Quelle est la raison de votre visite, et quels sont les responsables marocains que vous allez rencontrer ? Je devais me rendre au Maroc en novembre dernier en compagnie du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, mais la cérémonie d'introduction en Bourse de la Française des jeux m'a finalement obligé à reporter mon déplacement. Comme je l'ai dit à mes homologues, M. Benchâaboun et M. Elalamy, que j'ai vus à Paris en décembre, je souhaitais que ce report soit le plus rapide possible. Mon déplacement a pour objectif de rappeler l'amitié historique qui lie nos deux pays et notre relation économique bilatérale qui est déjà très bonne. À ce titre, je souhaite passer en revue, pour mieux les approfondir, les coopérations actuelles notamment en matière ferroviaire mais aussi dans l'aéronautique, les transports urbains, l'énergie, l'industrie navale... Je m'entretiendrai avec les ministres Benchâaboun et Elalamy, avec qui je travaille très bien. Nous tiendrons également le dernier comité de suivi de la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, projet emblématique de la coopération franco-marocaine que nous avons porté conjointement pendant plus de 10 ans. À cette occasion sera signée la charte du Club LGV, dans le cadre duquel se poursuivra cette coopération. Il y a quelques semaines, une polémique avait été déclenchée suite à vos propos sur les industriels français basés au Maroc. Votre visite aujourd'hui est-elle un signe d'apaisement ? Les relations ont toujours été excellentes entre nos deux pays. Je souhaite clarifier mes propos qui ne visaient en aucun cas le Maroc ou sa stratégie industrielle. Mon propos posait la question des choix industriels de la France qui a perdu près d'un million d'emplois industriels ces dernières années, ce dont on ne peut se satisfaire. Nous avons besoin d'emplois industriels en France également pour éviter la fragmentation sociale et territoriale. Cette mission de reconquête industrielle est vitale économiquement et politiquement, et c'est celle que le président de la république m'a confiée dans le cadre du «Pacte productif». Cela n'est pas incompatible avec les besoins d'internationalisation de nos entreprises qui leur permettent de rester compétitives et de gagner de nouveaux marchés. La France souhaite la poursuite d'un modèle gagnant pour nos deux économies. Quel message avez-vous l'intention d'adresser aux opérateurs français au Maroc ? Qu'ils continuent à travailler avec nos amis marocains! Le Maroc est un pays ouvert et attractif, nos relations sont anciennes et, au bénéfice de chacun. Nous devons poursuivre sur cette lancée. Les partenariats industriels entre les deux pays sont déjà de qualité. Comment faire mieux ? La France est le premier partenaire économique historique du Maroc, y étant le premier investisseur étranger (34,3% du stock total d'IDE). Nos entreprises ont participé à la construction de grands projets marocains comme la LGV, le réseau de tramways à Rabat et Casablanca ou le port de Tanger Med. La France a également accompagné l'industrialisation et la montée en gamme du Maroc. Pour approfondir nos relations économiques, je vais mettre en avant la singularité de l'offre française qui met l'accent sur l'importance de la responsabilité sociale et environnementale, la transition écologique, la formation. Nous pouvons aussi mieux accompagner le Maroc dans sa recherche d'un modèle de croissance plus inclusif. Quels sont les secteurs ou métiers qui permettront une intégration plus poussée du tissu industriel marocain ? Nos grands groupes, comme Safran, Renault ou PSA, ont soutenu l'émergence des écosystèmes industriels marocains dans l'aéronautique et l'automobile. De nombreuses opportunités de collaboration existent par ailleurs dans le domaine des énergies renouvelables, des transports urbains, de la santé et du naval. L'action des entreprises et des opérateurs français contribue très fortement au développement des compétences nécessaires à une intégration plus poussée des filières. L'exemple du secteur aéronautique est très parlant à cet égard: le développement spectaculaire de la filière au Maroc a été accompagné par la mise en place de l'Institut des métiers de l'aéronautique, créé et financé par l'Agence française de développement. Ce centre de formation permet aux jeunes ainsi formés d'être recrutés localement, et aux entreprises de disposer d'une main-d'œuvre adaptée à leurs métiers en constante évolution. De tels instituts ont également été créés pour les métiers de l'automobile et des énergies renouvelables, avec un succès comparable. Mais les contributions à la formation professionnelle des acteurs économiques français prennent également de nombreuses autres formes, et la France continuera à accompagner l'employabilité des jeunes Marocains. Vous avez annoncé, le 2 décembre dernier, la création d'une mission d'évaluation sur un nouveau modèle industriel français. Est-il possible que le Maroc soit associé dans ce processus ? Le président de la république m'a effectivement confié la tâche de réfléchir à un Pacte productif pour réindustrialiser la France. Au Maroc, une Commission spéciale sur le modèle de développement a été instituée sous la présidence de l'ambassadeur Chakib Benmoussa. La concomitance de ces exercices prospectifs doit bien évidemment nous conduire à partager nos réflexions. Nous avons déjà commencé à le faire en décembre dernier à Paris avec mes homologues marocains. Je ferai des propositions dans ce sens lors de mes entretiens à Rabat.