Mai 2011. À l'occasion de la célébration du dixième anniversaire de la proclamation de la place Jemaâ El Fna patrimoine oral et immatériel de l'Humanité par l'Unesco, la délégation régionale du ministère de la Culture, annonçait la mise en place de la Fondation Jemaâ El Fna. «Une structure qui réunira les douze associations de la célèbre place ainsi que les 36 qui regroupent les commerçants installés autour de Jemaâ El Fna et dont l'objectif principal est d'assurer à ces artistes longtemps marginalisés une rémunération mensuelle», avait-on déclaré. Presqu'un an après, le projet est remis sur la table lors d'une rencontre sur le thème «le patrimoine oral de la place Jemaâ El Fna: évolution et mesures pour sa sauvegarde». Organisée en fin de semaine dernière, dans le cadre du projet Montada (un projet faisant partie du programme Euromed Héritage IV et visant à lancer un nouveau défi pour la récupération de l'identité historique et culturelle méditerranéenne, plus particulièrement celle des pays du Maghreb) par le CDRT (Le Centre de développement de la région de Tensift), cette rencontre était donc une occasion pour discuter de ce patrimoine immatériel, qu'il faut impérativement sauvegarder. «Cette rencontre est le couronnement d'une année de travail. Nous avons déjà organisé des activités visant à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes sur l'importance de la sauvegarde du patrimoine. À travers cette rencontre, nous ambitionnons à faire du lobbying auprès du législateur. Ce qu'il nous faut, c'est une loi qui permette de sauvegarder le patrimoine immatériel au Maroc», nous explique le vice-président du CDRT, Jamal-eddine El Ahamdi. Ce sont donc 60 participants représentant les différentes sensibilités culturelles, politiques et économiques de la ville ainsi que des professionnels de la place qui se sont penchés sur cette épineuse question. Les intervenants, quant à eux, ont attiré l'attention tout particulièrement sur ces professionnels de la halqa qui vivent des conditions «matérielles et morales de plus en plus difficiles». C'est ainsi qu'un hommage appuyé a été rendu aux différents acteurs qui essaient de «faire redorer l'image de la place mythique, en consolidant son rôle de véhicule de notre culture, de lieu de rencontres et de loisirs, un facteur de cohésion et un générateur de revenus». Les intervenants, entre autres l'historien Mostafa Fnitir, le professeur et l'écrivain Mohamed Fakhraddine et le cofondateur de la Maison de la photographie, Patrick Manac'h, se sont tous mis d'accord sur la nécessité de mettre en place des actions concrètes capables de valoriser le travail de ces acteurs qui constituent en réalité «l'âme de Jamaâ El Fna». L'on a discuté aussi de l'importance d'une meilleure structuration des activités de la place, dans le temps et dans l'espace, ainsi que d'une véritable campagne de sensibilisation sur le danger de l'extinction du patrimoine oral de Jamaâ El Fna qui est en voie de disparition. Et les recommandations sont... Après avoir dressé un bilan-état des lieux, les participants ont adopté une série de recommandations susceptibles de sauvegarder le patrimoine de Jamaâ El Fna. La création d'une fondation portant le nom de la mythique place s'annonce naturelle. «Cette fondation devrait promouvoir le patrimoine immatériel et matériel, l'amélioration des conditions de travail des gens de la halqa et la restructuration de la place», précise El Ahamdi. La création d'un musée virtuel et d'une école-musée de la place avec des espaces dédiés aux textes, aux photos, et aux enregistrements sonores... ainsi que d'une filière universitaire de recherche&développement pour la promotion du patrimoine culturel de Marrakech figurent parmi les recommandations des différents participants. Afin de faire le suivi de ces propositions, une commission ad hoc d'évaluation a été constituée, composée de bon nombre d'acteurs de la société civile marrakechie. Ladite commission est chargée de l'édition des actes de cette rencontre, de la préparation de la création de la Fondation Jamaâ El Fna pour le patrimoine culturel (définir ses objectifs, ses statuts, sa structure et ses champs d'action) et de la communication autour de ce patrimoine d'une valeur inestimable. Néanmoins, à quand la concrétisation de toutes ces actions ? El Ahamdi répond vite : «C'est à la commission de préciser le timing nécessaire à la mise en place de toutes ces actions. Toutefois, je tiens à rappeler qu'à travers celles-ci, nous tenons à jouer notre rôle en tant que société civile, sans empiéter sur le territoire des autorités concernées», tient à souligner le vice-président du CDRT. Appuyé par l'Union européenne via le projet Montada - qui vise aussi à sauvegarder le patrimoine de Salé et dont le budget est de 600.000 DH -, le CDRT pourrait concrétiser toutes ces actions. Cependant faut-il rappeler que le soutien du ministère de la Culture s'avère plus que nécessaire afin que ces objectifs ambitieux voient le jour ?