L'indice de développement humain (IDH) reste très peu satisfaisant pour le Maroc. Les données collectées par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) placent le Maroc dans la troisième catégorie des pays «à développement humain moyen», très loin de pays comme le Liban, la Tunisie ou encore l'Egypte, lesquels occupent respectivement les 64e, 72e et 112e places dans le tableau final de 2012. Les 11 critères retenus par l'organisme onusien offrent pour leur part un bilan contrasté. C'est le cas notamment pour l'espérance de vie à la naissance qui se situe actuellement à 72,4%, ou encore dans la rubrique «innovation et technologie» ayant trait aux abonnés à un téléphone fixe ou mobile qui est de l'ordre de 111,8 pour 100 habitants. Hormis ces deux avancées qui ont été à peine citées par les analystes du PNUD, d'autres données restent inquiétantes. Selon les données actualisées en 2012, l'IDH ajusté aux inégalités a atteint 0,415 alors que l'indice de la pauvreté multidimensionnelle se situe à 0,048. La complexité des modes d'analyse opérés par le PNUD est encore plus gênante dans d'autres rubriques, que ce soit pour les indices composites qui analysent l'IDH non monétaire ou pour l'indice de «durabilité» qui a fixé les émissions de dioxyde de carbone par habitant à 1,5 tonne. Les rédacteurs des conclusions finales du rapport justifient l'enchevêtrement inévitable de plusieurs indicateurs qui restent difficilement tenables au sein d'une même rubrique par le fait que cette méthodologie «a été lancée comme alternative aux mesures conventionnelles de développement, telles que le niveau de revenus et le taux de croissance économique». Pourtant, la volonté de définition plus large du bien-être qui fournit une mesure composite de trois dimensions de base du développement humain : la santé, l'éducation et le revenu est restée quelque peu floue. C'est ainsi qu'entre 1980 et 2012, l'IDH du Maroc a augmenté de 1,7% par an, passant de 0,371 à 0,591 aujourd'hui, ce qui place aujourd'hui ce pays à la 130e place sur 187 pays disposant de données comparables. L'IDH des Etats arabes est quant à lui passé de 0,443 en 1980 à 0,652 aujourd'hui, «plaçant le Maroc en-dessous de la moyenne régionale», souligne le rapport final du PNUD. Les tendances de l'IDH dressent un tableau important à la fois aux niveaux national et régional et «soulignent les écarts très conséquents en matière de bien-être et de potentialités qui continuent à diviser notre monde interconnecté», déplore l'organisme onusien. Les difficultés méthodologiques liées à la rédaction du rapport de 2012 étaient doublées par une équation liée à la fiabilité des données fournies. «Pour permettre de faire des comparaisons entre les pays, le calcul de l'IDH a été réalisé, dans la mesure du possible, à partir de données fournies par de grands organismes internationaux et par d'autres sources de données fiables disponibles au moment de la rédaction du présent rapport». Les indicateurs de 2011 forment donc l'ossature des données analysées par le PNUD, qui correspondent à la fin de la première phase de l'INDH 2005-2011. Ce qui explique en partie le faible impact sur les conditions de vie des populations ciblées. Foyers de résistance Si les conclusions du rapport se sont avérées parfois approximatives à propos des indicateurs relatifs à la pauvreté et la santé, en ne prenant pas en compte le démarrage du RAMED, d'autres remarques finales semblent être plus actualisées. L'indicateur relatif au genre rapporté à plusieurs chantiers n'a pas encore été concrétisé et est au stade des discours. L'indice des inégalités genres (IGG) traduit toujours «le désavantage des femmes dans les trois dimensions considérées, à savoir la santé de la reproduction, l'autonomisation et le marché de l'emploi», souligne le rapport 2012. La disponibilité et la qualité des données fournies à ce sujet ont permis de constater des pertes en termes de développement humain causées par les inégalités entre les deux sexes avec «la condition des femmes qui est mauvaise, quelle que soit la dimension mesurée». Le rapport 2013 met en lumière quatre domaines d'action spécifiques pour maintenir la dynamique du développement. Il s'agit d'encourager l'équité, notamment dans la dimension du genre, d'accroître la représentation et la participation des citoyens, notamment des jeunes, d'affronter les problèmes environnementaux et de gérer les mutations démographiques. Plusieurs actions urgentes, essentiellement la mise en place de l'instance de la parité peuvent replacer le Maroc dans le giron des pays du Sud qui connaissent un «essor qui se produit à une vitesse et à un niveau sans précédent», note la version finale du rapport. L'évaluation finale met le Maroc dans la catégorie des pays qui ont pu parvenir à augmenter de manière notable le revenu national, mais sans dépasser la moyenne des performances d'indicateurs sociaux tels que la santé et l'éducation. Des pistes de sortie Face à l'exigüité des blocages qui empêchent les indicateurs retenus par le PNUD d'évoluer, plusieurs pistes de développement sont recommandées, qui ont été insérées dans la partie réservée «aux moteurs de transformation du développement». Trois conditions principales doivent être réunies : «un Etat proactif en matière de développement, des marchés mondiaux accessibles et une innovation déterminée en matière de politique sociale», relève le rapport final. Pour parvenir à une transformation durable, les pays doivent adopter une approche du développement cohérente et équilibrée. Ceux qui ont réussi à stimuler et à soutenir leur croissance, en termes de revenu et de développement humain, n'ont pourtant pas suivi une recette unique. Le rapport met en avant d'autres mesures aptes à sortir plusieurs pays du bas du tableau du classement annuel, notamment via la lutte contre la corruption. Il s'agit aussi de favoriser les opportunités tout en protégeant les couches vulnérables contre les risques potentiels. «Les gouvernements peuvent soutenir des industries qui, à cause de marchés incomplets, n'auraient aucune chance d'émerger autrement. Cette situation risque de favoriser la recherche de rentes et le copinage». Les challenges à relever D'autres états des lieux ont été réalisés par le rapport du PNUD. Si 57% de la population totale du pays qui est estimée à 32,5 millions vivent actuellement dans l'espace urbain, le pourcentage des femmes reste plus important, avec 16,6 millions, contre 15,9 millions. La question démographique reste centrale dans l'analyse annuelle du PNUD. «Les tendances en matière de démographie ne sont néanmoins pas fatales. Elles peuvent être modifiées en grande partie à travers des politiques d'éducation», orientent les experts du PNUD. Le rapport 2012 présente deux scénarios pour la période 2010-2050, valable pour l'ensemble des pays en quête d'amélioration de leurs indices : un scénario de base dans lequel les tendances actuelles en matière d'éducation continuent et un scénario à voie rapide, dans lequel les pays présentant les conditions de départ les plus négatives se fixent des objectifs ambitieux en matière d'éducation. Pour les pays à faible IDH et pour résoudre les défis démographiques, «il faudra relever les niveaux d'instruction, tout en augmentant les opportunités d'emploi productif, en accroissant la participation de la main d'œuvre, en particulier pour les femmes et les travailleurs âgés». D'autres statistiques du PNUD montrent que la valeur de l'indice du développement humain reste très proche des scores réalisés par les pays classés dans la catégorie des pays à faible développement. Le Maroc dispose en effet d'un indice moyen de 0,591, aux côtés de l'Irak et du Ghana. La durée moyenne de scolarisation est pour sa part de 4,4 années, alors que le nombre des années retenues est de 10,4 selon les estimations du PNUD. Outre ce décalage important, qui résulte de la problématique de l'abandon scolaire au sein du rural et trouve son origine dans le faible revenu des habitants du rural. Le revenu national par habitant a été pour sa part fixé à 4.384 dollars US par an (selon le PNUD). Un volontarisme social plus poussé Rares sont les pays qui ont maintenu une croissance rapide sans avoir investi massivement dans le secteur public, non seulement dans les infrastructures, mais également dans l'éducation et la santé. Le constat le plus important du rapport de 2012 sur le volet social colle parfaitement aux mesures qui ont été prises par le gouvernement dans les lois de finances 2012 et 2013, qui intéressent essentiellement la hausse des salaires des fonctionnaires et les allocations de retraites ainsi que le renforcement des budgets du programme Tayssir, de même que le lancement du RAMED en mars 2012. L'objectif est de «créer des cercles vertueux destinés au renforcement réciproque des politiques sociales et de la croissance qui réduit de manière plus efficace la pauvreté», souligne le rapport. Sur ce volet aussi, l'implication de la société civile et l'usage des partenariats restent parmi les pistes indiquées aux décideurs marocains dans l'optique de l'amélioration du classement du Maroc, qui n'arrive pas encore à faire partie des 100 premiers pays du monde.