En novembre 2009. L'Union des écrivains marocains (l'UEM) vivait une crise. Désaccords, incompréhension et marasme étaient les mots d'ordre. Il sévissait une telle perturbation qu'elle avait entraîné une réaction paroxystique chez certains membres du bureau exécutif, précisément cinq. Une réaction qui avait consisté à révoquer le président de l'époque, Abdelhamid El Akkar. Les raisons invoquées étaient multiples mais la plus importante concernait la dénonciation d'une certaine torpeur qui paralysait l'UEM, et ceci depuis son 17e congrès national de novembre 2008. Bref, la fronde avait éclaté et El Akkar, était alors remplacé par Abderrahim El Allam. Une nouvelle page dans l'histoire de l'UEM s'ouvrait donc, mettant fin à cette guerre intestine. En mars 2012. L'UEM fait encore l'actualité. Son 18e congrès prévu fin mars est reporté. Les raisons de cette décision, qui a déçu les milieux culturels, sont multiples, mais l'on parle surtout de l'absence de conditions financières, organisationnelles et culturelles. À quelques semaines de la date initiale de ce congrès, les écrivains-membres de l'UEM savaient, d'ores et déjà, qu'il allait être différé. Selon Hassan Bahraoui, membre du bureau exécutif, un tel évènement requiert un budget d'environ 300.000 DH, alors que ce montant ne pouvait être prêt dans les délais prévus, en raison des procédures de versement du soutien public. «L'enveloppe de soutien accordée par l'Etat n'est pas disponible et ne sera probablement pas octroyée dans les mêmes conditions que l'année précédente, dans une conjoncture marquée par l'austérité et le resserrement des finances publiques», a-t-il déclaré à la presse. Outre les problèmes financiers, le report du congrès s'explique aussi par une conjoncture culturelle sur les plans national et arabe. «Je pense qu'il nous faut davantage de temps pour organiser et surtout réussir un congrès censé être une fête de la culture», nous explique Said El Ahed, membre de l'UEM. Un ordre du jour obsolète ! Certains membres de l'UEM sont convaincus que le report du congrès à une date ultérieure demeure toutefois une sage décision. «L'ordre du jour était dépassé et ne prenait pas du tout en considération les changements opérés sur les scènes nationale et régionale. Les feuilles et présentations préparées n'intégraient même pas les évolutions enregistrées sous l'effet du printemps arabe», précise Bachir Kamari, membre du conseil d'administration de l'UEM. Kamari pousse la réflexion plus loin et affirme que depuis la crise de la présidence qui a secoué l'Union sous le mandat d'Abdelhamid Akkar, de «l'eau a coulé sous les ponts». Il s'interroge aussi pour savoir si l'action de l'UEM continuera dans la même voie, en adaptant les méthodes stériles qui n'ont pas contribué au développement de l'Union. Des questionnements «existentiels» sont ainsi remis sur la table, abordant le rôle même de cette Union créée en 1960. La conception culturelle capable d'intégrer les nouvelles techniques de communication, la place de la démocratie, de la modernité ainsi que la problématique entre le politique et le culturel, sont autant de points qui doivent être discutés, si l'on veut redorer le blason de cette union. Depuis la création de l'UEM, cette relation entre le politique et le culturel n'a cessé de faire couler beaucoup d'encre. Elle refait surface aujourd'hui avec beaucoup plus d'acuité. «L'Union vit une conjoncture difficile et a besoin de changer de discours et de réfléchir à de nouveaux mécanismes, qui ne parviennent toujours pas à faire l'objet d'un consensus», souligne Hassan Bahraoui, membre de l'UEM. D'après lui, et même si «certains pensent que l'écrivain marocain a atteint un degré de maturité qui lui permet d'être indépendant de la décision politique, cela n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. L'acteur politique doit toujours accompagner le culturel», étaye Bahraoui. Bref, le problème s'annonce plus grave que ce que l'on croyait. Il s'agit des principes de l'Union qui sont en cause, laquelle peine depuis des années à retrouver son épanouissement, sa vigueur et sa place dans le paysage culturel national.