Sanaa Akroud, vous connaissez ? Bien sûr, c'est ce petit bout de femme, mais immense comédienne qui, quoi que puissent prétendre certains esprits archaïques et arriérés, est parfaitement digne de porter la nationalité marocaine. Depuis sa participation dans le film de Yousry Nasrallah, le réalisateur égyptien, disciple et collaborateur de Youssef Chahine, on l'a traînée dans la boue, ici et ailleurs, pour, soi-disant, avoir accepté de tourner des «scènes osées» qu'aucune autre comédienne arabe, rapportent les rapporteurs, n'aurait accepté de faire. Le film s'appelle joliment en arabe «Shéhérazade, raconte-moi une histoire», mais c'est le titre en français, «Femmes du Caire,» que je trouve plus parlant, et je vais vous expliquer pourquoi. Ce film, je voulais le voir depuis longtemps, d'abord parce que j'ai toujours aimé le travail de Yousry Nasrallah, depuis que je l'ai découvert dans «Mercedes», avec la sublimissime Yousra, et, ensuite, parce que j'avais tellement entendu et lu d'inepties sur son dernier film et plus particulièrement sur ses dérapages prétendument peu vertueux, que je voulais, voyeur comme je suis, voir tout ça de mes propres yeux. L'occasion m'a été donnée lundi dernier grâce aux audacieux organisateurs du 4e Festival international du film de femmes de Salé, qui ont poussé l'outrecuidance jusqu'à le programmer à la cérémonie d'ouverture. Quel beau bras d'honneur à tous ces minables donneurs de leçons et piètres moralisateurs ! En un mot comme en 100.000, ce film est vraiment magnifique et notre petite Sanaa nationale en est ressortie tout simplement géante, pas seulement à mes yeux, mais également aux yeux de la majorité des invités. Elle m'a littéralement impressionné. Je vais vous donner le résumé du film tel qu'il est présenté un peu partout : «Le Caire, aujourd'hui. Hebba, présentatrice d'un talk-show populaire, se voit contrainte de renoncer aux sujets politiques, afin de favoriser la carrière de son mari, rédacteur en chef adjoint dans un journal affilié au gouvernement. Elle décide alors de se consacrer à des histoires de femmes. Mais celles-ci s'avèrent tout aussi politiques, et Hebba va progressivement se retrouver sur un terrain miné fait de tromperie et de répression sexuelle, religieuse et sociale». En fait, c'est une belle satire qui, à travers des histoires de femmes racontées par des femmes, nous éclaire sur l'état actuel de la société égyptienne et plus précisément cairote. Sanaa, elle, nous émeut aux larmes et y joue, sans conteste, son meilleur rôle à ce jour. Quant aux scènes supposées «osées», elles sont d'abord fondamentales pour le film, mais tellement marginales en termes de durée et de «visibilité» que ceux qui en parlent tellement aujourd'hui doivent sûrement avoir besoin de se faire psychanalyser. Mais le plus grave, c'est qu'ils ont gueulé si fort que ça a fait peur à Sanaa qui a préféré ne pas venir au festival. Sanaa, tu n'as rien à craindre, nous sommes avec toi. Laisse-les hurler et continue de nous charmer, de nous fasciner et de nous émouvoir.