Quelques semaines seulement après la sortie très médiatisée du rapport Doing Business 2012 de la Banque mondiale qui plaçait le climat des affaires du royaume au 94e rang, lui faisant ainsi gagner 21 places par rapport au classement de 2011, voilà que la fête laisse place au doute. La publication du dernier rapport sur le développement humain, réalisé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) vient en effet jeter un froid sur l'ambiance générale. Il faut dire qu'à la première lecture du rapport, on s'aperçoit que le Maroc, placé au 114e rang en 2010, dégringole à la 130e place en 2011, perdant ainsi 16 places. Il se place désormais bien loin derrière l'Algérie (96e), la Tunisie (94e) et la Libye (64e) sur les 187 pays étudiés. Fait encore plus surprenant, les Territoires palestiniens occupés, soit la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem Est, récupèrent dignement la 114e place précédemment occupée par le Maroc. C'est un paradoxe et une belle prouesse, quand on se rappelle qu'il s'agit là d'un «territoire» occupé. Placé derrière le Maroc en 2010 (115e), le Nicaragua devance désormais le royaume et se place à la 129e place. Au final, le Maroc se place en 2011 légèrement devant le Guatémala (131e) et l'Irak (132e). Deux petites places ! Figurant encore une fois dans la catégorie des pays à «développement humain moyen», la frontière pour passer dans la catégorie des pays à «développement humain faible» n'est malheureusement plus très loin. Toutefois, à la deuxième lecture du classement de 2011, on s'aperçoit que la valeur de l'Indice de développement humain (IDH) du Maroc est en progression continue depuis des années. Pour rappel, l'IDH comprend entre autres critères l'espérance de vie à la naissance, la durée moyenne de scolarisation et le revenu national brut (RNB). En 2010, le Maroc totalisait 0,567 points. En 2011, le Maroc décroche une valeur de 0,582 points. De la même façon, la représentation du PNUD au Maroc précise dans une note d'orientation accompagnant le Rapport mondial sur le développement humain que «la valeur de l'IDH ne cesse d'augmenter au Maroc». «Elle est passée de 0,364 points en 1980 à 0,507 en 2000 et à 0,582 en 2011, soit un accroissement de 60% en 30 ans, et la vitesse de croissance de l'IDH demeure soutenue. Cette performance a déjà valu au Maroc, en 2010, de figurer parmi les dix pays ayant démontré la plus forte augmentation de leur IDH depuis 1970», précise de nouveau la note. Le rapport mondial confirme par ailleurs que «les tendances à long terme [font] ressortir de nets progrès dans la plupart des Etats arabes. On compte cinq Etats arabes au palmarès des 10 meilleures progressions (Oman, l'Arabie saoudite, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc), auxquels s'ajoute la Libye pour les 10 meilleures progressions hors revenu. Les résultats de ces pays sont principalement dus aux améliorations en matière de santé et d'éducation». Prendre en compte la valeur de l'IDH plutôt que le rang est plus important qu'il n'y paraît. Il faut en effet noter que le rapport sur le développement humain de 2010 ne comptabilisait alors les indices que de 169 pays. Pour sa version 2011, le rapport compare les divers indices de 187 pays. «Compte tenu du fait que 18 pays et territoires sont venus s'ajouter à la liste de classement en 2011 et que le calcul de l'indicateur lui-même a également connu des modifications, il serait erroné de comparer pour un pays donné le classement de cette année avec celui de l'année précédente», continue la note d'orientation de l'antenne du PNUD au Maroc. Au final, le bureau marocain confirme que le Maroc a gagné 2 places en se rapportant au nombre de pays comparés. Il n'est donc pas question de parler de perte de places dans le classement. De nouveaux critères pris en compte Régulièrement critiquée par les instances marocaines, comme le Haut commissariat au plan (HCP), la méthodologie utilisée par le PNUD pour réaliser son rapport mondial sur le développement humain de 2011 a toutefois pris en compte de nouveaux critères. L'édition 2011 de ce rapport met en effet l'accent sur la durabilité et l'équité. C'est l'occasion pour le rapport d'adresser un clin d'œil à l'organisation en juin 2012 du prochain