«Si on a pu dire des femmes pendant des siècles qu'elles étaient au four et au moulin, aujourd'hui, elles en ont bien apporté la preuve. Si nous sommes présents aujourd'hui à ce festival, c'est pour leur rendre hommage. Un hommage à celles dont nous choisissons de célébrer, chaque année, les mérites d'éclaireuses, de pionnières ou tout simplement de travailleuses incognito qui, sous les projecteurs ou à l'ombre, font que les rêves que le cinéma rend possible, existent». C'est en ces mots que s'est exprimé Noureddine Sail, président du Festival International du Film de Femmes de Salé, lors de l'ouverture de la 4ème édition du FIFFS, lundi soir, au cinéma «Hollywood» à Salé. Un festival haut en couleurs et qui a tenu à rendre hommage à toutes les femmes qui ont réussi à graver leurs noms dans les annales du cinéma, tant national qu'international, contre vents et marées et face aux multiples a priori et idées préconçues à l'encontre de leur genre. Une belle brochette d'acteurs et d'actrices venus des quatre coins du monde, était présente à cette 4ème édition. Ils étaient tous là. Souriants, hilares même, sur leur 31, se prêtant au jeu des séances photos. Tout a été fait à la Hollywoodienne. Tapis rouge, musique de film en fond sonore, caméras et photographes. Plusieurs centaines de fans, de tous âges amassés autour des barrières pour accueillir les stars (très nombreuses). On a manqué de peu l'arrivée en hélicoptère, tellement tout était grandiose et calculé au millimètre près, par les organisateurs et notamment l'association Bouregreg, initiatrice de l'événement. Le grand événement de la soirée est sans nul doute, le film d'ouverture, « Femmes du Caire » de Youssri Nassrallah qui a ouvert le bal et qui a eu la « Standing ovation » du public. Justement, parlons-en de ce film. En Egypte, ce film s'appelle Schéhérazade. Schéhérazade, dans le récit mélodramatique des mille et une nuits, s'ingéniait tous les soirs à narrer des histoires captivantes pour son maître dans l'objectif de se soustraire au châtiment capital que lui réservait le sultan si elle n'arrivait pas à l'intéresser. Hebba (Mona Zaki), l'héroïne de « Femmes du Caire », se met à raconter dans une course effrénée pour la vie. Belle transposition du concept des mille et une nuits à l'écran. Elle anime un talk-show sur une chaîne de télévision commerciale et néanmoins sous étroit contrôle gouvernemental. Les premières séquences du film la montrent épanouie et élégante dans l'opulence occidentale qui est la sienne. Elle houspille ses invités sur les sujets du moment, passe pour une frondeuse et donne des sueurs froides à son mari, Karim, étoile montante de la presse écrite, qui verrait sa carrière compromise si Hebba poussait trop loin son goût de la provocation. Il lui met la pression, elle promet de mettre un peu d'eau dans son vin. Son émission troque alors la politique pour des faits divers féminins. Le succès est immédiat. Mais où s'arrête la politique ? Hebba se retrouve très vite en terrain miné… Tout est question de scénario, bien sûr. S'il est bien ficelé tout suit. Celui de « Femmes du Caire » est un bon cru de Waheed Hamed, qui avait adapté en 2006 « L'Immeuble Yacoubian », le roman d' «Alaa El-Aswany ». On retrouvera ici l'ambition de tirer le portrait d'une société toute entière. Enfin, de la moitié de cette société puisque l'essentiel de « Femmes du Caire » est fait de trois récits : une femme internée dans une clinique psychiatrique raconte le mariage raté qui l'a menée jusque-là ; une ancienne détenue qui vit avec celle qui fut sa gardienne raconte la genèse de son crime ; une manifestante solitaire dit l'injustice monstrueuse que lui infligea un homme. «Femmes du Caire» a conquis le public slaoui. Un beau film, très juste, très dur, très courageux, qui manque parfois d'un peu d'ambiguïté au niveau de la caractérisation de certains personnages