La sécurité est optimale aux portes de l'usine à injectables Sothema, située à Bouskoura. Blouses, bonnets, protections de chaussures et caches-barbes, tout est mis à la disposition des visiteurs pour pénétrer un milieu très particulier qui s'étend sur plus de 11.000 m2. En démarrant la visite de la plus grande usine de médicaments du continent africain, grâce à un investissement de près de 50 MDH, c'est un bâtiment flambant neuf que nous découvrons. Pour reprendre les termes du management de Sothema : «cette usine fait aujourd'hui la fierté du groupe». Pour découvrir ce «joyau», il nous faudra parcourir de longs couloirs vêtus de blanc, aux coins arrondis et spécialement conçus de façon à «éviter que les particules n'accrochent le sol». Ajoutez à cela des filtres plafonnés qui rendent le milieu complètement hermétique aux microbes. «Toutes les opérations délicates sont réalisées sous flux laminaire», précise Lotfi Benabdallah, directeur de la production à Sothema. C'est dire toute la panoplie de mesures préalables à la découverte d'un dispositif de production tout aussi minutieux. Après avoir traversé les portes doubles cloisonnées, nous découvrons un monde où le «détail» est roi et où la synchronisation des mouvements est à la fois assurée par des machines impressionnantes, qui tournent à plein régime, et par des ouvriers hautement qualifiés qui filtrent les anomalies que les bras mécaniques n'assurent sans doute pas encore. Des «bijoux» de production Au moment où Lotfi Benabdallah décrit la chaîne de production suivie par les ouvriers du groupe, il est difficile de ne pas noter la présence d'une machine de près de 3 m qui trône derrière une large baie vitrée. «Cet engin coûte près de 10 millions d'euros», explique Benabdallah. Toutefois, à quoi sert-il vraiment ? Ce bijou de Sothema est en réalité le point de départ de la chaîne de production des produits injectables. Une activité délicate qui requiert une maîtrise scientifique, technique et sécuritaire. Le bruit discret de la machine témoigne justement du travail de fourmis que cette dernière réalise en assurant le remplissage de plus de 24.000 seringues par heure. Son mouvement circulaire permet de faire défiler les différentes seringues qui seront, quelques secondes plus tard, conduites sur la chaîne de l'étiquetage et de l'empaquetage. Trois caméras latérales contrôlent au préalable le détail de chaque seringue pour en déceler les éventuelles anomalies. Ce travail réalisé, les seringues prennent le chemin de la ligne de l'étiquetage afin que ces dernières puissent se voir coller des étiquettes respectant toutes les normes internationales requises. Suivra ensuite l'étape du «packaging» qui est aussi assuré par des machines rodées à maîtriser la fragilité des matériaux dans lesquels est inséré le produit. Ces dernières auront alors à l'intégrer avec délicatesse et rapidité dans son emballage cartonné auquel sera ajouté, en bout de chaîne, le «propectus». Ce n'est qu'à la fin de ce dispositif qu'interviennent les ouvriers de l'usine, lesquels se chargent essentiellement de remplir les cartons de livraison, puis place au stockage. À Sothema, comme dans toute usine de production de médicaments, le stockage revêt un sens très particulier. Dans le cas précis du groupe Sothema, un des principaux producteurs d'insuline et de produits injectables sur le marché national, l'impératif de la chaîne de froid est de mise. Des chambres de conditionnement sont alors prêtes à accueillir de grosses quantités de seringues injectables avec notamment la totalité de la production des produits «insuline» qui sont impérativement conservés à une température inférieure à 6°C. Tout ce dispositif ainsi géré permet alors de déceler deux niveaux sur lesquels s'articule le travail, à savoir celui de la machinerie mais également celui des ressources humaines en tant qu'acteurs principaux. Des qualifications RH optimisées... Le déficit en ressources humaines qualifiées dont souffre le secteur, est aussi ressenti par le management de Sothema. Toutefois, le groupe semble avoir aujourd'hui trouvé l'antidote, en formant ses ressources sur le terrain. Comme l'explique Lotfi Benabdallah : «tout ce qui relève de la formation de nos ouvriers qualifiés s'effectue en interne». Plus concrètement, le management de Sothema opte aujourd'hui pour la méthode de recrutement qui consiste à cibler les titulaires d'un niveau Bac+2 à Bac +4. Les formations sont ensuite modulées au sein même de l'usine par des pharmaciens chevronnés. Tout ceci vient combler le déficit en établissements d'enseignement spécialisés. «Les universités privées, bien qu'elles aient saisi la nécessité de répondre aux besoins du secteur pharmaceutique, ne parviennent pas encore à présenter des qualifications adaptées aux besoins du marché», déplore Lotfi Benabdallah. Ce dernier souligne également l'existence d'une école de préparateurs à Rabat dont le nombre de diplômés suffit à peine à couvrir les besoins du secteur public dans ce domaine de compétences. En limitant donc sa dépendance en matière de formation RH, Sothema semble avoir