Quatre ans et demi après leur installation dans le cadre de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, les conseils régionaux ne sont pas encore parvenus à exercer pleinement leurs compétences. L'expérience montre que plusieurs obstacles freinent leur action. Aussi est-il grand temps de passer à l'action pour rectifier le tir. C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de loi du groupe du PAM qui vient d'être transférée à la Commission de l'Intérieur à la Chambre des représentants. Le texte vise à améliorer la gouvernance en matière de gestion des conseils régionaux. En tête des priorités: la limitation de la tutelle sur ces collectivités territoriales. Mais les députés ne vont pas jusqu'au bout de leur «plaidoyer», qui figure dans la note de présentation du texte. La révision de la loi s'impose L'article 4 de la loi organique relative aux conseils régionaux stipule que les régions occupent une place prépondérante et adoptent les principes de libre administration et de solidarité interrégionale. Sauf que ces principes ne sont pas définis pour que «les régions puissent exercer leurs attributions de manière libre, sans tutelle ou intervention dans leurs affaires conformément aux dispositions de l'article 136 de la Constitution». Pour les députés du PAM, un certain degré de tutelle pourrait, certes, être encore nécessaire pendant la phase d'expérimentation. Cependant, la manière avec laquelle la tutelle a été mise en place limite «l'ambition constitutionnelle en matière de construction de la régionalisation avancée» ainsi que l'ampleur du principe de libre administration. En effet, la mise en œuvre de nombre de décisions de la région et de son président reste tributaire, selon l'article 115 de la loi organique, du visa de l'autorité gouvernementale chargée de l'intérieur. Il s'agit de la délibération relative au programme de développement régional, de la délibération relative au schéma régional d'aménagement du territoire, de la délibération relative à l'organisation de l'administration de la région et fixant ses attributions, des délibérations relatives à la gestion déléguée des services et des ouvrages publics régionaux, des délibérations relatives à la création des sociétés de développement régional, des délibérations ayant une incidence financière sur les dépenses et les recettes, notamment la fixation des tarifs des taxes, des redevances et droits divers et la cession des biens de la région et leur affectation ainsi que de la délibération relative aux conventions de coopération décentralisée et de jumelage que la région conclut avec les collectivités locales étrangères et avec des acteurs en dehors du royaume. À cela s'ajoutent les délibérations du conseil relatives au budget, aux emprunts et aux garanties. Toutes ces décisions ne sont exécutoires qu'après visa de l'autorité gouvernementale chargée de l'Intérieur ou l'expiration du délai de réponse. «Cela affaiblit le principe de l'administration libre», souligne-t-on. Bien qu'ils estiment que ses dispositions affaiblissent la gestion des conseils régionaux, les députés du parti du tracteur ne demandent pas pour autant l'amendement de l'article 115 dans sa globalité. Ils se contentent uniquement de proposer la suppression des délibérations relatives à l'organisation de l'administration de la région, fixant ses attributions, de la liste des décisions nécessitant l'accord de l'autorité gouvernementale chargée de l'Intérieur. Le texte vise aussi à amender l'article 35 qui stipule que le règlement intérieur du Conseil n'est exécutoire qu'après approbation du wali. Aussi est-il proposé de supprimer cette tutelle tout en laissant la possibilité pour le wali de présenter un recours devant la justice. La proposition de loi tend, par ailleurs, à «améliorer la gestion du conseil» et à renforcer ses attributions ainsi que celles du président en lui permettant de représenter la région devant la justice et d'ester en justice pour défendre les intérêts de la région. Dysfonctionnements à la pelle Il est à noter qu'outre la question de gouvernance de la gestion des conseils régionaux, nombre de freins ralentissent encore la mise en œuvre de la régionalisation avancée qui accuse un retard abyssal. Tout le monde s'accorde sur la nécessité de passer à la vitesse supérieure notamment en matière d'attribution des compétences propres, partagées et transférées conformément aux dispositions juridiques. L'année 2020 devra être celle de l'accélération de la cadence de mise en œuvre de ce processus. On s'attend à un coup d'accélérateur de ce chantier après la tenue des premières Assises nationales de la régionalisation en décembre 2019, qui ont connu la signature d'un cadre méthodologique définissant les compétences prioritaires à mettre en œuvre. Rappelons à cet égard que, pendant longtemps, aucun calendrier des étapes par lesquelles les régions doivent passer dans l'exercice de leurs compétences n'avait été fixé. Des concertations ont été menées entre les présidents de région et le ministère de l'Intérieur pour l'élaboration d'une charte des compétences qui permettra, dans un premier temps, d'activer le transfert des compétences propres des régions avant de passer à la concrétisation des autres attributions. Le texte a été finalisé avant l'adoption de la Charte de la déconcentration, mais devait être revu à la lumière des schémas directeurs de la déconcentration qui précisent non seulement les compétences à transférer aux administrations régionales, mais aussi aux conseils régionaux. Il faut dire que la déconcentration administrative est le corollaire du chantier de la régionalisation avancée. Elle est en effet déterminante pour la réussite de la mise en œuvre de la régionalisation. Le frein des ressources humaines Le transfert des compétences, à lui seul, ne permettra pas de mettre sur les rails la régionalisation avancée. Les conseils régionaux doivent passer par la case du recrutement des ressources humaines compétentes en vue de permettre aux régions d'activer efficacement l'exercice de leurs compétences. Sur le volet du financement, des actions sont à entreprendre pour accompagner ce chantier structurant. Le transfert des compétences doit se faire parallèlement au transfert des financements. Les régions sont aussi appelées à innover en matière de mobilisation des financements et de diversification de leurs ressources pour la mise en œuvre de leurs plans de développement. Démocratie participative à activer Il reste également à activer la démocratie participative au sein des conseils régionaux et à améliorer l'action des instances créées à cet effet. Or, jusque-là, ce volet n'a pas encore atteint les résultats souhaités, et de grands efforts doivent encore être déployés pour développer l'approche de concertation et la démocratie participative. Rappelons à ce titre que les régions sont tenues, en vertu de la loi organique les régissant, de créer des mécanismes de dialogue et de concertation en vue d'impliquer les citoyens et la société civile dans l'élaboration des plans de développement. Dans certaines régions, cette disposition reste encore lettre morte. Même dans la majorité des régions qui ont activé ce mécanisme, le fonctionnement des instances consultatives piétine.