Docteure et professeure permanente à l'ISGA – Casablanca Les circonstances qu'a connues le monde, et notamment le Maroc, durant ces dernières années laissent sous-entendre que notre pays encourt des risques importants qui peuvent fragiliser sa situation. Les mouvements de variation du taux directeur suscitent l'intérêt des chercheurs. Le resserrement de la politique monétaire sera-t-il efficace pour endiguer l'évolution de l'inflation ou impactera-t-il négativement la stabilité du secteur bancaire marocain ? Dans le cadre de cet article, nous allons nous intéresser uniquement au risque de vulnérabilité des banques. Car le financement intermédié occupe une place importante dans le financement de l'économie marocaine. La fragilité du secteur bancaire risque de mettre en péril le système financier. D'où l'intérêt de mesurer son degré de vulnérabilité. Nous avons eu l'occasion de réaliser une étude portant sur la construction d'un indice de vulnérabilité entre décembre 2005 et décembre 2018 et d'appliquer des stress tests sur la période de 2020 et 2021 pour voir comment l'indice va évoluer. Sur la base des indicateurs de solidité financière, nous avons retenu les éléments suivants : les ratios des capitaux propres sur les actifs pondérés aux risques ; le ratio des fonds propres sur les actifs non pondérés aux risques ; le volume des créances en souffrance et le niveau des provisions constituées ; le rendement des actifs ; le rendement des fonds propres ; la marge d'intermédiation et d'intérêt sur le PNB ainsi que les ratios de liquidité. L'ensemble de ces variables ont permis de calculer l'indice de vulnérabilité et ont fait ressortir l'évolution représentée dans le graphique 1. Nous constatons, d'après ce graphique, que le secteur bancaire est moyennement vulnérable. L'indice suit une tendance haussière. Ceci nous a poussé à chercher à déterminer sa sensibilité pour mieux identifier les éléments qui impactent plus la fragilité bancaire. Plusieurs variables d'ordre macroéconomique, prudentielle, boursière et relatives à l'emprunt et à la finance publique ont été introduites dans notre modèle. Le choix des variables est réalisée sur la base d'une revue de littérature théorique et empirique. Nous avons abouti au résultat que le secteur bancaire marocain est plus sensible par rapport aux variations du crédit privé sur le PIB et du solde budgétaire sur le PIB. Plus la hausse des crédits privés est alarmante, plus les banques se trouvent exposées à des risques élevés. Et plus le creusement du déficit budgétaire est important, plus la finance publique est dans une situation fragile qui limite sa capacité de venir en aide aux banques en difficulté. Les résultats des stress tests réalisés confortent ces conclusions. Les tests de résistance comprennent des hypothèses formulées selon des scénarios de crise. Il s'agit d'un scénario de base (SB), un scénario révisé (SR) qui tient compte des effets du Covid, et un scénario pessimiste (SP) (Voir graphique 2). La réalisation de ces tests sur les deux scénarios SB et SR confirme les mêmes résultats. Néanmoins, le dernier scénario révèle que la chute de la capitalisation boursière peut accentuer la fragilité bancaire. Car la valeur intrinsèque des banques représentée par la diminution des cours des actions impacte négativement la situation du secteur. Cependant, l'augmentation du taux directeur permet de réduire la vulnérabilité bancaire. Les banques sont moins incitées à accorder des prêts qui comportent un risque élevé notamment. Comme il figure sur le tableau des scénarios, nous avons supposé que le taux directeur atteindra un taux de 3,5% sachant qu'actuellement il est de 3%. Notons que les hypothèses retenues dans notre étude sont plus sévères comparé aux hypothèses formulées par Bank Al-Maghrib en 2021 et 2022 présentées dans le graphique 3. Bien que le taux directeur suit une évolution haussière en-dessous de 3,5%, cette variation risque de déstabiliser la situation des banques. Même si la hausse du taux réduit la vulnérabilité bancaire. Ce changement considéré comme brutal, tenant compte de l'évolution historique des taux, peut influencer le comportement des banques. Elles risquent de ne pas pouvoir adapter leur comportement face à ce resserrement monétaire. Leurs marges d'intérêt peuvent être affectées, notamment celles liées aux crédits distribués à taux fixe. Elles peuvent être amenées à accorder des prêts très risqués pour compenser les pertes. En quelques mois seulement, le taux a augmenté de plus de 100 points de base. Même si jusqu'à présent les taux débiteurs n'ont progressé que légèrement. Ceux qui peuvent ressentir en premier les effets de cette hausse sont les particuliers comparés aux entreprises non financières. Car les taux appliqués sont plus élevés.