Après l'Arabie Saoudite et la Jordanie, la tournée royale en est à sa troisième étape, le Qatar. Ce pays enregistre depuis quelques années une des croissances les plus fortes du monde, en partie grâce au doublement de la production de GNL (Gaz naturel liquéfié) et à l'augmentation du prix des hydrocarbures. En tant que troisième producteur mondial de gaz, le Qatar détient 16% des réserves mondiales, équivalant à près de 250 années d'exploitation. De plus, ce pays, en dépit de sa petite taille (11.437 km2 et près de 2 millions d'habitants), a affiché un taux de croissance du PIB de l'ordre de 17% sur l'année 2011. En effet, il a réussi à se démarquer d'une politique économique propre aux pays rentiers, en diversifiant considérablement son économie et en développant des projets de grands travaux. Il a également confirmé ses ambitions africaines, notamment au Maghreb et surtout au Maroc, qui a multiplié ces deux dernières années les visites d'affaires à ce pays riche possédant le deuxième plus haut revenu par habitant au monde, après le Liechtenstein. D'ailleurs, il y a une année, une importante délégation marocaine s'y était rendue, dans le cadre d'une tournée dans trois pays du Golfe. Lors de cette visite, les membres de la délégation ont eu des rencontres «B to B» et des réunions d'affaires avec leurs homologues qataris, pour développer des partenariats win-win. Une première réunion du Conseil d'affaires Maroc-Qatar s'est d'ailleurs tenue récemment à Doha. Elle a constitué l'occasion d'initier un processus de coopération entre les hommes d'affaires des deux pays. D'autre part, le Maroc et le Qatar se sont mis d'accord pour renforcer les investissements touristiques et plus particulièrement la finalisation du Fonds marocain pour le développement touristique (FMDT), créé dans le cadre de la vision 2020. Il faudrait dire que, dans l'avenir, les investissements qataris au Maroc sont appelés à s'accélérer. Ils ne seraient plus d'ailleurs limités aux seuls secteurs touristique et immobilier. Des secteurs comme les énergies renouvelables, l'agriculture, l'eau, les infrastructures, l'industrie et les services seraient également investis par les Qataris. Déjà, des informations circulent sur les ambitions du Qatar d'initier l'économie marocaine à la finance islamique, avec deux implantations de banques islamiques via la Qatari International Islamic Bank (QIIB) et la Qatar National Bank. Qatar Telecom serait également intéressée par la reprise des parts de Vivendi dans Maroc Telecom. Seulement, pour drainer davantage d'investissements qataris, il va falloir convaincre, en jouant la carte de la promotion de la vision économique du Maroc, des politiques sectorielles et de l'avantage du statut avancé avec l'Union européenne et des accords de libre-échange avec plusieurs pays, ce qui permettrait à l'investisseur qatari d'accéder à plus d'un milliard de consommateurs. Beaucoup donc reste à faire pour voir les projets d'investissements qataris concrétisés au Maroc. En tous cas, les membres de la délégation qui accompagne le roi Mohammed VI dans sa tournée semblent, désormais convaincus de l'aboutissement d'accords sur un nombre de projets qui auront un grand impact économique social et humain et dont le lancement est prévu dans les plus brefs délais. C'est à ce titre qu'une réunion élargie a eu lieu hier, entre les délégations marocaine et qatarie pour faire un tour d'horizon des moyens de renforcer la coopération bilatérale dans plusieurs domaines. Il convient de préciser à ce titre, qu'au cours des cinq dernières années, les investissements qataris n'ont guère dépassé 850 millions de dollars. Quant aux échanges commerciaux, ils se sont situés à quelque 130 millions de dollars. Cela reste en deçà des aspirations des deux pays, plus que jamais engagés dans un processus de partenariat stratégique. En effet, au terme du premier semestre 2012, les importations se sont appréciées, sur une année, de 155,13% à 427,25 MD. Il faut savoir que les produits agro-alimentaires, les produits à base de plastique, le gaz et le pétrole sont les plus échangés entre les deux pays, qui ont instauré en juin 1996 une haute commission mixte. Pour rappel, les deux pays sont liés par environ 45 accords couvrant plusieurs domaines. Il s'agit notamment de l'accord économique et commercial, signé en 1990 à Rabat, du Protocole sur la coopération dans les domaines juridiques et judiciaires (en 1996 à Agadir), de la Convention sur la prévention de la double imposition (en 2006 à Agadir), de l'accord sur le transport aérien (en 1987 à Rabat) et de la Convention sur la coopération scientifique et technique dans le domaine des spécifications et des normes de contrôle (en 2006 à Agadir). Par ailleurs, force est de noter que les Qataris, qui sont en train d'étendre leur emprise économique au niveau mondial, sont en quête de stabilité pour monter leurs projets. Il va sans dire que dans le contexte actuel, le Maroc constitue un modèle dans ce sens. Pour les hommes d'affaires qataris, il pourrait constituer une plateforme pour les produits qataris vers des marchés européen et africain