C'est le 6e rapport thématique du CNDH qui pénètre dans un domaine ordinairement négligé par les militants des droits de l'homme : la santé mentale. La situation des établissements hospitaliers chargés de la prévention et du traitement des maladies mentales a été au centre du diagnostic opéré par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), qui entend en même temps sensibiliser la société «au droit des malades mentaux à une prise en charge respectueuse de leur dignité et de leur citoyenneté», a indiqué hier le président du CNDH, Driss El Yazami, lors de sa présentation des grands axes de la nouvelle évaluation faite par son organisme. C'est donc à une étude de terrain que le Conseil s'est livré pour pouvoir arriver à ces constats qui mettent en exergue la situation dans les établissements et services de traitement des maladies mentales telle qu'elle a été constatée lors des visites et d'«identifier les carences et les insuffisances dont souffrent ces établissements», a ajouté El Yazami. Une vingtaine d'établissements psychiatriques ont été visités comme Berrechid, Tit Mellil, Bouafi à Casablanca, qui sont considérés comme les principaux centres qui disposent d'une capacité litière assez étoffée. «Le Conseil a également examiné les textes de loi ayant trait à la santé mentale et a tenu des réunions de travail et d'échanges avec les responsables de ce secteur à tous les niveaux», a tenu à préciser le président du CNDH. Des structures archaïques et inadaptées le rapport soulève que le mode de gestion (SEGMA) appliqué quasi-généralement est inadapté à la nature des établissements psychiatriques, avec l'existence de structures non opérationnelles, bien que récemment construites et équipées, comme c'est le cas à Tiznit, Nador et Hay Mohammadi à Casablanca. «Certaines structures sont foncièrement inappropriées ou sont carrément à l'abandon, dont l'exemple flagrant est l'hôpital de Berrechid», déplore Yazami. La plupart des structures ne disposent pas de conditions appropriées de surveillance et de sécurité, de même que l'entretien et la maintenance sont défaillants dans bon nombre d'établissements. Le même constat amer a été émis par le CNDH à propos des équipements : «la plupart des établissements ne disposent pas d'ambulances, tout comme la literie qui est dans un état déplorable dans la plupart d'entre eux», note le Conseil. «Les chambres d'isolement sont inhumaines et non sécurisées, ainsi que les sanitaires qui sont dans un état de délabrement avancé», constate le document final. Le secteur public compte à fin 2012, 172 psychiatres et 740 infirmiers spécialisés en psychiatrie, sans compter les 131 spécialistes opérant dans le secteur privé, au moment ou 54% des psychiatres se trouvent dans l'axe Casablanca-Rabat. Au niveau du ciblage, les services d'addictologie existant actuellement sont insuffisants par rapport à la prévalence de la dépendance alcoolique et aux drogues et presque inaccessibles par rapport aux moyens des toxicomanes démunis. L'évaluation faite par le CNDH s'est aussi penchée sur le rôle du département de la Justice. La mission d'information du Conseil a également constaté que les autorités judiciaires n'exercent pas leur rôle de contrôle, comme il se doit en termes de fréquence de visites, de qualité des rapports établis et de suivi. «L'une des principales recommandations est d'assurer une meilleure prise en charge des malades mentaux et une gestion des établissements psychiatriques conformes aux normes internationales en la matière», a indiqué le président du CNDH. Il s'agit également d'améliorer la vie des personnes atteintes de troubles mentaux, tant aux niveaux de «la planification, de la prévention que de la prise en charge», souligne pour sa part le rapport qui cite également la pénurie flagrante en ressources humaines, que ce soit pour les structures d'accueil, les psychiatres, les psychologues ainsi que les infirmiers et les assistants sociaux. Parmi les grandes difficultés liées à ce manque de lits hospitaliers, il y a le suivi irrégulier et l'abandon en fin de compte de tout soin pour certaines catégories de patients. Des inégalités régionales importantes persistent aussi dans le traitement des maladies mentales. La concentration au niveau de la région du Grand Casablanca ne permet pas au département de tutelle de disposer d'une véritable stratégie à court et moyen termes pour une meilleure déconcentration de l'offre au niveau de l'ensemble des régions. Dixit Ce rapport s'inscrit dans le cadre des prérogatives du CNDH en matière de protection des droits de l'homme, notamment celles relatives aux visites des établissements hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques. Outre les dispositions constitutionnelles relatives au droit à la santé, l'harmonisation des textes législatifs et réglementaires et la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles ont justifié ce rapport. Driss El Yazami, Président du CNDH. Des carences partout 1.900 lits destinés aux services psychiatriques avec une prédominance des services de psychiatrie intégrés dans les hôpitaux généraux et au sein des unités universitaires, c'est tout ce qu'offre le secteur public. Autre indicateur inquiétant pour le CNDH, la santé mentale constitue le parent pauvre de la santé avec un budget qui ne dépasse pas 1% du budget global. Le Plan national de la santé mentale, qui arrive à terme en décembre 2012, doit, pour sa part, présenter son bilan, après sa mise en oeuvre en 2008, avec un état des lieux précis des 25 structures hospitalières spécialisées en santé mentale, y compris les 80 unités de consultations ambulatoires ainsi que les 5 centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents. Les principales pistes identifiées dans ce sens concernent d'abord la prévention des troubles mentaux à travers une politique sectorielle qui insiste sur «l'amélioration de l'accessibilité et de la qualité de la prise en charge des malades mentaux, la lutte contre la stigmatisation et la discrimination des personnes souffrantes».