Malgré tous les efforts de sensibilisation, les citoyens sont peu enclins à faire don de leur sang. Le stock de sécurité de ces poches de sang atteint un niveau critique, soit 2 jours alors que la moyenne confortable est de 7 jours. Ce n'est pas nouveau mais la problématique commence à prendre une dimension inquiétante. La pénurie de sang dans les centres de transfusion sanguine est très mal vécue, non seulement par les patients mais également par le staff médical qui se trouve submergé par des demandes de plus en plus nombreuses. Il n'est pas rare que des complications voire des décès surviennent en raison du manque de ces précieuses poches qui donnent la vie mais dont la rareté pose plusieurs questions y compris sociétales. Contacté par Les Inspirations ECO, Dr Hind Zejli, responsable au Centre régional de transfusion sanguine de Casablanca estime que la situation frôle la catastrophe : «le centre a été construit dans les années 1980 pour la population de cette époque». Et la responsable d'ajouter qu'il y a eu une explosion des demandes de sang suivant le nombre des établissements de santé dont le nombre dépasse les 600 toutes spécialités confondues (hôpitaux, cliniques, les centres d'hémodialyses, etc). S'ajoute à cela l'amélioration notoire de l'espérance de vie, entre autres facteurs ayant augmenté la demande de sang de 23%. Il y a aussi de plus en plus de cancéreux et de personnes cardiaques ou insuffisants rénaux dont les traitements nécessitent beaucoup de sang. Parallèlement à cela, l'on constate une baisse de confiance du Marocain moyen dans le système de santé. Selon Dr Zejli, comparés à leurs parents, les jeunes ont de moins en moins confiance dans le système de santé. Ce qui se traduit par une réticence lorsqu'il s'agit de faire don de son sang. Combinés à l'hémorragie de personnel qualifié que les centres régionaux de transfusion connaissent, ces facteurs corsent encore plus la situation. Jointe par téléphone, Dr Najia El Amraoui, responsable communication et sensibilisation au Centre national de transfusion sanguine (Rabat) estime qu'il s'agit de l'une de ces périodes de pénurie qui coïncident avec le froid, les vacances scolaires ou la saison estivale. Ce sont, selon elle, des périodes creuses où le don de sang est à son niveau le plus bas. Certes, le taux de don de sang au Maroc est passé de 0,51% en 2009 à 0,95% aujourd'hui mais la culture du don est encore à ses balbutiements. L'OMS situe le taux moyen requis entre un minimum de 1% et un maximum de 3%. Le Maroc est encore en deçà de ce taux minimum à cause notamment de la non régularité des donneurs. Ces derniers étaient 330.000 en 2019 mais si ces mêmes donneurs ont fait don de leur sang au moins deux fois par an, l'on aurait aisément dépassé le 1%. Ceci étant, un homme de 18 à 65 ans peut faire don de son sang tous les deux mois contre 3 mois pour la femme. La sensibilisation et l'engagement de la société civile restent, par ailleurs, insuffisants. En effet, alors qu'en France, par exemple, l'on compte plus de 2.000 associations spécialisées dans la sensibilisation au don de sang, ce nombre ne dépasse guère les 66 associations (alliances et fédérations) au Maroc. S'ajoute à cela, explique Dr El Amraoui, le nombre très insuffisant du personnel médical qui ne dépasse guère 450 personnes dispatchées entre les 18 centres régionaux de transfusion sanguine, les 24 banques de sang et 13 centres de stockage. Plus encore, il y a un phénomène de migration des patients des villes du nord vers le centre de Rabat et ceux du sud vers celui de Casablanca. Cette pression sur les grandes villes se traduit par une sortie quotidienne dans le seul centre de Rabat de 250 poches de sang et d'un peu plus dans celui de Casablanca. Souvent, le stock de sécurité de ces poches de sang arrive à son niveau critique qui est de 2 jours alors que la moyenne confortable est de 7 jours. Quelle communication adopter ? Une opération de don de sang dure en moyenne entre 8 et 15 mn. Que ce soit dans les centres de transfusion sanguine ou dans les unités modulaires qui sillonnent les villes, cet acte ne prend pas beaucoup de temps mais son impact peut être décisif pour la vie d'une personne. Aujourd'hui, malgré la sensibilisation et les opérations saisonnières auprès de la population, le don de sang n'est pas encore ancré dans les mœurs des Marocains. Ce désengagement touche, en effet, plusieurs aspects de la vie en société et mérite une réflexion commune pour en extraire les causes et trouver les solutions adéquates. Peut-être aussi parce que la communication et la sensibilisation autour de ce sujet gagneraient à changer leur fusil d'épaule pour être plus percutantes comme ce fut le cas pour les accidents de la route. Serait-il temps d'agir sur l'éducation des enfants et des jeunes dès les premières années de l'école pour mieux les préparer aux actions citoyennes et aux vertus de la solidarité ?