Un PIB marocain par habitant de plus de 10.444USD d'ici 2015, c'est-à-dire au même niveau que celui de la Turquie en 2011! Il faudrait plus qu'un miracle économique pour atteindre ce stade, qui ne déplairait certainement pas à Abdelilah Benkirane, qui a promis aux citoyens marocains une croissance de 7%, en moyenne à la fin de son mandat. C'est pourtant ce qu'AXA Investment Managers, un cabinet spécialisé dans le conseil en matière d'investissements, prévoit pour le Maroc et qui plus est, à court terme. Dans une récente étude publiée il y a quelques jours sous le titre «Du printemps à la renaissance arabe», la filiale de la firme internationale AXA Assurance prédit aux pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MOAN), une croissance du PIB comparable à celle qu'a connue la Turquie, considérée comme l'un des plus beaux exemples d'émergence économique au monde de ces dernières années. Loin des promesses électorales et annonces électorales du PJD, que tous les spécialistes en développement et économistes chevronnés ont qualifié «d'irréalistes», l'étude qui paraît à première vue au maximum de l'optimisme, se base sur le potentiel dont disposent ces pays et qui se base sur la conjugaison de certains facteurs, comme le printemps arabe et l'arrivée des islamistes au pouvoir, dans un contexte mondial caractérisé par une sévère crise économique mondiale. Aussi sujette à caution que peut prêter cette principale conclusion de l'analyse faites par les experts du cabinet, elle ne relève pas de points forts concernant le Maroc, au moment où sont attendues les premières mesures du gouvernement, destinées à relancer l'économie nationale, qui traverse certes une période assez critique, mais qui n'en recèle pas moins des opportunités. Passant au crible les perspectives d'évolution des pays de la région, au travers des pesanteurs politiques et économiques de l'heure, l'étude conclut qu'ils disposent du potentiel nécessaire pour «relever leur PIB par habitant à un niveau similaire à celui de la Turquie, pour peu que le printemps arabe soit propice à des réformes structurelles d'ampleur, visant à une croissance de l'emploi forte et durable. Il en résulterait un paradigme de croissance à la fois plus inclusif socialement et plus durable». L'avantage des hypothèses de travail et de projection de l'étude, somme toute assez subjectives, comme le souligne le document, est qu'elles s'appuient, pour l'essentiel, sur les aspects conjoncturels sur lesquels s'accordent pour la plupart les analyses et projetions d'institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) ou l'OCDE, tant en matière de potentialités de développement que de blocage d'une véritable émergence. Le Maroc se trouve d'autant plus mis au premier plan, classé parmi les «rattrapeurs rapides», qu'il constitue l'un des cas les plus plausibles permettant de réaliser ces objectifs et donc d'atteindre au mieux l'objectif de croissance et de développent pris comme élément de comparaison, à savoir le modèle turc. Leadership marocain L'étude d'Axa a établi une classification des pays en fonction de leur profil, afin de déterminer les favoris sur le chemin de la croissance inclusive et durable. «Plusieurs économies du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MOAN) peuvent faire converger leur PIB par habitant vers celui de la Turquie, à condition d'engager de profondes réformes structurelles», pronostique l'étude, avant d'ajouter que dans cette voie, certains pays comme l'Egypte, l'Iran, la Jordanie ou l'Irak devront faire davantage d'efforts que d'autres parmi lesquels le Maroc, le Yémen, l'Algérie, la Tunisie et la Syrie. Le royaume se trouve donc au rang des pays les plus en vue pour transformer la crise actuelle en opportunité de croissance. Pour preuve, alors qu'il faudrait 20 ans, pour l'Egypte afin de réduire de moitié son écart avec la Turquie et 14 pour l'Iran. Le Maroc, ainsi que l'Algérie, pays avantagés par ses ressources pétrolifères n'auraient besoin que de trois ans et la Tunisie deux ans et demi. S'agissant des mesures à prendre pour atteindre le niveau de croissance espéré, il n'apporte rien de nouveau : engager des réformes structurelles, en profitant du contexte actuel et agir essentiellement sur les volets emploi et développement durable. Il s'agit là des clés pour aspirer au miracle et qui se résument à un renforcement de l'intégration régionale, au renforcement du tissu industriel qui ne peut s'accompagner que d'une amélioration de l'environnement des affaires. Il s'agit