Dans cet entretien, Abdelouahed El Kassimi, directeur général de la société de développement local Grand Agadir pour la mobilité et les déplacements urbains, dresse l'état d'avancement de la première ligne du BHNS d'Agadir ainsi que l'impact de ce projet sur les conditions de vie des habitants et leur quotidien. Plus de deux ans après le lancement des travaux de la première ligne de Bus à haut niveau de service (BHNS) de la ville d'Agadir, quel bilan peut-on tirer de l'exécution de ce projet inscrit au PDU ? De prime abord, je tiens à mettre l'accent sur le contexte global au sein duquel le projet de la 1ère ligne de BHNS de la ville d'Agadir s'est déroulé et a avancé. En effet, depuis son démarrage, nous avons vécu la crise pandémique du covid-19 et son impact mondial. Ainsi, nous avions rencontré des problèmes liés à la mobilisation des équipes suite aux fermetures des frontières, en plus des répercussions économiques qui en découlaient, que ce soit au niveau de la rareté des matières premières ou de la hausse des prix à tous les niveaux. En outre, le contexte géopolitique international a eu un grand impact au niveau national en termes d'inflation et d'augmentation des coûts en tout genre (prestations, énergie et transport). Ensuite, il faut préciser que la réalisation de tout projet de transport en commun en site propre (TCSP), en particulier de BHNS, commence par la déviation de tous les réseaux souterrains secs et humides qui existent sous le couloir qui sera réservé au BHNS. L'objectif est de garantir qu'il n'y ait plus d'intervention d'opérateurs que ce soit pour des raisons de maintenance, d'entretien ou tout autre motif susceptible de causer une perturbation quelconque lors du fonctionnement et de la mise en service du BHNS. Bien évidemment, c'est le cas de notre projet aussi. La déviation des réseaux n'était pas une tâche facile et bien maîtrisée au départ, vu que les réseaux existants ne sont pas totalement bien identifiés et répertoriés. Par conséquent, et pendant les travaux d'infrastructures, nous étions toujours confrontés à la découverte de nouveaux réseaux existants, non identifiés initialement, ce qui a multiplié les contraintes à dépasser à chaque stade de l'avancement. Je profite de cette occasion pour exprimer ma reconnaissance à tous les concessionnaires et les opérateurs qui nous ont accompagnés pendant toute la durée des travaux pour résoudre toutes sortes de contraintes et avancer comme il se doit. Je tiens aussi à exprimer mes remerciements à tous les riverains qui ont su faire preuve de patience et de collaboration, malgré la gêne qui a pu être causée par les travaux. Est-ce que ces obstacles ont été franchis ? Je peux vous confirmer que nous avons franchi les obstacles les plus difficiles avec un bilan positif sur la base de l'achèvement total de l'ensemble des travaux d'infrastructures et d'aménagement façade à façade, y compris l'éclairage public, les espaces verts et le mobilier urbain. En parallèle, les prestations relatives au centre de maintenance et de remisage, la signalisation lumineuse du trafic ou encore les systèmes d'aide à l'exploitation et d'information voyageurs ainsi que la billettique sont en cours de réalisation. Ils avancent rapidement en vue du démarrage des essais fonctionnels pendant l'été prochain et une mise en service vers la fin de l'année. L'acquisition des BHNS pour le réseau de transport collectif en site propre (TCSP) a été confiée à la société Sefamar SA, importateur et distributeur de la marque allemande MAN. Quand est-ce que la livraison de ces BHNS est prévue ? En effet, l'appel d'offres pour l'acquisition du matériel roulant des BHNS s'est soldé par la désignation de la société Sefamar pour la livraison de 30 bus articulés d'une longueur de 18 m disposant de spécifications techniques similaires à celles d'un tramway disposant d'un confort de qualité et équipés de plusieurs systèmes embarqués (Système d'aide à l'exploitation et information voyageurs (SAEIV), d'un système billettique et d'un système de priorité aux feux rouges). La fabrication des BHNS est à un stade avancé qui avoisine les 70% et la cérémonie de