En cas de redressement fiscal sur les prix de transfert, l'entreprise s'expose à une triple peine. En plus de l'IS supplémentaire à régler, elle se voit réclamer l'équivalent en devises transférées et les droits de douane sur les biens «sous-évalués» à l'import. La création d'un département dédié aux prix de transfert dans l'organisation de la Direction générale des impôts (DGI) est un fait qui ne trompe pas. Elle confirme la plus haute importance que l'administration fiscale entend donner aux transactions des filiales des groupes internationaux. Les prix de transfert concernent tout un domaine assez large qui comprend les biens et services, les actifs immatériels, les redevances diverses, etc. Depuis une petite dizaine d'années, ils sont clairement devenus la cible principale du contrôle fiscal avec à la clé, des redressements d'assiette dont les montants font froid au dos. Bien souvent, les divergences entre le fisc et les multinationales se concentrent sur la déclinaison du principe de pleine concurrence et les comparables que redoutent tant les conseils qui accompagnent ces entreprises. Le fisc peut, sur la base des «éléments en sa possession», rejeter la méthode de calcul des prix de transfert d'une entreprise en s'exonérant au passage de la charge de la preuve. L'institution des Accords préalables sur les prix de transfert dans le droit fiscal marocain était censée conférer plus de sécurité et de visibilité aux entreprises. Près de cinq ans après, peu de monde se bouscule pour conclure ces rescrits, révèle un expert-comptable. Les discussions sont souvent très dures avec l'administration et en cas de désaccord, «il n'y a aucune garantie que les informations dévoilées par l'entreprise, durant les négociations, ne se retournent pas contre elle lors d'un futur contrôle fiscal». Résultat, de moins en moins de praticiens de la fiscalité conseillent à leurs clients de conclure un APP, Accord préalable sur les prix de transfert. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Lorsqu'une filiale d'une multinationale reçoit un redressement de la base imposable sur les prix de transfert, la notification contient des bombes à sous-munition prêtes à exploser en provenance de l'Office des changes. La coordination entre le fisc et l'Office des changes débouche de plus en plus sur des contrôles jumeaux. Tout rappel d'impôts notifié par les inspecteurs du fisc, au terme d'un contrôle fiscal, est presque automatiquement suivi par l'entrée dans la danse de l'Office des changes en vertu d'une convention de partenariat entre les deux administrations. L'Office des changes réclame aussitôt au contribuable l'équivalent du montant rejeté par le fisc en devises transférées à l'étranger majoré de pénalités de retard. De manière quasi-systématique, s'étonne un expert-comptable, l'Office des changes conteste la marge appliquée par les entreprises objet de la vérification. Par ailleurs, au contraire de la matière fiscale dont les procédures de contrôle et de recours sont balisées et lisibles, c'est une autre paire de manches lorsqu'il s'agit d'un contrôle de conformité à la réglementation de change. Il arrive que le traitement de certains dossiers mette jusqu'à cinq ans, voire plus. Si au bout de la procédure, aucun accord ne se dégage entre l'entreprise et l'Office des changes, un troisième larron rentre également en jeu, à savoir la douane. Celle-ci notifie automatiquement les rappels de droits qu'auraient dû payer l'entreprise dont la méthode de calcul des prix de transfert a été contestée. Le tout assortis de pénalités de retard. Sans être une garantie d'être à l'abri d'un redressement, la précaution minimale à observer en matière de prix de transfert est de se doter d'une documentation détaillée qui étaye la méthode utilisée. Tous les spécialistes consultés font la même recommandation. Car en l'absence de toute documentation, c'est l'article 213 du Code général des impôts qui est alors activé par l'administration fiscale. C'est-à-dire, une imposition d'office sur la base de l'appréciation réalisée par elle. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO