Ramid a-t-il uniquement ouvert la porte d'un nouveau round de dialogue byzantin pour débattre des maux de la justice et des libertés au Maroc? La question des plus pessimistes avis sur le sort de la réforme du secteur se pose toujours avec acuité, au lendemain de l'ouverture du débat national tant attendu. De fait, c'est la nouvelle Constitution qui ne laisse pas le choix au département de tutelle chargé de mettre en œuvre l'ingénierie supposée donner enfin l'immunité et l'indépendance, synonyme d'impartialité, des magistrats marocains. Lors de la présentation des grands axes des objectifs de ce débat, le gouvernement semble rester fidèle à l'approche constitutionnelle, qui incite à la méthode de concertation, à l'instar de celle qui a donné naissance à la nouvelle loi fondamentale en 2011. Seulement, cette fois, la nouvelle politique judiciaire ne sera pas soumise à un référendum populaire, mais devra être acceptée à un autre niveau, composé essentiellement des organismes chargés de la médiation entre les citoyens et les pouvoirs publics. La concertation vise avant tout à collecter les recommandations les plus réalisables à court terme, le tout au sein d'un climat social encore tendu avec les diverses catégories d'auxiliaires de justice. L'annonce du lancement du débat est en tout cas officielle. «Nous allons d'urgence, faciliter l'accès aux tribunaux, à l'indépendance et à la moralisation des divers corps de magistrats», a affirmé le ministre, qui veut aussi aboutir à des vues communes sur «l'accès aux divers métiers du secteur». Le débat national sur la réforme de la Justice a mis en place son document de référence, en prélude à la mise en place d'une Charte nationale et surtout du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, l'ultime marche à gravir pour rester dans les exigences constitutionnelles liées aux garanties d'indépendance de la justice. Mustapha Ramid affirme vouloir fédérer à ce débat les partis politiques, les syndicats, ainsi que les ONG, afin qu'il soit un «véritable dialogue national», a-t-il expliqué après la présentation des grandes lignes de sa nouvelle initiative au Conseil de gouvernement. «La Charte projetée garantirait, une fois promulguée, un climat professionnel sain et des conditions de travail honorable au corps de la justice», a assuré le ministre de la Justice et des libertés. Les juges marocains, qui traitent annuellement une moyenne de 1.200 litiges, ce qui est nettement au dessus des normes mondiales, devront surtout bénéficier des nouvelles juridictions de proximité, un autre pilier dans la réforme lancé en mars et dont l'efficacité dépendra de la vitesse de l'ouverture des sections concernées au sein des tribunaux de première instance. Le feuille de route à court terme Les principaux axes de concertation qui seront entamés tournent autour de la simplification de «l'accès aux tribunaux et aux procédures judiciaires, à améliorer les structures judiciaires et administratives, ainsi que les niveaux de qualification des personnes travaillant dans ce secteur», a listé Ramid. Le contentieux de l'Etat sera pour sa part traité avec fermeté. Il s'agit de rendre confiance aux partenaires du secteur public, via une accélération du temps de traitement des décisions de justice à l'encontre de l'administration et d'élaborer des mesures obligatoires destinées à réduire le temps de traitement des dossiers, notamment par le recours aux nouvelles technologies dans tous les tribunaux du pays. Au niveau de l'élaboration des lois, la nouvelle démarche consiste à ce que les nouveaux projets soient publiés avant leur dépôt au SGG pour consultation en amont avec les différentes parties avant de les soumettre au circuit législatif. La lutte contre toute immixion dans les affaires présentées devant la justice est également en ligne de mire. Ramid tient à activer aussi rapidement que possible le projet de loi organique du Conseil supérieur de la magistrature et la loi organique du statut des magistrats, les deux textes qui seront évoqués lors de ce débat. Les mécanismes d'application, de suivi et d'évaluation seront pour leur part détaillés dans le statut du futur conseil supérieur du pouvoir judiciaire, plaque tournante du plan d'action du département de tutelle pour instaurer l'indépendance des juges lors du rendement de leurs verdicts.