présentation du véhicule tête de série sera programmée à une date qui sera arrêtée en concertation avec les partenaires de notre projet. Après la réception de la totalité de la flotte, prévue durant l'été 2024, commenceront les opérations de formation des chauffeurs et les opérations de la marche à blanc. Il faut noter que celle-ci sera réalisée par le nouvel exploitant. Selon vos estimations, quelles seront les retombées de cette ligne sur le plan des déplacements, le chiffre d'affaires et les voyages générés ? Parmi les objectifs majeurs de la mise en place d'un système de transport collectif en site propre (TCSP) figure celui de l'amélioration de la vitesse commerciale. En fait, devant la domination de la voiture particulière et la saturation des routes, cette vitesse commerciale du transport public se trouve pénalisée, la moyenne de la vitesse commerciale du réseau bus est passée de 22 km/h à 18 km/h entre 2010 et 2020. Les retombées de cette ligne sur les déplacements des voyageurs seraient d'assurer une vitesse commerciale constante, permettant aux voyageurs de programmer leurs voyages de manière précise, puisque la fréquence et l'heure de passage des bus au niveau des stations sera connue à l'avance et le client pourra disposer de l'information de toute perturbation éventuelle en temps réel. Où en est le Centre de maintenance et de remisage où les véhicules des BHNS seront déployés pour y être réceptionnés ? Le Centre de maintenance et de remisage (CMR) est un élément essentiel du projet. En effet, on peut le comparer au cerveau du projet puisqu'il va constituer le lieu qui abritera tout le personnel humain nécessaire au bon fonctionnement de la ligne et assurera le rôle central dans la gestion opérationnelle, la surveillance en temps réel ainsi que la maintenance et l'entretien régulier des matériels roulants. De plus, le CMR abrite également le Poste de commandes centralisées (PCC), noyau central de tout le système d'aide à l'exploitation, d'information voyageurs, de billettique et de la signalisation lumineuse de trafic. Comme son nom l'indique, celle-ci permet de commander tous ces systèmes et d'en assurer le bon fonctionnement en temps réel. Elle permet également d'organiser la planification des services d'exploitation, la gestion des données et des informations destinées aux voyageurs ainsi que la garantie de la priorité du BHNS aux carrefours. Tout cela est bien conçu afin de donner aux voyageurs une expérience de qualité et d'assurer une fréquence de passage régulière et élevée. Les travaux du CMR sont en cours avec un avancement qui dépassent les 60%. Il devrait être opérationnel avant la période estivale de 2024. Quel sera l'apport du Groupement de collectivités territoriales du Grand Agadir en termes de mobilité et de déplacements ? L'un des axes majeurs de la Stratégie nationale des déplacements urbains (SNDU) est celui lié à la gouvernance des déplacements urbains. Cette gouvernance devra être assurée par une autorité unique afin d'assurer une meilleure coordination dans la gestion du service public de transport collectif par bus et BHNS. Cependant, au niveau du périmètre du contrat de gestion déléguée du Grand Agadir, cette unicité faisait défaut, du fait que le périmètre de l'ancien Etablissement de coopération intercommunale (ECI) ne coiffait pas la globalité du périmètre de la gestion déléguée du service public de transport par bus. Ceci était dû au fait que les collectivités territoriales de la province de Chtouka – Ait Baha ne faisaient pas partie de l'ECI. Donc, l'apport de ce Groupement de collectivités territoriales (GCT) du Grand Agadir est d'assurer ce principe d'unicité de «l'Autorité délégante» qui faciliterait la gestion du service public de transport. Par ailleurs, ce cadre, que constitue le GCT, permet d'intégrer la région en tant que collectivité territoriale disposant d'attributions en matière d'«organisation des services du transport routier non-urbain des personnes entre les collectivités territoriales situées dans la région», et ce, conformément aux stipulation de la Loi organique 111-14 sur les régions. Yassine Saber / Les Inspirations ECO