Pas de vacances pour les ministres du gouvernement ! C'est la décision prise par son chef, Abdelilah Benkirane. «Il s'agit d'une mesure générale qui s'applique, en principe, à tous les ministres», nous a confirmé le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi. Le gouvernement n'a pas encore dévoilé tous les détails de la question qui relève de la primature, mais les contours de ces vacances ajournées ainsi que les détails y afférents seront officiellement présentés, aujourd'hui, au sortir du Conseil du gouvernement. Ce qui est sûr, c'est que Benkirane a d'ores et déjà averti sa troupe. Les principales motivations de cette décision assez spéciale du chef de gouvernement ne font pas mystère au vu des dossiers urgents qui se sont entassés pour les différents ministres. Certains d'entre eux, parmi les prioritaires, nécessitent, en effet, un suivi régulier et permanent en attendant leur validation et leur mise en œuvre effective. Une raison valable, donc, pour l'équipe gouvernementale d'ajourner ses vacances pour «rendre service à la nation». Surtout que cette année, la période estivale coïncide avec le mois sacré de ramadan. Autant dire que ce sera un été «surbooké» pour Benkirane et Cie. Le temps ainsi récupéré grâce à ces heures, ou disons, ces journées et même ces semaines supplémentaires, servira donc à l'équipe pour continuer à travailler sur les dossiers en instance. En plus de la gestion des affaires courantes et quotidiennes, c'est le dernier virage, en effet, pour l'exécutif avant d'entamer la mise en œuvre des engagements pris tant durant la campagne électorale qu'au moment de sa prise de fonction. Jusque-là, le gouvernement a pu, autant que faire se peut, trouver refuge à travers la gestion transitoire propre à toute nouvelle entrée gouvernementale, mais également au lancement de concertations tous azimuts avec les différents partenaires, pour proroger son délai de grâce. Il va sans dire que Benkirane sait que les citoyens marocains attendent de voir le changement et les résultats des concertations avec les partenaires. L'espoir est de prédéfinir, à partir de ces grandes lignes, les grands axes de la marque gouvernementale qui a eu, largement, le temps de s'installer et de s'imprégner de certains dossiers qui ne sauraient attendre. Surtout qu'à certains niveaux, le gouvernement a accusé un sérieux retard qu'il va falloir combler, et pour d'autres, a promis les premières mesures pour juin ou septembre. Rythme gouvernemental Si la préparation de la prochaine loi de finances constituera l'un des dossiers sur lesquels va être axé le travail gouvernemental, en cette période et en prélude à la session budgétaire d'octobre, le gouvernement est aussi attendu sur beaucoup de dossiers. Parmi ceux qui sont susceptibles de sortir des tiroirs, les différentes réformes annoncées. Qu'il s'agisse de la caisse ou du système de compensation, de la réforme fiscale ou des retraites, le temps presse pour le gouvernement qui doit valider certains textes pour espérer les inscrire dans le cadre de la préparation de la loi de finances 2013. Tout cela dans un contexte assez particulier, au vu de l'état dans lequel végète l'économie du pays dans une conjoncture assez particulière. Ajouté à tout cela, l'impact de certaines décisions prises par le gouvernement comme la hausse du prix des carburants, qui nécessite un suivi quotidien, avec la menace de la hausse des prix pour certains produits de base ou du transport, par exemple. Le gouvernement qui a promis des mesures d'accompagnement pour plusieurs secteurs devra veiller au grain et plancher sur plusieurs arbitrages afin de parer à toute tension sociale. Pour plusieurs volets, c'est toute une panoplie de textes qui sont en examen au sein du gouvernement, avant leur transmission au Parlement. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, le gouvernement a enfin balisé son agenda législatif pour disposer d'une certaine visibilité par rapport à la suite à donner à certains dossiers. Selon le ministre d'Etat, Abdellah Baha, «le plan législatif est prêt avec pour chaque projet ou dossier, un délai d'adoption». Le bras droit d'Abdelillah Benkirane a ajouté que l'agenda se trouve, désormais, entre les mains du chef de gouvernement à qui revient d'instruire les dossiers en fonction de leur pertinence et de l'opportunité de la période. Ce qui suppose un travail intensif à prévoir non seulement pour le Parlement mais aussi pour d'autres institutions comme l'administration centrale et le patronat, qui devront s'adapter au rythme gouvernemental. Reste à savoir qui payera «ces heures sup»? Certainement, les vacances 2012 seront tout sauf des vacances, c'est aussi ça le changement ! Sur le gril... Elections communales et régionalisation Visibilité réduite S'il y a un domaine où le gouvernement a plus que prêché par laxisme, c'est bien dans celui relatif à la poursuite de la mise en œuvre de la nouvelle Constitution. Après l'adoption de ce texte, les élections législatives et l'installation du gouvernement, c'est en principe les élections communales et la régionalisation avancée qui devront suivre. Or, depuis son arrivée, le gouvernement Benkirane n'a absolument pas pu faire bouger les choses. Simple illustration: les élections locales ont été ajournées à 2013, selon les dernières déclarations du chef de gouvernement, alors même que depuis le début de l'année, on les annonçait pour, au plus tard, la fin de l'année, comme cela a été fixé dans l'échéancier établi par le souverain, dès l'amorce des réformes politiques. En ce qui concerne la régionalisation, c'est le stand by total et ni le rappel des partis politiques, ni les mises en garde des collectivités locales, notamment, de l'Association des régions du Maroc (ARM), n'ont pu faire bouger les choses. Selon les dires du gouvernement, les préparatifs pour les élections locales sont en cours au niveau du ministère de l'Intérieur et une trentaine de lois devront servir de base de consultation avec les partis politiques. Le report des élections s'est fait en l'absence de toute concertation politique, comme en témoigne la dernière sortie du RNI, qui «s'est dit étonné de ce report». L'enjeu, à ces deux niveaux est pourtant assez important, tant pour le Maroc que pour le PJD, en perspective des communales et du renouvellement de la seconde Chambre où le parti de Benkirane ne dispose, indirectement, que d'un seul conseiller. Autant dire que le gouvernement n'a pas le choix et devrait s'atteler à l'organisation des futures échéances électorales, ainsi qu'à relancer le chantier de la régionalisation. Justice, gouvernance et climat des affaires Mode d'emploi SVP ! Mustapha Ramid, le ministre de la Justice et des libertés, est en pleine consultation dans le cadre du dialogue national sur la réforme de la justice, lancée sous l'impulsion royale. L'instance créée à cet effet s'est donnée trois mois pour boucler son objectif, ce qui suppose qu'un travail assidu doit être fourni durant les vacances et le ramadan. L'enjeu à ce niveau est également de taille et transcende plusieurs autres départements, dont celui délégué aux affaires économiques et à la gouvernance. Mohamed Najib Boulif, le ministre chargé des Affaires générales et de la gouvernance, a pris des engagements au nom du gouvernement, pour continuer sur la lancée de l'amélioration du climat des affaires. Les investisseurs, les partenaires financiers et le patronat sont encore dans l'attente. Sont également attendues les premières mesures sur le chemin de la promotion de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Loi organique de finances et LF 2013 Le tournant décisif C'est l'un des dossiers sur lesquels le gouvernement est très attendu. Benkirane et Cie ont bien su user du prétexte d'une loi de finances déjà préparée par le gouvernement précédent pour justifier l'absence de modifications significatives à apporter par leurs soins à celle actuellement en vigueur. À présent, le gouvernement devra s'atteler à la tâche et dévoiler les premières mesures du «changement» annoncé. Le chef de gouvernement a eu beau avancer «qu'il a été élu pour cinq ans», c'est maintenant qu'il faudrait préparer le bilan. La prochaine loi de finances sera 100% Benkirane et les annonces du gouvernement, tant sur le plan économique que social, devront voir le jour en 2013. En effet, c'est au courant de ce mois que commencent les premières consultations et les vacances sacrifiées permettront certainement de valider la loi de cadrage, très attendue par les opérateurs pour déceler les grands axes de la LF 2013. Cela surtout que la nouvelle loi organique, un dossier qui semble plus avancé, est sur les rails. La session budgétaire d'octobre, c'est pour bientôt, en tout cas. Entre la gestion de la situation assez difficile de l'économie nationale et l'intégration des mesures promises aux opérateurs des différents secteurs, le gouvernement a du pain sur la planche. C'est en tout cas, le dossier qui retiendra le plus les attentions, tant pour le mois de ramadan que pour le reste de l'année. Dialogue social Repartir sur de nouvelles bases Depuis le dernier round, suite auquel certaines centrales syndicales ont décidé de se retirer pour absence de résultats et divergence de priorités, les grèves ont repris ces derniers temps au niveau de plusieurs secteurs, comme la santé, et d'autres risquent de suivre, ou disons de reprendre, si l'on tient compte de l'UNTM au niveau de l'Intérieur. Justement, c'est durant ce mois que le gouvernement pourra enfin satisfaire l'une des principales revendications des centrales syndicales. Il s'agit de la mise en œuvre de la deuxième partie de l'accord signé le 26 avril 2011. Ce qui suppose que le gouvernement a enfin liquidé l'héritage d'El Fassi. C'est donc l'heure de passer à la nouvelle approche déclinée par le gouvernement. Après le travail effectué par le patronat avec les partenaires sociaux, le gouvernement a de quoi user pour faire revenir toutes les centrales syndicales à la table des négociations, et le mois sacré de ramadan est assez propice à cela. Agriculture, transport et tourisme En attendant la cure Le gouvernement ne pouvait s'attendre à pire scénario : la mauvaise campagne agricole impactera durablement la