L'association «Scènes du Maroc» a le vent en poupe. Après le grand succès de sa première création «Taoub» et ses trois cent cinquante représentations à travers le monde, la troupe revient avec «Chouf ou chouf», signée par Zimmermann & De Perrot et solidement portée sur scène par le groupe acrobatique de Tanger. Point d'interrogation Partis en tournée internationale jusqu'en août 2010, les acrobates et leur duo de metteurs en scène suisses, ont déjà présenté leur spectacle en septembre et octobre derniers au Maroc. C'est actuellement au tour des publics européens de découvrir de près «Regarde et regarde encore». «Toute rencontre avec le nouveau et l'inconnu nous fait basculer dans des sentiments à la fois complexes et confus. Comment une véritable rencontre peut-elle avoir lieu dans de telles conditions? Dans ce désert, comment aller au-devant d'une oasis plutôt que d'un mirage?», s'interrogent les créateurs de ce nouveau spectacle aux allures philosophiques. Un questionnement, une réponse ou plutôt une tentative d'explication joyeusement interprétée par les talentueux acrobates de Tanger. «Chouf ou chouf» se place ainsi au centre d'un labyrinthe de questions et de réflexions. L'humour et la dérision, conjugués astucieusement à l'art acrobatique, donnent le jour à un «Chouf ou chouf» impressionnant de profondeur. Car au-delà des prouesses acrobatiques, c'est le fond même de la manœuvre qui lui donne son côté spirituel. L'absurde, porté à son summum sur scène, renvoie, paradoxalement, les spectateurs vers eux-mêmes, vers leurs propres questionnements existentiels. Tendrement touchant, de par sa charge émotionnelle, de par cette impression d'apesanteur et d'immatérialité... «Chouf ou chouf» est bien plus qu'une prestation artistique doublée d'une performance physique, c'est un point d'interrogation géant... vivant, parfois dérangeant et résolument nécessaire. Pour la petite histoire Fidèles à leurs choix initiaux, les acrobates de Tanger récidivent en proposant des spectacles qui ne laissent jamais indifférent. Ainsi, le grand succès de «Taoub» est sur le point de se renouveler avec «Chouf ou chouf», à l'échelle internationale. Mais avant d'enchaîner les représentations et de se forger cette belle réputation artistique, la troupe tangéroise n'était qu'une simple idée. , C'était il y a quelques années. Sanae El Kamouni, alors jeune étudiante à Toulouse, travaillait en parallèle au Théâtre Garonne. Elle y rencontre Aurélien Bory, jeune chorégraphe français du nouveau cirque et directeur artistique de la Cie 111. Ce dernier séduit la jeune Marocaine par cette façon de travailler au croisement des disciplines artistiques. Elle décida, ainsi, de provoquer une rencontre insolite entre le metteur en scène français et l'art marocain de l'acrobatie. Chargée plus tard de l'action culturelle à l'Institut français du Nord, Sanae El Kamouni va pouvoir enfin réaliser son rêve. Epaulée par Aurélien Bory, elle parcourt le Maroc à la recherche d'artistes capables de porter ce premier projet. Le duo de chasseurs de têtes ne se doutait pas que la perle rare n'était pas loin de leur port d'attache: Tanger. cette perle porte le nom de la famille Hammich. «Des acrobates de souche» qui ont fait de leur art un héritage légué d'une génération à l'autre. Gérée par El Kamouni, dirigée par Bory, la troupe est baptisée «Le groupe acrobatique de Tanger». Après des mois de gestation et de dur labeur, le premier bébé verra le jour sous le nom de «Taoub». Ce premier spectacle sera le meilleur début que la troupe pouvait s'offrir. L'année 2004 est une date à marquer d'une pierre blanche pour les membres du groupe, puisqu'elle correspond à la date de création de «Taoub». Scènes du Maroc Le succès de «Taoub» va aider aussitôt la troupe à émerger, que ce soit auprès du grand public ou des professionnels. Soucieuse d'offrir à cette fabuleuse expérience un cadre bien structuré, Sanae El Kamouni a créé l'association «Scènes du Maroc», une structure spécialisée dans le développement des projets culturels. L'association aspire a priori à «participer activement à l'émergence d'une nouvelle politique culturelle au Maroc», comme l'explique El Kamouni, avant de mettre l'accent sur l'accompagnement des jeunes artistes marocains dans des projets artistiques d'envergure nationale et internationale. Un véritable rôle de médiateur culturel ! Genèse Le groupe acrobatique a été rassemblé par Sanae El Kamouni en 2003. L'idée était de travailler avec les acrobates «traditionnels» autour de nouvelles écritures. Si au Maroc il existe un art acrobatique original et bien authentique avec une histoire spécifique, il n'est pas pour autant «innovateur», dans le sens où il n'existe aucune création autour. Les artistes sont «condamnés» à reproduire les mêmes numéros, dans les mêmes lieux, à savoir les cirques traditionnels ou autres lieux de distraction touristique. Nageant à contre-courant, El Kamouni était «convaincue qu'une histoire nouvelle peut s'inventer avec ces artistes de talent».