masculins, mais qui a l'immense mérite de replacer la femme au cœur de la société égyptienne. Et puis, comme chaque année, la composition du jury du festival a été révélée au public. Un jury entièrement composé de femmes, cela va de soi. Sept femmes de différents pays, horizons et cultures, on compte ainsi la Présidente n'est autre que Macha Méril, comédienne et romancière française qui n'est plus à présenter, Anna Pastore, directrice par intérim de l'Institut Culturel Italien, Joumana Mourad, comédienne syrienne, la comédienne marocaine Sana Mouziane, La célèbre comédienne égyptienne Soumaya Khashab, Teresa villaverde, scénariste et réalisatrice du Portugal et enfin, Véronique Mendouga, technicienne de cinéma camerounaise. Hommages Des hommages ont également été rendus à des femmes marocaines et étrangères qui ont fait de la femme une préoccupation centrale de leurs œuvres littéraires ou artistiques. Deux prix d'honneur ont ainsi été décernés à deux grandes femmes artistes. Le premier prix est revenu à Jackie Buet, fondatrice du concept et directrice du Festival de film de femmes de Créteil en France. Le second prix a été attribué à la comédienne égyptienne Sawsan Badr. Cherchant à valoriser la diversité culturelle et artistique d'un Maroc pluriel, le FIFFS a décidé cette année de s'ouvrir sur la région du Sud, dont la production créative tant artistique, littéraire que culturelle reste méconnue de plusieurs. En collaboration avec l'Agence de développement des Provinces du Sud, le FIFFS s'est résolu à promouvoir et à faire-valoir ces variantes à foison de la production culturelle-artistique marocaine. Populaire ou d'élite, inspirés de traditions séculaires ou amorcés dans l'esprit de la modernité, les arts des provinces du Sud seront cette année, les invités privilégiés du Festival du film de femmes de Salé. Cet échange Nord-Sud, Sud-Nord devra être couronné par un partenariat entre le FIFFS et les Rencontres Internationales Cinématographiques de Dakhla. D'une édition à l'autre, le Festival International du Film de Salé cherche à satisfaire ses ambitions du passé et à s'imposer de nouveaux défis. « La célébration du festival annuellement n'est plus du rêve ou de l'utopie, mais est désormais possible et en voie de pérennisation » ont annoncé les organisateurs lors de la soirée. Le festival se donne comme mission fondamentale d'offrir avec constance un lieu de reconnaissance et de visibilité des démarches des réalisatrices afin de renverser le processus de décapitation de leurs pensées et de leurs manières de voir le monde. La musique, lieu de toutes les rencontres Si d'aucuns croient que la surdité est un handicap qui empêche les sourds de devenir musiciens, ce n'est certainement pas le cas du groupe de jeunes musiciens «Nassr» qui ont ému le public du Festival grâce à leurs percussions. Certes, ils n'entendent pas les percussions exécutées, mais ils les ressentent au plus profond d'eux mêmes par des vibrations sonores effectuées au moyen d'instruments de musique, dont ceux utilisés dans le folklore traditionnel marocain. A les voir jouer ensemble et exécuter des airs de musique mélodieux, parfaitement cohérents, l'on se demande si ces jeunes talentueux portent vraiment en eux la surdi-mutité. Quiconque ne les connaît pas, jurerait du contraire, car les morceaux qu'ils jouent sont d'une parfaite harmonie que rares sont les musiciens capables de les réussir sans la moindre fausse note. Et pour leur manifester votre joie, dans le langage des sourds muets, il ne faut pas applaudir, mais agiter les deux mains, comme pour la chanson «Ainsi font font font, les petites marionnettes…» Le succès de ces jeunes musiciens leur a valu des participations à plusieurs manifestations artistiques, dont celle en 2001, à la première édition des rencontres musicales de Casablanca et celle du forum des enfants marocains de la paix, à Bouznika