Le 21 juin 2011, le Cotton Club ouvrait ses portes afin de célébrer la musique et de promettre à celle-ci de contribuer à valoriser la nouvelle scène marocaine. Le pari ? Permettre à des groupes professionnels ou semi-professionnels, voire amateurs de se produire tous les jours de la semaine quand la plupart des autres lieux de la capitale programmait la musique des jours spécifiques. «L'objectif premier n'est pas uniquement de faire du bénéfice, puisque notre priorité est la promotion de la nouvelle scène marocaine», explique Mehdi El Omari, programmateur de l'endroit et initiateur du projet. «Nous ouvrons la scène à toute personne désirant se produire le lundi, le mardi (jour de la jam session) et tous les soirs après minuit du mercredi au samedi où des groupes se produisent à partir de 21h30». C'est ainsi que les musiciens défilent et ne se ressemblent pas. Allant du rock, reggae, en passant par le folk, le jazz sans oublier la pop et la world music, tous les styles sont les bienvenus au club, à condition que la formation soit carrée et sérieuse. «Nous ouvrons les portes à tout le monde et nous donnons sa chance à qui souhaite la saisir, mais il est vrai qu'il y a une sélection des groupes qui passent du mercredi au samedi, puisqu'il s'agit de se produire devant une clientèle, devant un public». Cette chance, Yousra Mansour, qui vient juste de quitter l'aventure de «the Voice Liban» après un passage des plus remarqués, la connaît et pour cause, son étoile à elle s'appelle le Cotton Club. «Quand j'ai quitté El Jadida pour Essaouira afin de percer dans le monde de la musique, je me suis vite confrontée à un monde difficile voire inaccessible», explique la chanteuse à la voix rauque et rock qui a choisi Rabat pour continuer ses études et pour avoir une chance dans le monde de la musique où elle est bercée depuis toujours. «Un soir, j'ai poussé la porte du Cotton Club, j'étais étonnée par la façon avec laquelle j'ai été accueillie : je suis montée sur scène avec ma guitare, j'ai joué quelques morceaux. Une semaine plus tard, je m'y produisais». Le début d'une série de succès puisque Yousra a créé une véritable formation jazz-rock, «Lullaby» qui ne cessera alors de bercer les scènes de Rabat, Casablanca et d'autres villes du Maroc. De rencontres en rencontres et de succès en succès, la jeune artiste participe à l'aventure Studio 2M avant d'être remarquée par l'équipe de «The Voice Liban» où elle atteindra le troisième round. «Tout ceci n'aura pas pu être possible sans le Cotton Club, on est encadré, boosté et on ne cesse de nous placer ailleurs. Plus qu'un club, c'est une famille». Cette famille, Omar Benna chanteur du groupe «Crutch and Stones, en fait bien partie ! Jeune virtuose de 20 ans, le rockeur a commencé à chanter à l'école et depuis son passage au Cotton Club où son groupe est pratiquement résident, il ne cesse de grandir. «Le Cotton Club m'a ouvert plusieurs portes et c'est grâce à cet endroit que mon groupe et moi avons décidé de participer à Génération Mawazine, où nous avons terminé demi-finalistes», explique Omar. Une expérience des plus enrichissantes qui lui a permis de voir les choses en grand !Tel est le destin de ce club qui se veut une base de données de talents, toujours à l'affût de sang neuf pour les former, les conseiller et les lancer. Le duo de Barcelone «Rootsmama» en est l'exemple. Diana Feria, pianiste et Susanna Abéllàn Munoz, guitariste sont toutes les deux chanteuses et forment un duo de choc. Venues spécialement pour travailler pendant le Festival Mawazine, elles sont tombées amoureuses du Cotton Club. «Nous sommes arrivées et nous nous sommes vues proposer trois dates en une semaine. Avec la crise à Barcelone, nous avons trouvé des opportunités via le Club que nous n'avions connues nulle part ailleurs, un public passionné, une équipe sérieuse», raconte Suzanna. Depuis, les deux espagnoles ont décidé de poser leurs ailes au Maroc où elles ne cessent de se produire dans plusieurs villes. «Pratiquement tous les plans musique que nous avons eu proviennent du Cotton Club, une porte qui nous en a ouvert tant d'autres par la suite !», renchérit Diana. «Manager bénévole» certes mais surtout stimulateur, le Cotton Club a formé des groupes et a contribué à motiver des formations séparées à reprendre goût à la scène. Tel est le cas de «Walter Sugar», groupe formé en 2009 qui s'est éteint à cause du manque de musiciens. «Nous étions trois et le batteur n'avait pas beaucoup de temps à accorder au groupe. Par la suite, nous avons trouvé des musiciens sur Casablanca, mais les allers-retours devenaient difficiles», explique Ayoub Mouahhidi, leader du groupe. C'est au Cotton Club, plus d'un an de recherches plus tard et après avoir perdu espoir, que le jeune homme rencontre Safouane, son batteur actuel afin de donner un nouveau départ à son groupe. «Cela fait plaisir de jouer devant des musiciens, le genre de musique choisi est toujours le bienvenu. Le Cotton Club n'est pas un de ces piano-bars où il faut s'aligner sur la programmation de divertissements pour être appelé à jouer», continue l'artiste. En effet, à chacun son identité et à chacun son style puisque le répertoire choisi est très important pour intégrer le club. Un style que Samia Zenzouni, qui a un jour décidé de prendre son courage à deux mains et de pousser la chansonnette sur la scène du Cotton, a choisi en créant son groupe, «Deepsea». Une envie qu'elle a rendue possible comme si tout devenait simple et facile. Cette situation s'avérait mission impossible il y a quelques années et ceci, Mehdi El Omari, père spirituel du club mais surtout chanteur, guitariste et compositeur du groupe Meoz, l'a connu. «À l'époque, aucun endroit n'ouvrait ses portes aussi facilement et les scènes étaient presque inaccessibles». C'est ainsi, qu'après plusieurs difficultés dans le milieu, l'artiste a souhaité créer un endroit qui ouvre les portes à la nouveauté et à l'originalité au lieu de s'empresser de les fermer. Une idée née d'un passionné de musique, rendue possible grâce à une équipe motivée et grâce à des musiciens fidèles à l'endroit. Un Club qui pourrait s'avérer digne de son prédécesseur de Harlem, qui a réussi à lancer les carrières d'un certain Louis Amstrong ou encore Duke Ellington, si la machine à talents ne se trouve pas remplacée par la machine à sous, convoitée par la plupart des endroits du pays. Pourvu que l'amour de la musique soit plus fort et que le slogan du Cotton Club «Let the music play» serve d'exemple et de leçon à des politiques culturelles demeurant jusqu'à présent de «coton» au lieu de viser haut et de penser «club»...