Sommet de la Terre à Rio de Janeiro. C'est ainsi que l'impact des menaces environnementales sur le développement humain a été pour la première fois inclus au classement. De la même façon, l'inégalité dans les revenus, le genre et les libertés sont devenus des variantes de l'IDH pour étayer la simple analyse du revenu, de la santé et de l'éducation. De quoi répondre aux critiques souvent faites par le Maroc. Espérance de vie à la naissance En 2010, les nouveaux-nés marocains avaient une espérance de vie de 71,8 ans. En 2011, l'indicateur passe à 72,2 ans. Certes, la progression peut paraître dérisoire mais elle confirme une tendance générale du Maroc depuis plusieurs années. En 1980, l'espérance de vie à la naissance n'était alors que de 57,7 ans. Une telle donnée ne peut qu'être encourageante, notamment pour les services de santé. Si l'on se fie à l'IDH ajusté aux inégalités, calculé en tenant compte des inégalités dans la répartition de chaque dimension au sein de la population, la valeur de l'indicateur de l'espérance de vie à la naissance est passé de 0,671 en 2010 à 0,685 en 2011. Impact des menaces environnementales Cité aux côtés du Brésil, de Djibouti, de la Guyane et du Pakistan, le Maroc figure parmi les 10 pays les plus performants en matière de limitation de l'impact des menaces environnementales sur le développement humain. L'indice tient compte, d'une part, de la proportion de personnes vivant dans une pauvreté multidimensionnelle qui font face à une ou plusieurs privations environnementales et, d'autre part, de la proportion de personnes confrontées à trois privations. Sont considérées comme privations environnementales des «carences en services environnementaux : l'eau salubre, un système d'assainissement amélioré et l'équipement en combustibles modernes». Au vu des chiffres, le Maroc ne compte qu'une faible proportion de sa population qui souffre d'au moins une privation environnementale ou des trois. Taux d'activité Les femmes marocaines travailleraient-elles moins qu'avant ? Telle est la question qu'on est en droit de se poser au vu du taux d'activité des femmes marocaines figurant dans le classement. En 2008, 28,7% des femmes exerçaient une activité professionnelle. En 2009, ce même taux est passé à 26,2%. En réalité, le même constat s'applique aux hommes, puisqu'ils étaient 83,6% en 2008 à exercer un métier contre 80,1% en 2009. Au final donc, l'augmentation du taux de chômage semble avoir eu plus d'impact sur la population masculine que sur les femmes. Santé des femmes Sur la période 2003-2008, le taux de mortalité maternelle atteignait 240 décès chez les mères pour 100.000 naissances vivantes. En 2008, ce même indicateur est passé à 110 pour 100.000. En outre, le taux de fécondité des adolescentes (entre 15 et 19 ans) était de 18,9 naissances pour 1.000 adolescentes entre 1990 et 2008. En 2010, la moyenne annuelle du taux de fécondité des adolescentes pour la période 2010-2015 chiffrait 15,1 naissances pour 1.000 adolescentes et ce, sans que le taux de prévalence de la contraception (toutes méthodes confondues) ne connaisse une progression : 63% des femmes utilisaient un moyen de contraception en 2009. Autant qu'en 2008. Revenu net par habitant Cet indicateur est calculé sur la base d'une valeur nominale du RNB par habitant en parité du pouvoir d'achat (PPA) pour l'année de référence de 2005 appliquée aux taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) projetés par le Fonds monétaire international (FMI). Le RNB du Maroc en 2011 s'élève à 4.196 dollars PPA constant 2005 contre 4.083 dollars PPA constant 2005 atteints l'année dernière. En 1980, ce même indicateur n'était que 2.282 dollars PPA constant 2005. Education C'est là que le bât blesse. Et ce n'est pas la première fois. En 2010, le nombre moyen d'années d'éducation dispensée aux personnes âgées de 25 ans et plus était de 4,4. En 2011, aucune amélioration à l'horizon, puisque l'indicateur est bloqué à 4,4 ans. Or, cet indicateur de durée moyenne de scolarisation démontre s'il le fallait encore que l'abandon scolaire reste trop élevé pour un pays comme le Maroc. Pire, la durée attendue de scolarisation pour un enfant en âge d'entrer à l'école est passée de 10,5 ans en 2010 à 10,3 ans en 2011.