Selon le dernier rapport du HCP et d'ONU-Femmes, les ménages dirigés par des femmes ont davantage pâti que ceux dirigés par leurs homologues hommes, durant le confinement. Que ce soit au niveau des disparités dans l'accès aux soins, à l'enseignement à distance ou encore dans le maintien de l'activité et des revenus et même dans le bénéfice des aides de l'Etat, les femmes ont eu du mal. Le Haut-commissariat au plan (HCP) et ONU-Femmes viennent de rendre public leur rapport sur l'«analyse genre de l'impact du coronavirus sur la situation économique, social et psychologique des ménages». Réalisé à partir d'informations réunies, grâce à deux enquêtes menées par le HCP auprès des ménages pendant et à la sortie du confinement, le document révèle que les femmes ont particulièrement souffert lors de cette crise dont les séquelles sont encore perceptibles dans certains ménages. En effet, il en ressort que, durant le confinement, les ménages dirigés par des femmes ont davantage pâti que ceux dirigés par leurs homologues masculins. Que ce soit au niveau des disparités dans l'accès aux soins, à l'enseignement à distance (pour les enfants scolarisés) ou encore dans le maintien de l'activité et des revenus et, même, dans le bénéfice des aides de l'Etat, les femmes ont eu du mal à avoir satisfaction. Grande difficultés d'accès aux soins Pour l'accès aux soins, l'analyse montre qu'avant même de naître, les enfants issus de familles dirigées par des femmes vivent une situation d'inégalité des chances aggravée par la crise. En effet, durant le confinement, les Chefs de ménage Femmes (CdM-F) ont eu plus difficilement accès aux services de santé que les Chefs de ménages Hommes (CdM-H). L'écart d'accès aux soins de santé reproductive, entre ces ménages, est encore plus significatif lorsqu'ils résident en milieu rural : une différence de 46 points de pourcentage (17% pour les CdM-F contre 63% pour les CdM-H). Dans les ménages dirigés par les hommes, il y a près de deux fois plus de chances d'accéder aux services de soins prénatals et postnatals que pour les membres des ménages dirigés par des femmes (69% versus 37%). Sachant que ces soins sont octroyés gratuitement dans les unités hospitalières publiques, la différence observée est vraisemblablement inhérente aux coûts d'accès (transport, etc.). Les ménages dirigés par les hommes disposent de plus de moyens pour permettre aux femmes qui en relèvent d'être conduites aux dites unités. La présence de femmes actives occupées au sein du ménage augmente donc les chances d'accès aux services de santé. Sinon, même pour les services de vaccination, une différence de 17 points de pourcentage est constatée, soit respectivement 57% contre 40%. Bref, la principale raison du non-accès aux services de santé est la peur de la contamination au coronavirus. Les raisons les plus fréquemment évoquées par les ménages sont, en effet, la crainte de contamination par le virus Covid-19, suivie de la difficulté d'accès (Indisponibilité des moyens de transport, éloignement, etc.) et puis du manque d'argent. Effets psychologiques et inquiétude dus à la promiscuité Ces pesanteurs ont eu des effets sur le niveau d'inquiétude, l'état psychologique et la qualité du vécu des ménages. En effet, les ménages ont souffert de la promiscuité : 21% de femmes contre 16,4% d'hommes. Surtout en milieu urbain où les conséquences psychologiques, mais aussi celles de connaître des conflits dus à la promiscuité sont plus probables, surtout quand le nombre de personnes par pièce dans le logement est supérieur à trois. Pour le suivi de l'enseignement à distance aussi, les difficultés des enfants des ménages tenus par des femmes sont supérieures à celles des enfants des ménages tenus par des hommes. En effet, les ménages tenus par des femmes, qui n'ont pas de moyens suffisants, ont éprouvé plus de difficultés à permettre l'accès aux cours à distance à leurs enfants, notamment à cause du manque de matériel (ordinateur, connexion Internet, etc.). Par ailleurs, comme on sait qu'au Maroc la proportion d'analphabètes est plus élevée chez les femmes, une cause supplémentaire tiendrait aux difficultés pour suivre et aider les enfants à réviser. En d'autres termes, sous cet angle, la crise a accru les inégalités entre les enfants appartenant à des ménages avec un CdM-F comparés à leurs camarades des ménages avec un CdM-H. À signaler par ailleurs que le HCP a également noté que pour le suivi de l'enseignement à distance, les filles ont été plus affectées par l'annonce du report ou annulation des examens que leurs camarades garçons. Comme l'a révélé l'enquête, la raison tient au fait que les filles sont plus impliquées dans la prise en charge des tâches ménagères. Il n'en demeure pas moins cependant qu'elles étaient proportionnellement plus nombreuses à suivre les cours. 72% des femmes dans le commerce et 55% dans les services ont perdu leur emploi Concernant l'impact de la pandémie sur l'emploi, les revenus et les contraintes financières, là aussi, les ménages dirigés par des femmes et les femmes en général ont été les plus affectés. En effet, comparée aux hommes, la proportion des femmes actives dans le secteur informel (commerce de détail, coiffure, couture, etc.) mais également dans celui des services (hôtellerie, restauration et tourisme) est plus forte. Or, ce sont les secteurs les plus touchés suite aux restrictions sanitaires inhérentes à la crise de la Covid-19. Par exemple, l'enquête révèle que dans le commerce, 72% des chefs de ménage femmes (contre 66% des hommes) ont eu des membres de leur ménage qui ont arrêté de travailler dans le secteur privé à cause de la pandémie. Dans l'agriculture et les services, le constat est le même, on a respectivement pour les CdM-F et pour les CdM-H 59% contre 47% et 55% contre 48%. Sur l'ensemble des ménages, seulement 14% des membres des ménages dirigés par une femme continuent à travailler dans le privé contre 22% pour ceux dont le chef est un homme. Dans le commerce, 72% des ménages dirigés par des femmes sans revenu Partant, la situation financière des femmes s'est grandement détériorée lors de la crise sanitaire en raison de leur situation vulnérable sur le marché de travail. Dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, du commerce et des services, respectivement 36%, 58%, 72% et 41% des ménages dirigés par des femmes se sont retrouvés sans revenus contre 32,5%, 53% 46% et 33% de ceux dirigés par des hommes. Pour s'en sortir, la plupart des femmes, qui ont perdu leur emploi, ont cherché à avoir recours aux aides publiques. Mais, sur ce plan aussi, les femmes étaient également moins favorisées. En effet, le faible accès des femmes aux aides publiques dispensées par les autorités pour pallier la perte d'activité et de revenus, s'explique par leur moindre fréquence d'enregistrement à la CNSS. Et de ce fait, elles ont été plus nombreuses à compter sur les transferts familiaux, qui sont plus aléatoires. Par ailleurs, la capacité à retrouver une activité à la sortie du confinement s'est révélée moins élevée pour les femmes. Bref, le HCP a observé que cette plus forte précarité des femmes sur le marché du travail a été corroborée par les données d'une enquête récente de la Banque mondiale auprès des entreprises. Cette situation d'instabilité contribue à élucider le fait que les femmes ont plus souffert du poids des contraintes financières. Enfin, comme conséquence de l'aggravation de ces diverses disparités, les femmes ont été plus en proie à l'anxiété et aux troubles psychologiques, ajoute l'équipe d'Ahmed Lahlimi. Aziz Diouf / Les Inspirations Eco