saisi les enjeux d'une formation rapide de ses collaborateurs dont le travail contribue activement au développement des activités du groupe sur différents marchés, aussi bien nationaux qu'internationaux. ... Pour s'adapter aux exigences du marché La mondialisation fait aussi partie de la stratégie de développement du groupe Sothema. C'est à juste titre ce qui apparaît en découvrant les différentes commandes destinées à différents clients français ou encore allemands. Ces derniers se voient en effet livrer leurs produits avec l'étiquetage traduit dans la langue officielle du pays. À cet effet, des machines spécialisées, à la pointe de la technologie, ont été acquises par Sothema, afin de programmer la réalisation et l'impression des emballages ainsi que les notices d'utilisation dans différentes langues. Sur le volet technique, Lotfi Benabdallah précise : «ces machines sont gérées par des ordinateurs spécialement programmés pour prendre en charge la traduction des étiquettes dans la langue requise, quelle qu'en soit la complexité». Au-delà de cet aspect forme, Sothema semble également vouloir s'adapter à des impératifs fondamentaux que sont les niveaux de qualité requis par les normes internationales. Sur ce plan, les clients étrangers de Sothema ne badinent pas. À la tête des plus soucieux de cet aspect, le groupe compte ses clients allemands qui aujourd'hui exigent d'auditer l'usine d'injectables chaque année. Du côté des agences françaises, ces dernières semblent être plus conciliantes en requérant un audit une fois tous les deux ans seulement. Dans cette configuration, les Marocains ne sont pas en reste, puisqu'au-delà des exigences allemandes, les opérateurs nationaux profitent de l'avantage «proximité» pour programmer des visites inopinées à l'usine, ce qui met le groupe Sothema dans l'obligation de maîtriser toutes ces données qualitatives. En envisageant plus précisément le marché national dans lequel le groupe pharmaceutique est bien positionné, Sothema vient en effet de remporter un récent appel d'offre lancé par l'Etat. Ce marché met le groupe dans l'obligation d'assurer la production et la livraison de près de 1,7 million de flacons de morphine. Ce tableau d'activités ainsi dépeint, il est alors possible de déceler des ambitions de développement que le management de Sothema ne voile pas. Le social, une entité à part entière La Fondation Omar Tazi (du nom du pdg de Sothema) accompagne plusieurs associations dans les différentes caravanes organisées à travers le royaume. Ces dernières visent principalement à distribuer des médicaments et des produits de soins dans les régions enclavées. À ce jour plus de 5.000 boîtes de médicaments ont été distribuées. Pour Najla El Hany, directrice marketing et développement stratégique, «la fondation fait partie intégrante de Sothema en ce sens que les bénévoles qui y agissent sont en totalité des salariés du groupe». Plus concrètement, ces derniers prennent contact avec les différents centres sociaux afin de cibler leurs besoins et contribuer à l'amélioration du quotidien des personnes défavorisées ou en difficulté sociale. point de vue Najla El Hany Maalal, Directrice marketing et développement stratégique Investir de nouvelles niches pour réduire le prix de vente Aujourd'hui, Sothema opère dans plusieurs classes thérapeutiques telles que la cardiologie, la diabétologie, l'ophtalmologie. Cependant nous constatons que nous pouvons développer nos activités pour les étendre aux traitements d'autres pathologies plus lourdes que sont aujourd'hui la cancérologie ou encore la virologie. C'est à juste titre dans ces créneaux que Sothema peut mettre en avant son expertise. Pour ces maladies très complexes, les traitements sont réalisés sur la base de molécules importées, ce qui explique leur coût très élevé. Le fait de les produire localement, notamment dans nos usines, peut en réduire le coût de production et en l'occurrence le prix à la vente, qui sera diminué de 50%. Ce qu'il faut savoir, c'est que Sothema est aujourd'hui le seul laboratoire capable de produire cette catégorie de traitements. Sur le plan réglementaire, il suffit de disposer d'une AMM puis de présenter un bon dossier auprès du ministère de la Santé. Dans une approche plus globale, le secteur est aujourd'hui devenu très concurrentiel et nous devons trouver de nouveaux créneaux sur des produits spécifiques et inédits. C'est par le développement de cette nouvelle activité que Sothema peut se distinguer. D'un autre côté, nous n'envisageons pas de nous concentrer sur le créneau des génériques en comprimés, ce qui nous intéresse davantage ce sont les produits biotechnologiques. Si ces nouvelles expériences prennent, nous pourrons dans un deuxième temps envisager de développer notre offre exportable sur cette catégorie. Pour ce qui est de nos activités sur le continent africain, nous avons une nouvelle usine à Dakar déjà fonctionnelle mais qui doit être officiellement inaugurée par le roi Mohammed VI. La date de l'évènement est en attente de la fixation de l'agenda royal relatif à une visite royale au Sénégal.