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Le gouvernement pointé du doigt
Publié dans Les ECO le 20 - 04 - 2012

Histoire de ne pas mettre la charrue avant les bœufs, l'Association des régions du Maroc (ARM) vient de jeter un pavé dans la mare en interpellant le gouvernement sur l'agenda de la mise en œuvre du projet de régionalisation. En marge de la journée d'étude qu'elle a organisée, hier à Rabat, sur la régionalisation et la gouvernance des territoires, l'ARM a fait état de ses inquiétudes par rapport à l'absence de visibilité sur le projet, qui fait désormais office de prochaine étape de la réforme institutionnelle engagée par le Maroc. «À cinq mois des élections locales appelées à consacrer l'acte premier du projet de régionalisation prévu par la Constitution, les élus régionaux ne peuvent qu'exprimer leur inquiétude totale quant au manque de visibilité sur la gouvernance technique, politique et temporelle de l'état d'avancement de ce chantier», lit-on à travers le communiqué qu'ils ont rendu public. Un aveu d'impuissance face à l'absence réelle de volonté politique affichée par le gouvernement sur l'agenda, ainsi qu'à l'élaboration du cadre juridique et technique de la mise en œuvre de la régionalisation. «Hormis les intentions formulées dans la déclaration gouvernementale, aucun signal des pouvoirs publics n'est venu annoncer une méthode de travail et de concertation sur la préparation de cette réforme», constate l'ARM qui fait également part de ses inquiétudes sur «la crainte de voir le gouvernement invoquer l'urgence préélectorale, pour enjamber le débat nécessaire sur l'entrée en vigueur des dispositions constitutionnelles relatives à ce sujet». Le président de l'ARM, Said Chbaatou va plus loin en soulignant que «sur ce plan, notre crainte est de voir l'adoption du projet de loi organique sur les collectivités territoriales connaître le même sort que la loi organique relative à l'élection des membres du Conseil des collectivités territoriales, adoptée en octobre dernier en un temps record et en l'absence de la majorité des députés». Pour toutes ces raisons, l'ARM a jugé utile d'interpeller le gouvernement Benkirane sur les risques que fait peser cette situation sur l'avenir de la réforme. C'est pourquoi, tout en rappelant l'importance des étapes préliminaires qui conditionnent à la fois la crédibilité et la légitimité du processus, les élus régionaux ont demandé au gouvernement d'afficher clairement ses intentions quant aux modalités et à l'agenda de mise en œuvre du projet de régionalisation. En attendant, les régions se sont déjà penchées sur les enjeux de cette réforme, principalement sur la dynamique de développement régional, qui accorde une place importance à la gouvernance des territoires. La journée d'étude organisée conjointement avec l'appui de la Fondation Abderahim Bouabid, de l'Union européenne et de l'Institut national d'architecture et d'urbanisme (INAU), a été l'occasion pour les élus locaux, les représentants des pouvoirs publics concernés ainsi qu'un panel d'experts, de mettre en relief les multiples enjeux, ainsi que les défis à relever dans la mise en œuvre de ce projet.
Débat houleux en perspective
La rencontre à laquelle assistait le président du Conseil économique et social, Chakib Benmoussa, «vise à alimenter le débat qui va s'ouvrir sur la mise en œuvre de la régionalisation», a indiqué à ce sujet, Ali Bouabid, délégué général de la fondation éponyme. «Il s'agit dans les détails d'outiller les acteurs locaux sur les thématiques majeures qui structureront ce projet, notamment sur la construction d'une vision de développement régional, sur les modalités de la mise en œuvre de la contractualisation entre l'Etat et les régions et les aspects liés à la prise en charge institutionnelle de la gouvernance des territoires», a expliqué l'universitaire Mohamed Boukhafa, au démarrage des travaux qui ont duré toute la journée. Un sujet qu'a suivi avec intérêt Chakib Benmoussa en raison du fait que l'institution qu'il préside, le CES, se prépare actuellement à remettre son rapport sur la régionalisation. Une dynamique qui prouve, si besoin est, l'implication des acteurs régionaux et locaux, à s'approprier ce projet structurant, en faisant émerger la région à côté de l'Etat, comme nouvel acteur de développement national. Les participants n'ont pas manqué, à ce niveau, d'orienter leurs points de vue sur le fait que le chantier de la mise en œuvre du processus, est une «mise à l'épreuve de la capacité de l'Etat et des acteurs à porter le projet de changement auquel aspirent tous les citoyens marocains». Surtout que les défis ne manquent pas - Comme ceux de la construction d'un projet de développement régional entre la nécessité d'une mise à niveau des régions et les impératifs de la compétitivité face aux enjeux engendrés par la mondialisation. «Les orientations de l'Etat sont aujourd'hui diluées dans des stratégies sectorielles et la question sera de savoir quel rôle jouera la région ? Et par quels moyens parviendra t-on à intégrer la région comme acteur majeur de développement ?», a fait remarquer Boukhafa. Cette réponse est conditionnée par les options qui sortiront du futur cadre législatif et réglementaire, qui sera élaboré à partir des différentes consultations qui précèderont l'adoption du projet. Ceci reste suspendu au signal de départ que donnera le gouvernement.
Les défis de Benabdellah
La gouvernance des territoires, qui constitue un aspect central de la mise en œuvre du projet de régionalisation, inaugure de nouveaux défis pour ce qui est de l'aménagement du territoire, principalement la planification des zones urbaines. Une question qui intéresse fort opportunément le ministre de l'Habitat et de l'urbanisme, Nabil Benabdellah, au moment où son département s'apprête à valider les grandes orientations de sa stratégie. Son représentant à la journée d'études de l'ARM, Saïd Zniber, par ailleurs secrétaire général dudit ministère, n'a d'ailleurs pas fait mystère des énormes défis qu'il conviendra de prendre en compte. «Il ne suffit pas seulement de résorber le déficit en logement, pour construire une ville», a fait remarquer, Zniber, ajoutant que la principale difficulté est de corriger les dérapages constatés jusque-là et qui ont été pour l'essentiel le fruit d'une cristallisation sur des objectifs axés sur des chiffres. L'atteinte des objectifs fixés en terme de production de logement est certes un aquis, il nous faut à présent relever de nouveaux defis, a-t-il insisté, citant la construction d'une véritable identité urbaine à travers une politique globale et cohérente qui accorde un intérêt particulier aux questions de justice et d'intégration sociale.


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