires, car ils sont actuellement trop chers », conseille le professeur Najib Cherfaoui. L'info...Graphie Zones industrielles Une année 2021 à oublier De Casablanca à Tanger, en passant par Kénitra, les différents pôles de productions industrielles ont connu une année 2021 cauchemardesque. La rupture de la chaîne d'approvisionnement a entraîné une véritable perturbation et provoqué des situations très difficiles à gérer. En plus des arrêts de chaînes de production dans de nombreuses usines, réductions du temps de travail (RTT), mises au chômage technique, et licenciements pour raison économique se sont succédé durant les derniers mois. Les productions dédiées aux exportations ont été les plus fortement touchées, en raison de l'indisponibilité des moyens de transport maritime. D'ailleurs, ces perturbations se sont même exprimées sur le trafic portuaire global du Maroc en 2021, qui a chuté de 1,6% par rapport à 2020, qui était elle-même une année de vaches maigres, car marquée par l'arrivée de la pandémie et son corollaire de confinement au Maroc et à travers le monde.
Approvisionnements Le BTP et l'agroalimentaire touchés
Plusieurs secteurs continuent de faire les frais des problèmes d'approvisionnement. C'est notamment le cas dans l'agro-alimentaire ou encore dans la construction. Là, on attend d'y voir plus clair au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois. A l'instar de l'automobile, l'agroalimentaire a subi de plein fouet les dommages collatéraux engendrés par le Covid. Ici, il est notamment question du renchérissement de nombreuses matières premières utilisées dans le procédé de fabrication, doublé de la rareté de plusieurs intrants, sans citer les délais d'approvisionnement qui s'allongent et l'impact des frais de transport, ce qui rend l'équation très critique pour les industriels. Même son de cloche chez les opérateurs du BTP et de l'immobilier. Dans le sous-secteur des matériaux de construction, la durée de la fermeture des usines dans certains pays exportateurs comme le Brésil n'a pas aidé. Conséquence : cette flambée se ressent et retarde considérablement certaines mises sous chantier, sans parler de ses répercussions sur les prix de l'immobilier. Selon la Fédération des Matériaux de Construction, l'augmentation des prix dans ce secteur risque de se situer de 5 à 10%. Pour les promoteurs, seule une intervention de l'Etat, avec une nouvelle approche d'incitations et d'exonérations fiscales, pourra, à terme, aider à maintenir un niveau de prix qui fait l'affaire de tous dans le secteur immobilier.
3 questions à Youssef Hedda, 2ème vice-Président de l'AMICA « Certains partenaires commencent à relocaliser leurs productions au Maroc »
En dehors de problèmes d'approvisionnement, l'AMICA note que de plus en plus de partenaires décident de relocaliser leurs productions au Maroc. C'est l'une des retombées de la crise du Covid et du fret maritime.
- Sentez-vous un retour à la normale dans le secteur de l'automobile ? - L'activité commence à reprendre. C'est nettement mieux. Tout le monde a repris et nous avons globalement réalisé un bon mois de janvier. On sent une petite amélioration. Mais cela dit, pour nous, les problèmes d'approvisionnement persistent. Je fais notamment référence aux semi-conducteurs. Les grands pays industriels comme les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne ont pris certaines décisions fortes, notamment la construction de nouvelles usines de semi-conducteurs. Mais cela nécessite des investissements lourds. A titre d'exemple, la construction d'une usine de semi-conducteurs de classe mondiale dure deux ans et nécessite environ 7 milliards de dollars d'investissements. - Qu'en est-il des prix de transport pour vos importations ? - Le prix de transport reste encore élevé. Ce qui pose la problématique de l'approvisionnement et la rend difficile. Car toute hausse du prix de transport entraîne une augmentation des coûts de production et donc du prix de revient. Jusqu'à présent, nous en sommes à des niveaux de transport de conteneurs cinq fois plus élevés que la normale. In fine, c'est notre compétitivité qui est toujours menacée. - Avez-vous réellement tiré les leçons de cette situation qui a lourdement impacté la production ? - Je peux dire que oui. Et j'ajouterai même que pour le Maroc, c'est plutôt une aubaine. Aujourd'hui, de nombreux constructeurs commencent à relocaliser leurs productions au Maroc. Et je ne vous parle pas uniquement des partenaires européens, mais surtout asiatiques comme le Japon. Certains clients lointains préfèrent aujourd'hui commander depuis le Maroc. C'est donc une bonne chose pour nous. Recueillis par A. E.