On ne cesse de le dire et le rappeler, chiffres à l'appui : les TPE représentent la catégorie d'entreprises qui souffre le plus de la dégradation des délais de paiement. Inforisk, le spécialiste du renseignement commercial sur les sociétés marocaines et maghrébines, le rappelle, encore une fois, dans son dernier rapport 2021 sur l'état des délais de paiement au Maroc. Le constat, tiré de l'étude d'Inforisk est juste alarmant. Les délais de paiement se sont largement dégradés entre 2018 et 2019! En effet, les délais clients ont encore augmenté de 23 jours, entre 2018 et 2019, pour atteindre 226 jours. D'ailleurs, depuis 2012, les délais clients de la TPE se sont nettement détériorés (+109 jours), alors qu'ils s'établissaient à 118 jours seulement, à cette date. Inforisk relève également un faible pouvoir de négociation des TPE, qui explique la très faible répercussion de la hausse des délais clients sur les délais fournisseurs. Ainsi, «entre 2018 et 2019, la hausse du délai fournisseurs n'a été que de deux jours. Pire, en moyenne, la TPE paie ses fournisseurs 109 jours (3,6 mois) avant d'être réglée elle-même», affirme-t-on auprès d'Inforisk. La situation est un peu mois alarmante du côté des PME, qui affichent cependant, également, une légère détérioration en 2019. Il a été constaté, entre 2018 et 2019, une relative aggravation des délais clients PME, qui a atteint trois jours pour atteindre 119 jours. Depuis 2012, les délais clients PME n'ont augmenté que de 23 jours, selon Inforisk. Par ailleurs, leurs délais fournisseurs se sont stabilisés à 105 jours, sur les trois dernières années, selon Inforisk. Il est aussi relevé que cette catégorie d'entreprises n'a que faiblement réussi à répercuter sur ses fournisseurs la hausse des délais clients qu'elle a subie. Infortisk explique que, «depuis 2012, les délais Fournisseurs de la PME n'ont augmenté que de 8 jours». Renversement de tendance chez les grandes entreprises Dans son étude sur la situation des délais de paiement en 2019, Inforisk démontre que l'année 2012 marque un point d'inflexion, où la courbe des délais fournisseurs passe au-dessus des délais clients, chez les grandes entreprises (GE). En clair, contrairement aux autres catégories d'entreprises, les GE payaient plus tardivement qu'elles n'étaient payées par leurs clients, avec un impact positif sur leur trésorerie. C'est l'effet d'un rapport de force favorable et d'une puissance de négociation qui leur permettent d'imposer leurs conditions à leurs partenaires commerciaux. Cette situation, qui a perduré jusqu'en 2018, a connu un renversement de tendance en 2019, où les conditions de règlement (entre délais fournisseurs et clients) se rééquilibrent à nouveau, avec même des délais clients qui repassent devant les délais fournisseurs. Le raccourcissement de ces derniers dénote une meilleure prise en considération par les GE des besoins de paiement de leurs fournisseurs. Le public s'améliore, le privé se dégrade Inforisk présente aussi la situation des délais de paiement dans le secteur public, et la compare avec celui du privé. Le gap commence à se creuser entre les deux ! «Que ce soit en matière de délais de paiement ou de crédit interentreprises, la véritable problématique se joue aujourd'hui du coté des relations inter-entreprises Privées-Privées», martèle le spécialiste, dans son étude. Dans le détail, les délais déclarés par le secteur public, sont de 38 jours. Il faut dire que l'administration centrale et les collectivités locales sont de bons élèves en matière de délais de paiement. Par contre, les délais de paiement chez les sociétés privées sont très longs, et se dégradent dans le temps. Ils sont de 226 jours pour les TPE, 119 jours pour les PME et 91 jours pour les GE (2019). Par secteur, en 2019, les délais de paiement clients sont de 263 jours dans le secteur de la construction et de 272 jour dans le secteur des services aux entreprises. Seulement 24% des entreprises respectent la loi 49-15 S'agissant de l'évolution du crédit inter-entreprises, 421 MMDH est le montant cumulé du crédit inter-entreprises privées au Maroc constaté en 2019, soit une hausse de 3% par rapport à 2018. Pour rappel, le crédit inter-entreprises correspond à la somme des encours «dettes fournisseurs» dus par chaque entreprise individuellement lors d'un exercice donné. Inforisk estime que la part du crédit inter-entreprises dans le PIB s'établit à 37% en 2019. Selon les chiffres fournis par Inforisk, 24% des entreprises seulement respectent le cadre de la loi 49-15, et les 90 jours de délais de paiement maximaux qu'elle prévoit. Cela signifie que 76% des sociétés marocaines sont en dehors de la loi relative aux délais de paiement. Près de 32% des sociétés font subir à leurs clients des retards de paiement supérieurs à 120 jours. «Avec le nouveau projet de loi prévoyant un système de sanctions pour les entreprises dépassant 120 jours de délais de paiement, cela concernerait 57% des sociétés marocaines», détaille l'opérateur. Pour ce qui est de l'impact des délais de paiement sur les défaillances, un lien de corrélation évident s'impose, 40% des défaillances sont engendrées par des retards de paiement. D'ailleurs, l'allongement des délais de paiement, depuis 2010, constitue la première cause de mortalité des entreprises. La TPE est la première victime des délais de paiement, avec des délais clients de 226 jours en 2019... Et la première victime également des défaillances d'entreprises ! Les chiffres de 2020 aussi sombres... En ce qui concerne les prévisions d'Inforisk sur les délais de paiement pour l'année 2020, les délais clients vont encore se rallonger à cause des effets de la crise sanitaire. ils devraient croitre de 42 jours pour atteindre 268 jours chez le TPE. Les délais clients seront de 159 jours chez les PME, soit 42 jours additionnels par rapport à 2019 et de 131 jours pour les GE, avec 40 jours additionnels de délais clients en 2020. Les solutions proposées par Inforisk Le Programme Inforisk Dun Trade et la Centrale des retards de paiement, représentent, selon l'opérateur, une solution efficace à la problématique des délais de paiement. Ces mécanismes permettent de réduire les délais, les retards de paiement et les impayés. Ils permettent, par ailleurs, de mieux gérer le risque de contrepartie chez les entreprises, grâce à une meilleure connaissance du comportement de paiement de leurs clients. Le Dun Trade et sa Centrale permettent, en effet, de blacklister les mauvais payeurs, grâce au Principe du Name and Shame sur les débiteurs enregistrés dans les différentes Centrales. Mais aussi de récompenser les bons payeurs, et d'orienter le Business des entreprises vers ces derniers. Ceci pousse, en fin de compte, à améliorer le climat des affaires, en apportant de la transparence aux entreprises, et ce grâce à la Data. L'adhésion des entreprises au programme Inforisk Dun Trade, qui est gratuite, permet d'avoir une vision comparative des retards de paiement: « suis-je mieux ou moins bien payé que mes concurrents ?», ceci en respectant l'anonymat de l'entreprise adhérente. Notons que le programme d'Inforisk, lancé en novembre 2019, regroupe aujourd'hui 25.000 entreprises adhérentes, et traite 100.000 factures ainsi que 3.000 impayés par mois. Cet outil assure donc la présence d'une Data sur les retards de paiement, exhaustive et actualisée, qui viendra alimenter l'Observatoire des délais de paiement. Ce point étant fondamental dans le contexte actuel, où les délais de paiement se dégradent inexorablement, compte tenu de l'impact de la crise sur la trésorerie des entreprises marocaines. Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO