Au moment où les rideaux tombaient sur les travaux du Forum de rabat, «The Atlantic dialogues», organisé récemment par la Fondation OCP et le German Marshall Fund (GMF), s'ouvrait à Lima, le 3e sommet Amérique du Sud-monde arabe (ASPA). Le fil conducteur de ces deux évènements est qu'ils confirment les ambitions du Maroc dans le nouvel espace économique qui émerge autour du pourtour méditerranéen et particulièrement pour les pays d'Amérique latine. C'est d'ailleurs autour des enjeux politiques et socio-économiques que laisse entrevoir le renforcement de cette coopération, qu'ont été axées les discussions lors de la rencontre de Rabat, laquelle a réuni près de 400 participants de haut niveau, avec une présence très remarquée d'une importante délégation des pays d'Amérique du Sud et des Caraibes. À Lima, la capitale péruvienne, le Maroc a également envoyé une forte délégation conduite par le ministre d'Etat Abdallah Baha, celui des Affaires étrangères et de la coopération, Saad-Eddine El Othmani ainsi que le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Aâmara. Il faut dire que parallèlement à ce sommet qui réunit les dirigeants de 32 pays des deux régions, arabe et d'Amérique latine, s'est tenu un forum économique au cours duquel le Maroc a réaffirmé ses intentions de donner un nouveau coup de souffle aux échanges entre les deux pays. C'est en ce sens qu'intervenant à l'occasion du Forum économique, le ministre marocain de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, a opéré une véritable opération de séduction à l'endroit des investisseurs fortement présents au sommet. Preuve des nouvelles perspectives que le Maroc entend réussir grâce au renforcement de ce partenariat économique avec les pays d'Amérique latine, la délégation marocaine était également composée des responsables de l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI), notamment son directeur, Ahmed Fassi Fihri et plusieurs hommes d'affaires, membres de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Porte d'accès L'offensive marocaine en direction de l'Amérique latine constitue, en effet et au delà des aspects politiques, un axe prioritaire de la stratégie commerciale marocaine. Les opportunités pour le Maroc dans le cadre de cette volonté commune entre les pays arabes d'une part et ceux du pourtour atlantique, d'autres part s'affirment car «Le Maroc qui fait à la fois partie de l'ensemble de ces groupes sous-régionaux, est le pays par excellence qui peut servir de trait d'union» a fait remarquer à juste titre le président de la Fondation OCP, Mohamed Belmahi, lors du forum de Rabat. Outre les relations culturelles et sociopolitiques historiques, c'est surtout la position géographique stratégique du pays qui constitue l'avantage premier du Maroc. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le ministre Saad-Eddine Othmani lors de son intervention au sommet de Lima, rappelant l'adresse faite aux dirigeants des deux régions, lors de l'avant dernier sommet de Doha en 2009 : «le Maroc, qui constitue pour le monde arabe une porte d'accès à l'Amérique du Sud, a été parmi les premiers Etats à instaurer un partenariat conséquent entre les deux groupes». Il faut dire que les deux sous-régions forment un ensemble économique de près de 750 millions d'habitants, représentant 1/5e du PIB mondial, et préciser que dans le sillage de la crise économique européenne actuelle et la recherche de nouveaux relais de croissance, qui remodèle la carte de l'économie mondiale, les échanges entre les deux régions se sont renforcés ces dernières années. En 2011, les statistiques sur les flux d'investissements font ressortir que la valeur des exportations en provenance des pays du Moyen-Orient vers l'Amérique latine a été estimée à plus de 17 MMDH, alors que le volume des échanges dans le sens contraire se chiffrait à un peu moins de 25MMDH. Dans la même tendance, les échanges du Maroc vers ces pays ont également connu une évolution significative, particulièrement avec des pays comme le Brésil ou le Mexique. Aujourd'hui que la volonté politique est affichée, de part et d'autre, et que les relations économiques entre les deux sous-ensembles sont appelées à prendre une nouvelle dimension, le Maroc a tout intérêt à mieux se positionner. Reste que, selon les experts, les rôles assignés à ce partenariat économique, ne sauraient atteindre leurs objectifs si des mécanismes juridiques et commerciaux ne sont pas mis en œuvre en amont. Accord maritime Lors du forum «The Atlantic Dialogues», il y a eu presque un consensus sur le fait qu'un accord maritime était nécessaire entre les pays d'Amérique du Sud et ceux d'Afrique. «Nous avons besoin de ce pont entre l'Afrique et l'Amérique du Sud» a laissé entendre Vital Moreira, élu portugais au Parlement européen, qui reconnaît toutefois que «des progrès ont été accomplis». Pour le Maroc, l'autre enjeu, c'est aussi le continent africain dans lequel plusieurs des pays membres du partenariat espèrent investir. Il s'agit donc pour le Maroc de mettre en avant son expertise dans la région et ainsi servir de relais de croissance. Pour ce faire, le royaume dispose aussi de ses ambitions dans la région latino-américaine, comme en témoigne la présence, certes encore modeste de plusieurs entreprises marocaines, dont l'OCP qui a récemment investi au Brésil. L'intérêt de l'instauration d'un nouvel ensemble économique au sein duquel les défis et les enjeux sont partagés, offre donc au Maroc une opportunité certaine de renforcer ses exportations et d'attirer davantage d'investisseurs. Les entreprises marocaines ont, en tout cas, un potentiel certain et des profits à tirer car si pour les autres pays concurrents, les intérêts recherchés à travers le partenariat économique qui se profile sont liés aux enjeux stratégiques comme l'énergie pour les pays d'Amérique latine, et les produits agricoles pour la région arabe, pour le Maroc, les relais de croissance sont nombreux. C'est le cas par exemple de l'expérience de l'OCP qui veut s'inspirer du modèle brésilien dans le domaine de la sécurité alimentaire pour appuyer sa présence en Afrique. Le continent dispose, en effet, du plus grand potentiel mondial en terres arables que les grandes puissances et les économies émergentes convoitent. Au moment où la sécurité alimentaire est devenue un enjeu et une priorité mondiale, le créneau est plus que porteur. À juste titre, après l'édition 2012 du forum de Rabat, qui s'est penché sur la redéfinition de la coopération entre les pays riverains de l'Atlantique, pour 2013, les thématiques qui seront abordées seront axées vers «la sécurité alimentaire et la flambée des cours des produits alimentaires» selon Mohamed Belmahi, le président de la Fondation OCP, qui joue les éclaireurs (voir les echos.ma).