«J'espère de tout cœur que le Maroc ne retombera pas dans un nouveau plan d'ajustement structurel». Cette déclaration d'Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale, en dit long sur les craintes qui entourent aujourd'hui les Finances publiques, et surtout sur la nécessité d'introduire des réformes efficaces. Eviter les déboires du passé ne peut certainement pas se faire sans tenir compte des éléments-clés de l'histoire des Finances publiques, celle-ci ayant été riche en rebondissements. En effet, la situation critique dans laquelle se trouvent les Finances de l'Etat n'est pas née du jour au lendemain. Elle ne fait que perdurer depuis une trentaine d'années, à l'exception des exercices 2007 et 2008 où l'Etat a pu dégager des excédents budgétaires. Encore faut-il préciser que le niveau de ces excédents exceptionnels n'atteignait même pas celui des déficits les plus infimes des 30 dernières années. En 2007 et 2008, l'Etat a clôturé son exercice comptable avec des bonus budgétaires respectifs de 0,6% et 0,4%, alors que le déficit le moins lourd des dernières années s'établissait à -0,8% pour l'année 2000. En effet, alors que le Royaume était noyé dans une crise budgétaire sans précédent dans les années 80, où le solde budgétaire s'établissait à -14%, le pays a, tout de même, rectifié le tir en ramenant ce ratio à des niveaux plus soutenables. «Il aura fallu treize années de réformes structurelles, de 1980 à 1993, pour assainir la situation des Finances publiques», rappelle Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume. Ces ajustements structurels ont notamment concerné la fiscalité, les budgets, les marchés financiers et les dépenses de l'Etat. Depuis, le déficit budgétaire a été confiné entre 2% et 4%. Cette amélioration a ainsi été possible grâce à un renforcement des recettes fiscales qui ont doublé entre 1999 et 2009, passant de 88,5 MMDH à 173,6 MMDH en dix ans. «Les recettes fiscales globales ont connu une croissance à deux chiffres depuis 2005, et plus particulièrement celles gérées par la direction des impôts», ajoute le Trésorier du Royaume. Le fisc a, en effet, collecté 155,3% de recettes en plus sur la dernière décennie, ce qui a permis de compenser l'effet de la baisse des recettes douanières, suite au démantèlement tarifaire, ainsi que la baisse des recettes de privatisation. Cette situation a notamment bénéficié au financement des dépenses fiscales, ainsi qu'à la réduction de l'endettement intérieur en 2007 et 2008. Sauf que cette amélioration des recettes s'est accompagnée par autant de progression des dépenses budgétaires, celles-ci étant passées de 98,6 MMDH à 198,5 MMDH, les dix dernières années. Cette évolution aurait pu être plus consistante si ce n'est «le travail de fond qui a été mené pour réduire progressivement les dépenses fiscales», note Bensouda. La suppression des dépenses fiscales a en effet permis à l'Etat d'économiser 7 MMDH entre 2005 et 2009. Ceci dit, ce sont l'importante augmentation de 87% de la masse salariale, l'augmentation de 174% des dépenses de matériels, l'explosion des charges de compensation et l'accroissement de 166% des dépenses d'investissement qui expliquent cette montée des dépenses budgétaires globales depuis 1999. Conséquence des faits, le Trésor s'est retrouvé contraint de renforcer son recours à l'endettement pour financer ses besoins. Les pouvoirs publics sauront-ils mettre à profit cette historique dans l'élaboration de la réforme des Finances publiques afin d'éviter les déboires du passé ?