là bien évidemment des objectifs sue le gouvernement Benkirane s'est fixé comme idéal à atteindre et sur lesquels il multiplie les initiatives, mais cela ne constitue en aucune façon un gage de réussite. Ce gage s'articulerait plus sur les leviers à actionner pour insuffler la dynamique nécessaire à l'économie nationale pour la propulser sur le chemin de l'émergence. Le fait particulier qui constitue une réelle opportunité pour la mise en œuvre des réformes structurelles pour ces pays est axé autour des ouvertures qu'offre la transition démocratique en cours. «Les études économiques empiriques indiquent que les transitions démocratiques ont en général un effet positif sur la croissance et sur sa stabilité», relève le document, dont les projections à ce niveau sont basées sur l'estimation du fait que «le niveau du PIB réel par habitant augmente en moyenne de 2,4% dans les années qui suivent une transition démocratique». C'est, en tout cas, le résultat auquel est parvenue la Turquie, pays qui présente bien des similarités avec ses voisins de la région et surtout avec le Maroc, qui peut s'en inspirer pour réussir son modèle économique. Les atouts d'un modèle «La Turquie offre l'exemple d'un pays essentiellement musulman qui renaît de ses cendres après une grave crise bancaire en 2001 et entreprend depuis d'ambitieuses réformes structurelles, qui lui ont permis de résister à la crise financière mondiale», fait remarquer le document, qui conclut que l'exemple turc fournit un bon plan de route pour les pays du printemps arabe, donnant notamment «des indications sur la dynamique et l'envergure des réformes structurelles nécessaires pour atteindre un PIB par habitant élevé». Les raisons du choix de la Turquie comme pays de référence pour les auteurs de l'étude tiennent donc plus aux facteurs politiques et économiques communs et aux potentialités similaires dont disposent les pays de la région MOAN avec la Turquie des années 2000. Quand on tient compte du miracle économique turc durant ces dernières années, grâce aux mesures économiques prises par les nouvelles autorités, l'intérêt ne manque pas pour le Maroc, d'autant plus qu'au lendemain de l'arrivée du PJD au pouvoir, le rapprochement a été vite fait avec leurs homologues de l'AKP turc, avec qui le parti de Benkirane partage des affinités idéologiques et politiques. Le gouvernement de Benkirane saura-t-il s'inspirer efficacement de ce modèle, en profitant du contexte actuel ? C'est là tout l'intérêt de l'étude, qui rejoint la plupart des analyses récentes les plus rigoureuses. Des réformes structurelles mises en œuvre dépendent, pour une large partie, les réponses aux défis majeurs socioéconomiques de l'heure. S'il n'y a pas de recettes véritablement miracles, le gouvernement pourra se baser, au moins, sur un modèle. Le miracle de l'emploi Si la problématique de l'emploi est considérée comme le défi majeur pour le gouvernement, afin de parvenir à une croissance inclusive et durable, pour AXA Investment Managers, la résolution de cette équation complexe nécessite un miracle. Les politiques économiques devront viser un modèle de croissance plus inclusif, où les effets positifs des réformes touchent une plus large fraction de la population, à la différence du passé, recommande l'étude, qui statue sur la nécessité pour «les nouveaux dirigeants» de faire baisser le chômage de façon importante et pérenne, ce qu'on a pris coutume d'appeler des «miracles pour l'emploi». Ce dernier n'est pas impossible pourtant à réaliser, puisque selon la Banque mondiale, les pays qui ont engagé ce type de réformes ont, en moyenne, ramené le taux de chômage de 14,5% à 8,8% en trois ans, et à 7,1% dans les quatre années suivantes. Les «miracles pour l'emploi» viennent avec un relèvement du niveau du PIB de 2% et une montée du taux d'investissement, explique le document qui établit, également, un lien avec une plus grande ouverture commerciale et une réduction des risques de crise économique. En tout cas, pour les auteurs du document, l'histoire économique récente a démontré que «ces miracles ne sont ni rares ni inimaginables». C'est d'ailleurs ce que confirme la Banque mondiale, qui a calculé 43 expériences similaires qui se sont produites entre 1980 et 2008 de par le monde. «Pour les économies du MOAN, elles apparaissent comme la seule voie susceptible de créer chaque année les quelque 4,5 millions d'emplois nécessaires pour absorber la croissance de la population active et faire baisser le chômage des jeunes», proclame l'étude.