croissance de l'économie nationale. Ce n'est plus une crainte, mais un constat après la publication, en début de semaine, des estimations de la production de la campagne en cours. Le gouvernement est donc appelé à venir à la rescousse des agriculteurs, mais également des consommateurs en s'attelant à atténuer l'impact pour les premiers et pour les seconds, à assurer un approvisionnement normal des carburants. On comprend toute l'effervescence au niveau du département de l'Agriculture pour recadrer la stratégie sectorielle, un engagement qui s'illustre par la volonté du gouvernement de retoucher enfin à la fiscalité du secteur. Autre impact de l'augmentation des prix des carburants, la réforme du secteur des transports est devenue plus qu'une nécessité et le responsable de ce département est sur le qui-vive. Après la santé, la politique de la ville ou la justice, c'est à son tour de passer en Conseil de gouvernement. Hier, Abdelaziz Rabbah a exposé les grandes lignes de sa vision à ses pairs du gouvernement et devrait engager les premières véritables consultations avec les opérateurs dès le mois prochain, pour espérer voir les lois annoncées prendre forme avant la fin de l'année en cours. Un autre secteur qui nécessitera une attention quotidienne du gouvernement, est le secteur du tourisme. Déjà confronté à de multiples difficultés liées à la crise économique internationale, l'été 2012 ne s'annonce pas sous des couleurs rayonnantes. Même si jusque-là, la casse évite le fait que la période estivale coïncide avec l'été, et complique le marketing auprès des touristes étrangers. Il reste à compter sur le tourisme interne qui montre un réel potentiel avec le lancement de Kounouz Biladi. La promotion devrait donc s'intensifier tout au long de la période des vacances, surtout avec l'arrivée des MRE. Repassez plus tard Messieurs ! Au vu des textes en préparation au niveau du gouvernement, qui devront par la suite atterrir au Parlement, il est fort à parier que certains textes déjà déposés ou sur la voie de l'être, risqueront d'attendre. Même si pour certains textes, comme celui relatif à la loi sur les marchés publics, le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de laisser la machine législative tourner. La prochaine session budgétaire qui ne pourrait excéder deux mois, ne suffira pas à faire tout adopter. À ce jeu, ce sont forcément certaines propositions faites par les parlementaires qui risqueront de passer à la trappe, en attendant les prochaines sessions. Un autre aspect qui aurait dû, à défaut, animer les débats durant cette période estivale, concerne les débats sur certains dossiers chauds comme les libertés sexuelles ou le cahier des charges des médias publics. Etant donné les priorités et l'urgence pour le gouvernement, la société civile et les partis politiques qui se préparent à une levée des boucliers avec le gouvernement, risqueront de temporiser leurs ardeurs ou tout au moins, de reporter les débats à la rentrée. Avec tous les dossiers chauds qu'elle a sur le gril, l'équipe Benkirane aura en effet du mal à jouer sur plusieurs fronts. Pour tout dire, le gouvernement cristallisera toutes les attentions durant ces vacances, assez particulières, à moins que le congrès de l'USFP, prévu pour septembre et l'épilogue de celui de l'Istiqlal, ne lui ravissent la vedette. Parlement, patronat et administration centrale, des victimes collatérales Le gouvernement ne sera pas en vacances et on imagine qu'il en sera de même pour son relais administratif. L'administration centrale tournera donc au même régime que l'équipe gouvernementale, ce qui augure de vacances studieuses à Rabat. Toutefois, la plus grande victime collatérale de cette décision du gouvernement sera, assurément, le Parlement. L'institution législative sera appelée une fois encore à prolonger sa session même si, en principe, celle-ci ne doit pas excéder 4 mois. C'est surtout les commissions permanentes qui seront surchargées durant l'inter-session. Le gouvernement pourra éventuellement recourir aux dispositions constitutionnelles comme la loi d'habilitation pour valider certains textes, parmi ceux qui s'avéreront des plus urgents. D'ailleurs, l'année dernière, le Parlement a siégé presque tout le reste de l'année et a poursuivi ses travaux depuis le début de celle en cours. Il est vrai qu'il y avait une circonstance assez exceptionnelle, avec la préparation des dernières élections et l'installation du nouveau gouvernement. Dans le sillage de ceux qui se verront obligés de se conformer au rythme gouvernemental, il y a le patronat et ses différentes fédérations sectorielles. Les concertations se poursuivent en effet durant les vacances, en vue de préparer les propositions à soumettre au gouvernement dans le cadre de la vaste série de réformes envisagées. D'ailleurs, c'est déjà l'effervescence à la CGEM, avec l'arrivée de la nouvelle équipe dirigeante, qui doit certainement remanier les propositions déjà validées par l'équipe Horani. La preuve en est que MIriem Bensalah a déjà suivi les traces de Benkirane en annonçant également l'ajournement des vacances pour son équipe.