Paul Francis Nathanaël Tonye JURISTE-CONSEIL ET EXPERT EN DROIT DES RESSOURCES NATURELLES Pour Paul Francis Nathanaël Tonye, les pays d'Afrique centrale doivent concrétiser davantage leurs politiques de transformation locale des produits naturels. Selon ce spécialiste en audit et rédaction des contrats spéciaux et contrats d'Etat (Droit des mines, gaz & oil), cette réalité n'est pas encore effective. L'Afrique centrale est souvent associée à la richesse de ses ressources naturelles. Est-ce toujours vrai ? Il ne fait aucun doute que l'Afrique est le continent le plus pourvu en richesses naturelles. Ce continent couvre environ 6 % de la surface du globe et 1/5e de l'ensemble de l'écorce terrestre qui n'est pas recouvert par les eaux. En Afrique centrale, depuis le début des années 2000, les pays de cette partie du continent ont connu une croissance qui a été avant tout tirée par l'exploitation des ressources naturelles et conduite spécialement par la bonne tenue des prix sur les différents marchés. Mais, malgré ces revenus croissants dégagés par l'exploitation de ses ressources naturelles et les milliards générés par les grands projets d'investissements, les populations d'Afrique centrale continuent à vivre en dessous du seuil de pauvreté, malgré ses richesses qui ne permettent pas une véritable émergence de la sous-région la moins diversifiée du continent. Plusieurs contrats d'investissement miniers sont signés à long terme sans connaissance de la quantité de minéraux in situ. Les clauses d'alimentation des fonds de reconstitution des sites s'affranchiraient des problématiques de la durée réelle d'extraction et de quantités extraites en déployant les instruments de mesure nécessaires. Les clauses de reconstitution des sites, si elles étaient introduites dans les contrats ou respectées, rendraient en principe évitable le grand danger de pression sur les souverainetés des pays de l'Afrique centrale pour protéger leurs intérêts. Au regard de ce tableau sombre aux allures de malédiction de ces pays réputés corrompus, on ne saurait valablement dire que l'Afrique centrale est souvent associée à la richesse de ses ressources naturelles, c'est juste un idéal. Est-ce que la transformation locale des produits naturels est vraiment une réalité sur place ? Ce n'est un secret pour personne, mon plaidoyer est la transformation locale des produits naturels. Mais, à vrai dire, est-ce que les pays d'Afrique centrale si fébriles financièrement, qui peinent à mettre en place un code minier CEMAC, sont-ils prêts pour une mobilisation des capitaux et à investir dans l'énergie (délestages) et dans les transports ? Il me semble que non. Comme vous le savez, les pays d'Afrique centrale ont mis la charrue avant les bœufs en fixant une date butoir du 1er janvier 2023 qui mettait un terme à l'exportation des grumes en zone CEMAC, pour ne citer que cette filière. Cette date a d'ailleurs été repoussée. Le dynamisme de transformation complète des essences demeure un épineux problème pour les pays d'Afrique centrale qui ne sont du reste pas financièrement prêts. À part le Gabon, les autres pays d'Afrique centrale ne peuvent pas encore répondre à toutes les exigences, notamment sur l'industrialisation du secteur. À mon humble avis, malgré quelques petites transformations des produits naturels, il me semble que la transformation locale des produits naturels n'est pas une réalité eu égard à la complexité des stratégies de transformation auxquelles il faut faire face. Bien plus, les pays de la sous-région sont extrêmement dépendants des recettes pétrolières, conséquences d'une faible diversification de l'économie. Avec la Covid et la guerre en Ukraine, est-ce que les économies de la région ont pu opérer une transformation dans leur fonctionnement ? Comme nous vous le disions plus haut, l'Afrique centrale est très fébrile financièrement. Ajouter à ce lourd fardeau, la pandémie liée au Covid-19 et la guerre en Ukraine, on se retrouve face à la destruction du tissu économique des pays plus fragiles comme ceux d'Afrique centrale, malgré quelques efforts de transformation dans leur fonctionnement opérés par les dirigeants. En réalité, sans être exhaustif, c'est le niveau de dépense aux importations ou exportations de pétrole et de gaz, au tourisme, aux céréales et engrais importés de chaque pays qui démontre l'impact réel de ces deux crises en Afrique centrale qui, selon moi, à terme peut rendre la dette insoutenable, si rien n'est fait. Et les pays d'Afrique centrale sont parmi les plus crûment touchés en ce qu'une grande partie de dépenses de consommation des pays de l'Afrique centrale est consacrée au transport, à la mangeaille et autres produits d'alimentation. Quelles ressources naturelles attirent le plus d'investisseurs ? Les ressources naturelles qui attirent le plus d'investisseurs sont le pétrole, le charbon et le gaz, et ces sources d'énergie fossile sont les plus polluantes. J'ai parfois les larmes aux yeux à écouter les résolutions des différentes COP et l'abondante littérature qui contribue à verdir les plus grandes institutions financières mondiales par leurs discours rassurants, mais aux perfides allusions d'engagements à l'avantage des énergies renouvelables. Alors même que ces banques d'investissement engrangent des bénéfices spacieux en commissions à travers des fusions, acquisitions et autres introductions en bourse sur les projets des énergies les plus polluantes de la planète, corollaire du réchauffement climatique. Chevron Corporation, la deuxième compagnie pétrolière des Etats-Unis, derrière Exxon Mobil, illustre bien que ce sont les énergies fossiles qui attirent les investisseurs. En effet, ce mastodonte est l'opérateur commun du Cameroun et de la Guinée-Equatoriale sur le projet dont l'accord pour la coopération dans l'exploitation des champs pétroliers et gaziers transfrontaliers a été signé, le 17 mars 2023, au Palais de l'unité, à Yaoundé, en marge de la 15e session de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEMAC, par Paul Biya, président de la République du Cameroun, et son homologue de la Guinée-Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Une lueur d'espoir peut-être ? Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO