Ça se corse pour la prochaine loi des finances. Les dépenses fiscales du royaume sont bien parties pour monter en flèche l'année prochaine, sur fond de budget déjà bien serré. Les céréales marquent en tous cas cette évolution en perspective. Les importations de blé tendre ne devraient en effet plus être, à partir d'octobre prochain, assujetties aux droits de douanes, selon de récentes déclarations d'Aziz Akhannouch, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime. Au-delà de l'effet d'annonce que devraient produire ces perspectives auprès des opérateurs locaux importateurs et négociants de céréales, elles devraient enfoncer davantage le clou des dépenses fiscales du royaume. Il faut savoir en effet que la facture des mesures fiscales dérogatoires à l'importation des céréales, se creuse dangereusement. Les exonérations appliquées à la vente à l'intérieur et à l'importation des céréales, sont en effet déjà passées de 104 MDH en 2010 à 105 MDH en 2011 et 2012 n'annonce rien de mieux. Aussi bien du côté de la Direction générale des impôts que du département de l'Agriculture, aucune estimation n'est certes encore disponible à ce propos. Néanmoins, il n'est nul besoin d'être devin pour savoir que ces efforts accrus attendus sur la libéralisation des importations de céréales, en l'occurrence de blé tendre, pèseront lourd sur la balance des dépenses fiscales de l'Etat. Ce sera le prix à payer pour conserver certains fondamentaux tarifaires, comme c'est le cas pour le pain commercialisé actuellement à 1,20 DH l'unité. L'augmentation attendue de ces dépenses fiscales ne devrait d'ailleurs pas être exclusive à la matière première. Les «dérivés» aussi Elle devrait déteindre également sur les produits de la première transformation. À s'y pencher de plus près, le rapport sur les dépenses fiscales de l'administration centrale de la Douane rapporte en effet la même tendance haussière de la valeur des exonérations sur les semoules, par exemple, passant de 45 MDH en 2010 à 46 MDH en 2011. Le constat est le même pour la vente à l'intérieur et à l'importation des farines, pour lesquelles les exonérations sont passées de 880 MDH en 2010, à 893 MDH une année après. Les exonérations concernant le pain, sont également en légère progression en valeurs selon le même rapport, ayant coûté au budget de l'Etat pas moins de 74 MDH en 2011. Le prochain rapport de la direction générale des Impôts, attendu habituellement à la publication au cours du prochain mois, devrait confirmer ces tendances. Sur fond de tension La crise de l'offre s'accentue en effet à l'international et ne contribue en rien à relâcher la pression sur les prix. Les cours du blé étaient hier à près de 33% plus chers que les niveaux enregistrés en janvier dernier, sur la place financière de Chicago. La Russie vient d'annoncer une importante revue à la baisse des prévisions de ses récoltes, exacerbant du même coup la pression sur l'offre internationale en céréales. Au Maroc, en tout cas, cette situation a eu pour répercussion immédiate de susciter de réelles «frilosité et réticence aux importations» auprès des importateurs, comme nous l'explique Bouhaib El Haddaj, le directeur exécutif de la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses (FNCL). Les deux premiers appels d'offres d'approvisionnement en blé tendre, sous des conditions douanières préférentielles, lancés par l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL) dans le cadre des ALE avec l'UE et les Etats-Unis, n'ont connu aucune soumission. Le ministère confirme les observations de la FNCL et parle alors de «prix de revient jugés moins compétitifs par rapport aux prix des blés offerts sur le marché local et compte tenu de leur disponibilité», afin de justifier cette absence d'offre. Pour rappel, les importations de céréales ont atteint un volume de 59 millions de quintaux (Mqx) à la fin de la dernière campagne de commercialisation. Ce volume est constitué à 49% par le blé tendre, à 29% par le maïs, ainsi qu'à 11% par le blé dur, lequel volume est en régression de 2% par rapport à la même date de la campagne précédente. En tête de peloton des fournisseurs du royaume, figure la France avec un peu plus de 33% du total des importations. Regain de tension sur le marché international La nouvelle a vite fait le tour des places financières internationales et laisse, de nouveau, cours aux spéculations excessives. La Russie, l'un des plus importants exportateurs de céréales à l'international, vient de confirmer qu'elle devra «considérablement» revoir à la baisse ses prévisions d'exportation cette année, au vu de la surchauffe qui prévaut déjà sur le marché mondial. Cependant, il ne s'agira que d'un rabaissement de volume, et non d'une interruption complète des exportations, comme ce fût le cas en 2010. Ces perspectives font suite à la prévision baissière des récoltes céréalières russes, attendues à 75 millions de tonnes, contre des prévisions qui tablaient essentiellement sur un volume de 94 millions, selon la presse financière étrangère. La Russie a été le sixième plus important fournisseur du royaume en céréales au terme de la campagne de commercialisation 2011-2012. Ce pays détient en effet près de 4% du total des importations du Maroc et est surtout présent sur le créneau du blé tendre, avec un volume d'un peu plus d'un million de quintaux. Toutefois, Il faut noter que les importations en provenance de ce pays non membre de l'UE, ne bénéficient évidemment pas du régime tarifaire préférentiel. Lire aussi : La transformation en baisse de règime