C'est un des messages essentiels émis par Fitch Ratings dans une note publiée le 15 juin : la rentabilité des banques marocaines a continué à se redresser au 1er trimestre, et le bénéfice net global des sept plus grands établissements – AWB, BCP, BOA, Crédit du Maroc, CIH Bank, Société Générale et BMCI – retrouvent les niveaux d'avant la crise sanitaire (2019). A surveiller, cependant, la courbe des créances en souffrance. Par ailleurs, Fitch Ratings estime inévitable une hausse du taux directeur de Bank Al-Maghrib cette année. L'agence de notation financière Fitch Ratings est persuadé que ce redressement devrait se poursuivre s'il n'est pas freiné par le décrochage de la croissance dû au ralentissement de l'économie mondiale. Ce qui pourrait se traduire, à terme, par une pression sur la qualité des actifs bancaires. Le «Club des sept» (ces banques représentent 70% des actifs du secteur) récolte les résultats d'un retour à meilleure fortune de poids lourds de leur portefeuille et des PME qui semblent s'être remises, plus rapidement qu'espéré, des effets de la pandémie du Covid. Le rendement des fonds propres moyens du secteur bancaire s'est amélioré d'un demi-point, à 8,6% au premier trimestre 2022 par rapport à la même période en 2021. «Nous nous attendons à ce que la rentabilité s'améliore encore d'ici la fin 2022 sans cependant retrouver le niveau de 2019. Cela peut tenter certaines banques à étendre leurs activités en Afrique subsaharienne pour chercher quelques points de rentabilité, pronostiquent les analystes de Fitch Ratings. A fin mars, le bénéfice net agrégé des 7 plus grandes banques enregistre une croissance de 21% en glissement annuel. Cette embellie a été tirée par une forte contraction des créances douteuses qui continuent de chuter par rapport aux niveaux plus qu'inquiétants de 2020-2021, lorsque les banques avaient massivement constitué des provisions pour couvrir les risques liés à l'impact de la crise sanitaire. Pour les analystes de Fitch Ratings, la baisse des créances douteuses reflète une stabilisation de la qualité des actifs bancaires. Le taux des créances douteuses dans le secteur s'élevait à 8,7% à fin mars 2022, un niveau identique à celui de fin 2021. Rapporté à l'Ebitda, le ratio des créances douteuses des sept plus grandes banques a été ramené à 32% au 1er trimestre contre 40% à la même période, en 2021, mais il reste toujours bien supérieur au niveau de 2019 (24%). Les banquiers se garderaient cependant de baisser la garde car le stock (annualisé à fin mars) des créances en souffrance reste 44% au-dessus du niveau de 2019, reflétant les risques liés à un contexte économique marqué par des incertitudes. Pour retrouver les niveaux d'avant la crise sanitaire, tout dépendra du rythme et de l'ampleur de la reprise économique du Maroc, préviennent les analystes de Fitch Ratings. Même si les créances en souffrance vont continuer à baisser, l'agence redoute qu'elles ne restent au-dessus des moyennes historiques en raison du coup de froid attendu sur l'activité économique. Fitch prévoit une croissance du PIB réel de 1,1% en 2022 (contre 7,4% l'année dernière) avant de remonter à 3% en 2023. Une croissance plus molle que prévu dans la zone euro (principal partenaire commercial du Maroc) conjuguée à la poursuite de la surchauffe des prix de l'énergie et des denrées alimentaires pourraient faire voler en éclats ces prévisions, concède l'agence de notation. Les marges d'intérêts nets des banques ont augmenté de 0,6%, reflétant la baisse des taux d'intérêt et le ralentissement de la production des crédits. Le taux d'intérêt moyen est tombé à 4,3%, le plus bas depuis plusieurs années, mais les banques ont néanmoins réussi à préserver leurs marges opérationnelles malgré une hausse moyenne de 5% des charges salariales (en glissement annuel). Les analystes de Fitch Ratings anticipent une hausse des taux en 2022-2023, en raison de l'augmentation du risque de crédit et des pressions inflationnistes. Ils sont persuadés que Bank Al-Maghrib relèvera son taux directeur cette année, les taux d'intérêt réels étant négatifs depuis octobre 2021, ce qui constitue un facteur de fragilisation des bilans des banques. Il y a aussi l'effet de contagion de décisions annoncées par la Banque centrale européenne. Une hausse des taux de Bank Al-Maghrib pourrait être déclenchée par l'augmentation du taux directeur de la BCE confirmée pour le mois de juillet, ou par de nouvelles hausses plus tard en 2022, étant donné que le dirham est adossé à un panier de devises pondéré à 60% par rapport à l'euro et à 40% par rapport au dollar. Les banques marocaines en profiteraient alors car la hausse des taux d'intérêt se répercute sur les taux et les conditions de crédit à leur clientèle. Si la concurrence joue à plein dans le secteur, une hausse du taux-mère de BAM ne devrait pas trop impacter les coûts de refinancement du secteur, ni en principe, les taux débiteurs. Pour cause, les banques marocaines s'appuient sur un impressionnant matelas des dépôts à faible coût sur les comptes courants et les comptes d'épargne. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO