Le gouvernement osera-t-il toucher au prix du gaz ? Plus de deux semaines après la décision de relever les prix des hydrocarbures, les spéculations vont en effet bon train sur l'ampleur de la réforme de la compensation que le gouvernement a promis pour la fin de l'exercice et l'impact qu'elle devrait avoir sur les prix. Au même moment, la polémique n'a pas encore perdu de son ardeur et l'équipe Benkirane continue de faire face à la plus grosse grogne depuis son accession au pouvoir. Pourtant, avec 1 DH de hausse sur le prix du gasoil, 2 DH sur ceux de l'essence, le gouvernement n'a pas encore touché au produit qui risque de faire le plus jaser la société civile. De tous les produits subventionnés aujourd'hui, c'est bel et bien le gaz butane qui rend encore plus compliquée la réforme de la Caisse de compensation. C'est d'ailleurs là l'un des points les plus évoqués à chaque fois que l'Exécutif tentait d'expliquer les raisons du relèvement des prix à la pompe. «Si nous avons touché aux prix du carburant, nous avons en revanche maintenu les prix du gaz à leur niveau pour, justement, ne pas altérer le pouvoir d'achat des Marocains. Pourtant, tout comme le carburant, la subvention profite aujourd'hui plus aux riches qu'aux pauvres», insistait il y a quelques semaines Abdelilah Benkirane, lors de son passage sur les chaînes du pôle public. Pourtant, les débats qui courent depuis deux jours offrent bien à Benkirane un avant-goût de ce que seront les réactions à un «ajustement», qui viendrait à être opéré sur la partie butane de la compensation. L'on parle en effet de hausse opérée par les distributeurs du gaz butane sans décision officielle aucune, mais en lien avec la répercussion de la hausse du prix du gasoil par les transporteurs. Rumeurs, rumeurs Cette hausse, néanmoins, est totalement réfutée par les professionnels. «Aucun distributeur n'a procédé à l'augmentation des prix du gaz», affirme Mohamed Benjelloun, président de l'association interprofessionnelle des dépositaires du gaz au Maroc. Pourtant, l'on a parlé d'augmentations qui varieraient entre 1 et 3 DH seraient dues à la hausse des tarifs des transporteurs qui ont répercuté celle du prix du gasoil. Ce qu'infirme catégoriquement l'association des dépositaires du gaz qui précise qu'il s'agit là d'une très mauvaise interprétation de la réunion tenue la semaine dernière avec le gouvernement, suite à la hausse des prix des carburants (www.lesechos.ma). Durant cette réunion, il a été convenu que les professionnels réalisent une étude avant de soumettre leurs doléances au gouvernement. À ce niveau, il faut souligner que l'association a déjà mené d'autres études relatives aux petits et moyens distributeurs, dont les conclusions font ressortir un grand déficit pour les entreprises du secteur. Aujourd'hui, les distributeurs demandent une augmentation de leur marge bénéficiaire, qui n'a pas bougé depuis 1998. «Au regard de l'évolution du secteur, même une hausse de 10DH n'est pas suffisante aujourd'hui, mais nous sommes pour un juste équilibre qui pourrait satisfaire aussi bien les professionnels que les clients et le consommateur final». Cela étant, les charges ont augmenté avec la hausse des prix du pétrole et celles des salaires (SMIC), ce qui aurait eu comme impact le rallongement des délais de paiement. «Nous avons déjà saisi le gouvernement en 2005 pour l'avertir de la situation du secteur. Aujourd'hui, nous lançons les négociations avec le gouvernement de Benkirane tout en espérant qu'il ne fera pas la sourde oreille», souligne Benjelloun. Du côté des centres emplisseurs, les marges n'ont pas non plus changé «depuis plus de 15 ans». Ceci sans oublier que les charges ont augmenté, notamment celles relatives à l'approvisionnement primaire (c'est à dire le butane vrac, lorsqu'il est transporté du terminal jusqu'au centre emplisseur). «Ces charges ont augmenté ces dernières années, suite notamment à l'inflation et à la hausse des tarifs du transport sans que les emplisseurs n'aient répercuté cette augmentation sur leurs clients», note le directeur commercial d'un centre d'emplissage. Pour rappel, le secteur distribue plus de 2 millions de tonnes de GPL conditionné (Butane et propane) dont 93% de butane qui est un produit subventionné. Néanmoins, il faut bien rappeler que cette subvention est parfois détournée au profit de certains industriels et agriculteurs qui utilisent le gaz butane à la place du gasoil et de l'électricité. «Il y a également des distributeurs qui achètent le gaz subventionné pour des régions lointaines à des prix avantageux mais qui le revendent à Casablanca ou dans des régions toutes proches de la métropole. Ce qui leur fait une bonne marge de bénéfice au détriment de la trésorerie de l'Etat», révèle Mohamed Mitali, président de l'Union des fédérations nationales des conducteurs et des professionnels du transport. Qui en profite réellement ? C'est donc là que se pose réellement la question dans le secteur. Suffit-il de supprimer la subvention du gaz butane ou alors le gouvernement Benkirane devra-t-il s'armer, au contraire, de grand courage et orienter ces aides de manière efficace. Il faut savoir que le plus problématique dans la réforme de la compensation du gaz butane est justement le fait que plusieurs activités économiques en font l'usage. Cela représente, de l'avis de plusieurs analystes, le coeur du déreglement de la compensation. «Pour soutenir les opérateurs, il fauit faire le choix d'autres modes. La Caisse de compensation a ses propres cibles», exprime cet économiste. Et d'ajouter qu'il serait d'autant plus judicieux de soutenir des activités économiques en soutenant, au contraire, l'implémentation de sources d'énergies renouvelables, le gaz butane subventionné demeurant, dans cette configuration, dédié aux couches défavorisées.