La situation des Marocains résidant à l'étranger est l'une des préoccupations des plus hautes autorités du royaume. En témoigne le suivi personnel par le roi de l'affaire des éléments de la sécurité et de la douane interpellés suite aux fréquentes plaintes des MRE pour les tracasseries qu'ils subissent habituellement lors de leurs passages aux postes frontaliers. La semaine dernière, sous la présidence du chef de gouvernement, le ministère en charge de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, a organisé la traditionnelle journée nationale des MRE. Un important rendez-vous qui a réuni plusieurs départements ministériels, dont celui des Affaires étrangères. Celui-ci a été l'occasion pour les participants de plancher sur de nombreuses questions touchant directement cette frange importante de la population. Cinq thématiques ont ainsi fait l'objet de discussions lors des ateliers tenus à cet effet. Des problèmes liés à la gestion consulaire, à ceux relatifs à l'immobilier, en passant par les questions d'investissements, d'ordre juridique, et de services administratifs et douaniers, les panélistes ont essayé de dégager des solutions avec la participation de représentants de la communauté marocaine résidante à l'étranger. Faciliter l'interaction Le choix de ces thématiques se justifie par la récurrence des requêtes adressées aux autorités par les membres de la diaspora. Le ministère des MRE indique avoir reçu, pour le seul premier semestre de l'année en cours, pas moins de 1.820 plaintes adressées par les membres de la diaspora, et portant sur des questions juridiques. Les ateliers animés lors de cette journée ont permis d'apporter des réponses et d'éclairer sur certaines mesures prises par les différents services de l'administration afin de faciliter l'interaction avec ces Marocains de l'extérieur. Une communauté qui, selon les estimations des services consulaires marocains en 2010, avoisinait les 3,8 millions d'individus. En parallèle, officieusement, la diaspora marocaine éparpillée à travers le monde tourne autour de 5 millions de personnes, concentrées essentiellement dans le Sud-Ouest du vieux continent, mais aussi en Amérique du Nord et dans certains pays arabes. Cela dit, les problèmes des Marocains résidant à l'étranger vont au-delà des questions soulevées dans le cadre de cette dernière édition de la journée des MRE. En effet, les difficultés liées au transport (maritime et aérien), à la participation effective des expatriés à la vie politique, mais aussi, au gap générationnel qui se fait de plus en plus sentir, ainsi que la cacophonie notoire entre le ministère de tutelle et le CCME (Conseil de la communauté marocaine à l'étranger) constituent autant d'autres préoccupations pour les membres de cette communauté. Le transport, un véritable casse-tête Plus récurrente est l'équation du transport. «Figurez-vous, notre compagnie nationale nous vend un billet Paris-Agadir à 700 euros (environ 7.700 DH). Pensez-vous qu'un père de famille avec ses trois enfants puisse se permettre de se payer le luxe de prendre l'avion avec de tels tarifs ?», s'indigne Fkire Salem, président de l'association Cap Sud MRE, joint par Les Echos quotidien. «Le prix des billets reste très élevé», fustige-t-il, non sans appeler à une baisse des tarifs appliqués par la RAM, dans ce contexte de décrochage de certaines compagnies low-cost sur la destination Maroc. Pour Fkire Salem et la plupart des MRE, c'est la voie terrestre qui constitue désormais le moyen le moins cher de rallier le Maroc depuis le Sud de l'Europe et ceci malgré certains désagréments, ayant trait notamment, à la traversée du détroit de Gibraltar en bateau. Le bateau justement, autre moyen de liaison, source de nombreux couacs. Là aussi, les prix du billet sont «exagérés», de l'aveu même de hauts responsables marocains, notamment du précédent ministre en charge des MRE, Mohamed Ameur. Les compagnies marocaines et espagnoles opérant sur ces liaisons sont même très souvent pointées du doigt par le Conseil espagnol de la concurrence (CNC). En plus de leurs tarifs prohibitifs, elles sont en effet accusées d'appliquer une politique d'entente sur les prix. En 2011, la CNC espagnole avait condamné la plupart de ces compagnies à une amende record de 16,3 millions d'euros. Seulement, du côté marocain, on attend encore de voir des mesures concrètes, pour rappeler ces armateurs à la raison. En dehors des tracasseries des agents de sécurité et de la douane, la cherté du prix du billet de bateau constitue une autre épine dans le pied des autorités marocaines. Circuler plus Sans parler de la lancinante requête des MRE de pouvoir enfin passer plus de temps au Maroc avec leurs voitures en provenance de leurs pays d'accueil. La loi actuelle limite à 6 mois le séjour des véhicules touristiques étrangers sur le territoire. Pour certaines associations des Marocains résidant à l'étranger, les autorités peuvent faciliter la tâche aux émigrés en rallongeant ce délai, voire en permettant aux propriétaires de véhicules de s'acquitter tout bonnement d'une vignette pour ainsi pouvoir circuler au Maroc sans contraintes temporelles. «Nombreux sont nos compatriotes qui souhaiteraient venir au Maroc plus fréquemment, mais en raison de cette limitation, ils ne peuvent rentrer qu'une seule fois dans l'année car autrement, cela deviendrait trop coûteux», précise le président de Cap Sud MRE. Vie politique Il est un autre grand dossier qui est celui du vote des Marocains de l'étranger, ainsi que de leur participation à la vie politique. Bien que l'article 17 de la Constitution approuvée en juillet 2011 prévoit que les «Marocains résidant à l'étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d'être électeurs et éligibles», la loi organique devant clarifier les modalités d'application de cet acquis constitutionnel se fait encore attendre. «Nous attendons l'ouverture du débat au sein de la commission de l'Intérieur», renseigne Nezha El Ouafi, députée du PJD à la Chambre des représentants, et très active sur les questions en rapport avec la condition de la diaspora marocaine. La parlementaire espère que cette loi verra le jour au courant de l'année 2013, tout en souhaitant que d'ici là, «le CCME, en tant qu'organe consultatif, fasse une proposition afin d'encadrer le travail au niveau du Parlement». Quant aux associations, elles indiquent «garder espoir» car, rappellent-elles, «les partis de l'actuel majorité gouvernementale ont été les seuls à nous soutenir dans notre lutte pour octroyer aux Marocains du monde le droit de vote et d'éligibilité». Abdelatif Maâzouz, Ministre chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger. «Le recul du pavillon marocain pose problème» Les Echos quotidien : Pouvez-vous revenir avec nous sur les principales retombées de la Journée nationale des MRE qui vient de se tenir ? Abdelatif Maâzouz : Proximité et échanges ont été les maîtres mots de cette journée. Ainsi à Rabat, nous avons convié le fisc, la douane, les banques etc.... afin qu'avec cette célébration du 10 août, les MRE présents avec nous ce jour là, puissent résoudre certains de leurs problèmes. À préciser que ce schéma a été reproduit à l'échelle du royaume, la totalité des provinces ayant reçu les MRE durant cette journée. Nous les avons également écoutés au travers d'ateliers et cela nous a permis de mieux identifier les problèmes spécifiques. Ainsi nous pourrons mieux aider à l'avenir nos compatriotes. Les MRE se plaignent toujours des difficultés liées au transport maritime, notamment la cherté des prix. Qu'est-ce qui a concrètement été fait jusqu'à présent pour résoudre cette lancinante question ? C'est une plainte que j'ai également entendue à plusieurs reprises. Il est évident que le recul du pavillon marocain pose un problème non seulement économique mais également national. C'est pourquoi, nous suivons de près cette affaire et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens résidant à l'étranger. Signalons cependant que certaines compagnies maritimes ont joué le jeu, des baisses de tarifs ayant été signalées ici et là. Ils ont compris qu'il ne faut pas effrayer une clientèle déjà durement affectée par la crise. Quant au transport aérien, le début 2012 a marqué un tournant dans la vie du secteur, plusieurs low-cost se sont retirés du marché, dans le même temps la RAM a dû supprimer plusieurs lignes déficitaires. Confrontée à une crise et en pleine restructuration, la compagnie nationale fait ce qu'elle peut, mais je peux vous assurer que la porte du dialogue est constamment ouverte entre mon département et la royal Air Maroc et ils sont à l'écoute. Par ailleurs, nous avons proposé des solutions concrètes aux associations de MRE, nous attendons leur feed-back. La participation effective des MRE à la vie politique nationale reste encore faible. Comment comptez-vous changer la donne et quelles mesures avez-vous pris dans ce sens ? Nous ne pouvons pas nous priver de cette part du Maroc, courageuse, laborieuse qui est ouverte au monde. Ces hommes et ces femmes ont leur mot à dire sur l'avenir de notre pays, eux qui le soutiennent si fort. La participation est donc actée par la loi fondamentale, reste maintenant à en préciser les modalités.