À première vue, Nigel Kennedy ressemble plutôt à un musicien de rock. Son look psychédélique, sa coiffure et ses gestes vous donnent l'impression d'avoir affaire à l'un de ces membres déjantés des groupes de métal américains. Une impression vite dissipée lorsqu'il commence à jouer de la musique classique. Violoniste des temps modernes, Nigel Kennedy, invité de marque de cette 11e édition de Mawazine, s'est produit dimanche soir au Théâtre Mohammed V en compagnie de l'Orchestre symphonique royal, devant un public nombreux. Au menu de ce concert, qui restera remarquable, des morceaux de Bach et de Vivaldi. «J'adore Bach... Lorsque je joue Bach je pense automatiquement à mon professeur Yehudi Menuhin... c'est un hommage que j'ai envie de lui rendre ce soir à Rabat», a déclaré d'emblée le virtuose Nigel Kenndy. Juste après... la salle a plongé dans un silence quasi-religieux, les mélodies si harmonieuses jouées par Kennedy imposaient en effet le silence. En solo, sans aucune partition, l'artiste britannique plébiscité par les mélomanes à travers le monde, a impressionné l'assistance. Comme sur un nuage, le public a été transporté, dès les premières notes, dans un univers onirique. Vous l'avez bien compris, Nigel Kenndy a le don d'hypnotiser les spectateurs, de suspendre le temps... «C'est agréable de jouer avec un orchestre marocain », a affirmé Nigel qui n'a pas cessé tout au long du concert qui a duré presque trois heures de mettre en avant les membres de l'Orchestre symphonique royal. Démocratisons la musique classique Après avoir joué Bach et Vivaldi, Nigel Kenndy s'est éclipsé quelques minutes avant de revenir avec une tenue inattendue. Grand amateur du ballon rond, il a rendu un hommage appuyé à l'équipe britannique d'Aston Villa en mettant son maillot officiel. «Je sais qu'il y a des joueurs marocains qui ont joué pour ce club, notamment Mustapha Hadji», a-t-il précisé. Et puis, Nigel Kenndy s'est transformé en cette deuxième partie du spectacle en une véritable bête de scène, attaquant un autre répertoire, celui de la musique jazz, rock et celtique, avec toutefois une note classique. Il fait dire que Nigel Kennedy, qui a réussi à faire découvrir lors de cette soirée la musique classique à bon nombre de spectateurs, a toujours voulu démocratiser ce genre musical, le rendre accessible, populaire. Ses albums le prouvent d'ailleurs. Ses collaborations avec Paul McCartney, son interprétation très dynamique des Quatre Saisons de Vivaldi ou encore son album «The Kennedy Experience» sorti en 1999 où il rend hommage, à sa façon à Jimi Hendrix, font de l'enfant terrible de la musique classique un artiste original. «When Paths Meet», «Invaders », «The Hills of saturn», «Father & son», «A nice bottle of Beaujolais» , sont les chansons qu'il a interprétées avec une énergie incomparable, la même qui anime son archet. Parcourant la scène du Théâtre Mohammed V de long en large, Nigel Kennedy rompt avec l'immobilisme traditionnel des musiciens classiques. «Je ne suis pas particulièrement un grand amateur de la musique classique, mais j'ai beaucoup apprécié le concert de Kennedy. C'est la première fois que je vois un violoniste qui livre un show pareil...», nous confient des spectateurs. Bref, ce concert, pas trop médiatisé pourtant, a rassemblé un monde fou et surtout a permis au public marocain de découvrir l'un des violonistes les plus talentueux de notre temps. Un beau cadeau que Mawazine a offert aux festivaliers... Cheikh LO, Artiste sénégalais : «Il faut renforcer la collaboration Sud-Sud» Les Echos quotidien : Votre style musical est influencé par le reggae et par les rythmes soufis. Concrètement, comment peut-on le définir ? Cheikh Lo : À la base c'est de l'acoustique folk très influencé par les rythmes de la musique traditionnelle du Sénégal. Toutefois, j'ai décidé il y a longtemps de ne pas m'enfermer dans un style bien précis. Mon style est ouvert à tous les rythmes musicaux du monde. Je pense que c'est cette ouverture qui me permet aujourd'hui de me produire dans différentes régions du monde. Vous êtes l'un des disciples de la confrérie des Mourides très influente au Sénégal. Quelle est, à votre avis, la relation entre la musique et la religion ? Il s'agit d'une relation très étroite. Il y a des gens qui disent que la musique est «haram», chose que je n'ai jamais comprise. Le muezzin appelle à la prière avec une voix mélodieuse, les églises sont souvent équipées de piano... Ce sont des harmonies ! En un mot, la musique et le spirituel sont étroitement liés. Vous êtes sur la scène artistique depuis les années 1970. Et pourtant... vous ne comptez à votre actif que cinq albums... C'est simple, la maison de disques qui me produit depuis 1996, date de la sortie de mon premier album, adopte une stratégie claire visant à donner la chance à tous les artistes qui collaborent avec elle d'être présents sur la scène. La préparation donc d'un album peut prendre trois années, le temps que les autres puissent eux aussi produire. Sinon, je n'ai jamais apprécié le fait de sortir un album chaque année. Il faut prendre son temps et surtout bien préparer son album. Vous êtes ouverts à d'autres styles musicaux. Avez-vous pensé à sortir un album influencé par les rythmes gnaouis ? C'est une idée qui me tente beaucoup. Je pense qu'il faut renforcer davantage les relations entre nos deux pays. Cela permettra aux artistes du Maroc et du Sénégal de collaborer ensemble, de se nourrir mutuellement. Je pense là à des résidences artistiques, à des concerts animés par des artistes des deux pays... Nous avons besoin aujourd'hui de renforcer la collaboration culturelle Sud-Sud. INDISCRETIONS Le concert du virtuose Nigel Kennedy qui a eu lieu dimanche soir au Théâtre Mohammed V a drainé un public nombreux composé essentiellement de mélomanes. Le chef de l'Orchestre philharmonique du Maroc, Farid Bensaid était bien entendu de la partie. Il était installé près de Saâd Hassar qui a assisté au concert jusqu'à la fin. La Palmeraie Holding a sponsorisé une soirée organisée dimanche soir à Chellah en marge du festival. Une soirée où les conviés étaient principalement des hommes d'affaires. Mais qui a dit que la culture et le business ne sont pas compatibles. La presse panarabe est présente en force cette année à Mawazine. Des journalistes du Liban, d'Egypte et des pays du Golfe ont fait le déplacement pour couvrir le festival. Sans oublier la presse maghrébine (algérienne et tunisienne) qui n'a pas voulu manquer ce rendez-vous.