prometteurs. Sa position géostratégique et sa proximité des plus grands marchés du monde et surtout du continent africain constituent ses points forts. En d'autres mots, le Maroc ouvre aux investisseurs étrangers les portes de l'UE, des Etats-Unis et de la Méditerranée notamment, qui représentent des marchés rentables. Il reste à rappeler que c'est surtout grâce à une volonté politique que la machine économique pourrait tourner régulièrement et que les opérateurs qataris pourraient engager des investissements au Maroc. Le cas du holding Addiyar, engagé pour la réalisation de grands projets, notamment dans le secteur touristique (projet Al Houara à Tanger sur le littoral Atlantique) est édifiant à ce titre. Le déplacement royal s'inscrit ainsi dans le cadre du partenariat stratégique liant le Maroc et les pays du Conseil de la Coopération du Golfe. Bref, le statut avancé avec l'UE, le dialogue stratégique avec les Etats-Unis (13 septembre 2012), le Partenariat stratégique avec l'Espagne (3 octobre 2012), et aujourd'hui le partenariat avec le CCG, sont autant de modèles de coopération qui confirment l'attractivité du Maroc, dont les IDE à fin septembre 2012, ont reculé de 4,2% à 20,8 MMDH. C'est dire si les effets de la crise internationale se font toujours ressentir. La tournée royale se poursuit. avec comme prochaines étapes les Emirats arabes unis et le Koweït, deux pays signataires d'un programme portant sur 5 milliards de dollars, sur la période 2012-2016, aux côtés de l'Arabie Saoudite et du Qatar, deux pays dont les investissements sont en croissance. Avec des investissements en cours de plus de 5 milliards de dollars, le Maroc consolide sa position de premier destinataire, dans le monde arabe des capitaux émiratis. Dans leur partenariat multisectoriel avec le Maroc, les Emiratis allient l'énergie au tourisme en passant par l'immobilier, l'industrie et les infrastructures. Avec le Koweït, le Maroc entretient depuis 2006 des relations basées sur la Déclaration de Marrakech, qui a appelé à l'élaboration d'un partenariat stratégique. Aujourd'hui, le Maroc est le deuxième bénéficiaire des financements du Fonds koweïtien arabe de développement économique et social (FADES), lequel a contribué au financement de projets de développement comme la construction des barrages, l'agriculture, l'irrigation, l'eau potable, l'électrification rurale, les aéroports et les autoroutes. L'investissement koweïtien au Maroc a également fortement progressé depuis la création en 1976 du premier Consortium maroco-koweïtien de développement (CMDK), qui a à son actif la réalisation de divers projets. Bilan des étapes Arabie-Saoudite-Jordanie Cela fait sept jours que le roi Mohammed VI, accompagné d'une importante délégation composée notamment de conseillers et de membres du gouvernement, est en tournée dans les pays du Golfe. Un périple qui l'a mené aussi en Jordanie et qui concerne outre l'Arabie Saoudite et le Qatar, les Emirats Arabes Unis et le Koweït. Cette visite s'inscrit dans le cadre du partenariat stratégique entre le Maroc et le Conseil de coopération du Golfe (CCG) en vertu duquel, le Maroc bénéficie d'un soutien financier, sous forme de dons aux projets de développement pour une valeur d'un milliard de dollars par an, sur la période 2012-2016, soit un total de 5 milliards de dollars. À ce titre, notons que sur les 6 pays du Golfe, 4 sont des contributeurs nets à ce programme, à savoir l'Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis et le Koweït qui contribuent à égalité, soit 1 milliard 250 millions de dollars chacun sur cette période. L'objet de ce déplacement royal est donc de présenter les projets à financer dans le cadre de ces dons aux 4 Etats contributeurs. Parallèlement, il est question de promouvoir les investissements au Maroc, dans le cadre des Fonds souverains ou encore celui des investissements privés. C'est ainsi que pour la première étape en Arabie Saoudite, une fois les projets de développement à financer au Maroc mis sur la table, il a été décidé de créer une commission technique de mise en oeuvre de ces projets. Elle devra se pencher dès les prochaines semaines sur les détails et les modalités d'investissement les concernant. Rappelons que les opérateurs privés saoudiens sont particulièrement présents dans les secteurs du tourisme, de l'industrie, de l'agriculture et des infrastructures portuaires. Quant à l'étape Jordanienne (2e pays visité), elle était plus marquée par son aspect humanitaire. Elle a en effet marqué l'engagement du Maroc à appuyer la Jordanie pour accueillir les réfugiés syriens et fournir de l'aide à ces derniers, en sus du soutien concrétisé à travers l'hôpital de campagne, à proximité du camp de Zaatari. Sur les plans politique et économique, l'accent était mis sur le développement de la coopération entre les deux pays. D'ailleurs, des conventions renforceront bientôt les relations entre les deux royaumes, dans le domaine économique en particulier. Il a été dans ce sillage convenu de consolider les échanges commerciaux et de tenir la réunion de la Haute commission mixte maroco-jordanienne l'année prochaine.