Le «vert» est désormais un nouvel outil de séduction diplomatique à part entière pour le Maroc, vis-à-vis de la communauté internationale. D'abord un argument commercial dans le privé, la diplomatie marocaine s'accapare de plus en plus le concept, pour impulser sa visibilité stratégique à l'international, en l'occurrence dans la région méditerranéenne. Dernier fait en date ? À peine quelques jours après la signature le la Déclaration de la charte de l'énergie, le Maroc renforce sa visibilité à l'international sur le secteur énergétique, en abritant les travaux de la réunion de la Commission de l'énergie, de l'environnement et de l'eau de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (UpM). La rencontre s'est tenue du 24 au 25 septembre, regroupant en majeure partie des parlementaires, des responsables gouvernementaux de plusieurs pays du pourtour méditerranéen et des experts concernés par la chose environnementale. Au menu, ont figuré plusieurs thèmes, axés sur le potentiel de l'énergie solaire dans l'UpM, l'environnement, l'eau dans les zones urbaines, la carte des déchets de la Méditerranée, ainsi qu'à propos de l'efficacité énergétique. L'opportunité a donc été saisie pour faire le point sur les acquis et potentiels du royaume sur ces différentes filières. Intervenant lors de la séance inaugurale, Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement, est ainsi revenu largement sur les détails de l'offre du royaume. «L'élaboration de projets relatifs à l'environnement trouve désormais ses principales orientations dans les dispositions de la loi fondamentale», a déclaré le ministre aux participants de la réunion. Cette mise à niveau législative est destinée à faire face aux multiples défis imposés par un développement démographique et industriel soutenu, combiné à une raréfaction de plus en plus grave des ressources naturelles. Sur le volet énergétique, en l'occurrence, le ministre a indiqué aux parlementaires euro-méditerranéens que le royaume, soucieux de réduire sa dépendance énergétique, qui a un impact considérable sur le budget de l'Etat, a choisi de mettre à profit son important potentiel en matière d'énergies renouvelables (solaire, éolienne), tout en diversifiant ses ressources. Pour sa part, le président de la Commission sur l'énergie, l'environnement et l'eau de l'Assemblée parlementaire de l'UPM, Stefan Schennach, a indiqué que le choix du Maroc pour abriter cette réunion est loin d'être fortuit. Cette décision a été en effet principalement guidée par l'importance des ambitions du Maroc dans le domaine de la protection de l'environnement et des énergies renouvelables. Il faut savoir que la Commission précitée a pour mission d'identifier les problèmes de la région méditerranéenne et d'y remédier, tout en faisant des créneaux du développement durable, de l'emploi et de l'efficacité énergétique, des priorités. Sur ce dernier sujet, d'ailleurs, la réunion de la Commission rejoint l'actualité, en s'inscrivant directement dans l'esprit d'un récent rapport publié par l'Observatoire méditerranée, de l'énergie (OME). L'efficacité énergétique, le souci permanent Il faut dire que le marché énergétique du pourtour méditerranéen est l'un des plus dynamiques du monde et le Maroc y joue un rôle loin d'être négligeable, contribuant à renforcer son positionnement géopolitique. D'abord, les chiffres. «L'Union européenne dépend du Sud de la Méditerranée pour 35 % de son gaz et 22 % de son pétrole, ce qui représente respectivement environ 85 % et 50 % des débouchés des économies exportatrices du Sud», selon le rapport de l'OME. Selon la même source, les perspectives énergétiques prévoient, avec la poursuite de la dominance des hydrocarbures dans le mix énergétique, un accroissement de cette interdépendance dans les années à venir. La problématique est d'ailleurs au cœur du Plan solaire méditerranéen mis en place dans le cadre de l'UPM. Le rapport fait également état d'une importante hausse, dans la région, de la demande en énergie primaire attendue pour l'ensemble de la région, atteignant plus de 1,2 milliard de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2020, et 1,4 MM de tep en 2030, là où elle n'était estimée qu'à 1 milliard de tep en 2008, le rythme de croissance de la consommation d'énergie de la part des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (PSEM), étant 3 fois plus important que pour les pays du Nord, avec un triplement de la consommation d'électricité. «Des impacts importants sont également prévisibles du point de vue des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, l'ensemble des pays de la région méditerranéenne aspire à un développement énergétique durable», souligne-t-on dans le rapport de l'OME. Des lois pour un business