L'Union européenne et le Maroc devraient renégocier dans les prochains mois un nouvel accord de pêche. L'actuel va expirer dans quatre mois environ, soit le 27 février 2011. Comme en 2006 une série de consultations techniques entre les experts des deux parties devraient commencer incessamment. Jeudi dernier, Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, effectuait une visite de travail à Bruxelles sur invitation de Maria Damanaki, commissaire européenne en charge des Affaires maritimes et de la pêche. Les observateurs croyaient que cette visite annonçait le lancement des consultations entre Rabat et Bruxelles autour de l'avenir de l'accord de pêche, mais selon nos sources il n'en est rien. Les Européens ont invité Akhannouch, huit mois après l'avoir interpellé officiellement sur l'impact de l'accord de pêche sur les populations des provinces du Sud. En effet, en février 2010, l'Union européenne avait demandé, dans une lettre officielle, au Maroc de lui fournir des données prouvant que les populations sahraouies bénéficiaient des retombées économiques de l'accord de pêche Maroc-UE. À noter que durant tout l'été certains eurodéputés ont poussé vers le non-renouvellement de l'accord au cas où le Maroc ne fournissait pas à l'Union des données affirmant que les dispositions de l'accord de pêche ont été respectées par la partie marocaine. À Rabat c'est le silence radio, à part le communiqué officiel du département de la Pêche qui parle de l'ordre du jour de la réunion d'Akhannouch et la commissaire européenne. Officiellement cette réunion a servi à «l'évaluation de la coopération Maroc-UE en matière de pêche maritime». Les discussions ont également porté sur «les perspectives de reconduction de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche conclu entre le Royaume et la communauté européenne». Le communiqué ne parle ni du planning des futures consultations ni de la fameuse étude sur l'impact de l'accord sur les populations sahraouies, réclamée par Bruxelles. Pour cet observateur l'attitude du Maroc ne peut être expliquée que par le fait que le Maroc «n'est pas pressé» de reconduire l'accord de pêche avec l'UE. Silence radio Reconduction, prolongement ou suspension de l'actuel accord de pêche UE/Maroc ? Tels sont les trois scénarios auxquels aboutiraient les consultations (si elles ont lieu) entre Rabat et Bruxelles. Mais si le débat autour de la question est houleux (depuis plus d'un an) sous la coupole du Parlement européen, un «silence de mort» est observé du côté marocain. Aucun débat national n'est enclenché autour de l'avenir de cet accord qui concerne un secteur représentant 8,3% du PIB national (en 2007). Selon un parlementaire les échanges Maroc-UE par rapport à ce dossier sont «un secret même pour certains partis membres du gouvernement». Des sources au sein de la commission de l'environnement des affaires, rattachée à la Primature, ont ainsi affirmé que «l'accord de pêche n'est pas dans le champ d'encadrement de la commission. «Nous comptons intégrer l'agriculture l'année prochaine dans les compétences dévolues», indique une source à cette instance qui a pour mission essentielle de favoriser le climat des affaires et intègre jusqu'à maintenant plusieurs départements ministériels. Contactés à ce sujet, les porte-parole de quatre formations politiques ont affirmé que les informations et les données sont «toujours rares». Selon eux le département de Aziz Akhannouch garde jalousement toute donnée nouvelle qui conditionne les futurs termes de l'accord. Mais selon un membre du Mouvement populaire (MP), parti de Mohand Laenser, ex-ministre de la Pêche et signataire de l'actuel accord en 2007, le projet d'autonomie présenté par le Maroc «devrait encourager d'autres pays à s'intéresser à la portée de la future reconduction». En d'autres termes, d'autres pays à part l'Espagne, principale bénéficiaire de l'accord. Du côté du PJD ou du PAM, on nous affirme que leurs groupes se penchent actuellement sur la question et comptent interpeller le ministre dans les semaines qui viennent. En tout cas, renouvellement ou pas, le prochain accord devrait être négocié dans un contexte différent de celui de l'année 2007. En effet, valeur aujourd'hui, les flottes de pêche ont évolué des deux côtés et les ressources halieutiques ont diminué de manière drastique le long des côtes marocaines (surtout les zones du Nord Atlantique et de la Méditerranée). Du côté des professionnels on continue à insister sur le volet de la «raréfaction» de la ressource halieutique. Pour la profession une nouvelle flottille européenne signifie l'octroi de nouveaux quotas, impliquant un effort de pêche très important qui aura des effets néfastes sur les différentes ressources halieutiques, sur les emplois en mer comme à terre, sur l'approvisionnement des marchés traditionnels et par conséquent sur la rentabilité des armements nationaux. «Ces armements sont déjà mis à mal par le fléchissement des captures, l'envolée des charges d'exploitation et la raréfaction de la ressource», indique cet armateur de la pêche hauturière.