nouveau De là, plusieurs pays de la région, dont le Maroc, se sont de plus en plus sérieusement penchés sur la nécessité d'instaurer une vision concrète de promotion de l'efficacité énergétique. «Les cadres réglementaires d'une majorité de ces pays ont considérablement évolué ces 5 dernières années et favorisent aujourd'hui le déploiement de politiques d'économies d'énergie», constate l'Observatoire. Toutefois, «l'absence de politique commune amène cependant à constater que l'engagement des PSEM en matière d'efficacité énergétique est très différent d'un pays à l'autre», poursuit le rapport de la structure. La Tunisie ou la Turquie, par exemple, sont beaucoup plus avancées dans ce domaine, alors que les pays producteurs d'énergie tels que la Libye ou l'Egypte le sont moins. «D'une manière générale, on note que les cadres institutionnels et légaux nécessaires au développement d'un réel marché de la maîtrise de l'énergie sont en progrès, même si certains peuvent être complétés pour être à la fois plus visibles, plus pérennes et plus efficaces», commentent les experts de l'OME. Pour le royaume, cette tendance régionale s'est concrétisée à travers la promulgation de la loi sur l'efficacité énergétique. Le texte en question devrait contenir des dispositions relatives aux normes énergétiques d'application obligatoire pour le bâtiment. Elle impose également des audits obligatoires et une analyse d'impact énergétique pour tous les nouveaux grands projets. Pour rappel, l'objectif résumant les ambitions du gouvernement marocain, dans ce sens, porte sur une réduction de 12 % de la consommation d'énergies fossiles à l'horizon 2020, soit une réduction de la consommation annuelle de pétrole de 150.000 tep. Obstacles Sur une échelle beaucoup plus globale, l'OME observe que la difficulté du développement de l'efficacité énergétique au sein des PSEM est aussi liée aux politiques énergétiques souvent peu favorables, qui autorisent la subvention des énergies fossiles dans des proportions importantes. «Ces aides se traduisent en effet par un prix de l'énergie relativement bas pour le consommateur final, décourageant le développement de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables». Cette politique est en aujourd'hui en pleine réflexion sur le marché national et une réforme est déjà entamée dans ce sens. Quant aux potentiels que pourraient générer, à terme, l'application d'une réelle politique d'efficacité énergétique, l'OME se veut très précis. L'organisme estime que ces gisements d'économie d'énergie sont clairement identifiés au sein des programmes nationaux de maîtrise de l'énergie, développés par certaines économies de la région, telles que le Maroc, la Tunisie, l'Algérie, la Jordanie et la Turquie. «L'estimation sectorielle des potentiels d'économie d'énergie et leur conversion en coûts de production et d'investissement évités, constituent les premières actions de sensibilisation des consommateurs et acteurs du secteur énergétique vis-à-vis de l'importance de l'efficacité énergétique», explique-t-on auprès de l'Observatoire. Point de vue Fouad Douiri, Ministre de l'Energie, des mines de l'eau et de l'environnement. La configuration du marché énergétique actuel est caractérisée par des pays à forts potentiels de développement et à forte demande énergétique. Il s'agit surtout des économies du Sud de la méditerranée, dont le Maroc évidemment et certaines d'Afrique subsaharienne. En face, nous avons des investisseurs, des détenteurs de capitaux et des développeurs de grands projets énergétiques, prêts à mettre la main à la poche et à déployer des fonds. Ces capitaux destinés au secteur ne sont évidemment pas infinis. Ceux qui les détiennent doivent donc opérer des choix stratégiques en visant en priorité les marchés sur lesquels le retour sur investissement est le mieux garanti et où les primes de risque sont les plus faibles. Si nous réussissons donc à instaurer, dans notre propre économie, un climat des investissements favorable, si nous arrivons à disposer de projets de qualité, nous serons bien en mesure d'attirer ces capitaux, ces investisseurs et les nouvelles technologies dans les meilleures conditions. L'objectif, en résumé, c'est de se retrouver en tête de liste des priorités des investisseurs du secteur et cela, c'est tout le rôle justement du gouvernement mais également des opérateurs privés, avec pour principal enjeu de créer ce cadre qui soit attractif. Le royaume doit multiplier les signaux politiques très forts au reste du monde pour prouver son engagement à une économie aux opportunités équitables, attractives, et transparentes. L'idée est donc d'améliorer le «ranking» du royaume dans le climat global des affaires et du secteur énergétique en particulier.