Le Maroc pourrait-il atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à l'horizon 2015 ? Pas si sûr, à en croire les récentes publications des organisations internationales engagées dans l'accompagnement des Etats. Selon le rapport annuel de l'Unicef sur la situation des enfants dans le monde, publié le 7 septembre, le pays a certes effectué des progrès considérables durant les décennies précédentes, mais qui restent toutefois insuffisants pour réussir le pari des OMD à l'échéance fixée. Intitulé «Progrès pour les enfants 2010 : réaliser les OMD avec équité», le rapport a mis en exergue les disparités croissantes qui freinent ces efforts, notamment entre les pays en développement et les pays industrialisés, entre les couches de population les plus riches et les plus pauvres dans chaque pays, entre les populations rurales et urbaines et entre les garçons et les filles. Ainsi, les données du rapport font ressortir que les enfants issus de 20% des ménages les plus pauvres dans les pays en développement courent plus de deux fois le risque de mourir avant leur 5è anniversaire par rapport aux enfants issus de 20% des ménages les plus riches. Dans le même temps, les enfants dans les quintiles les plus pauvres courent plus de deux fois le risque d'avoir un faible poids et un retard de croissance comparés aux enfants issus des quintiles les plus riches. Le rapport de l'Unicef relève que malgré les progrès importants réalisés pendant la dernière décennie en matière d'accès à l'éducation primaire entre les garçons et les filles, les filles et les jeunes femmes dans les régions en développement restent désavantagées, particulièrement au niveau du secondaire. Sur les 884 millions de personnes qui manquent d'accès à l'eau potable dans le monde, l'étude dévoile que 84% vivent en milieu rural. Le Maroc progresse certes, mais pas assez De façon globale, le rapport fait ressortir que des progrès significatifs ont été réalisés et que plusieurs objectifs du millénaire pour le développement sont en voie de réalisation. Par contre, d'autres comme ceux relatifs à la mortalité maternelle et des enfants de moins de cinq ans demeurent problématiques. Ainsi de 1990 à 2008, le taux de mortalité infantile a chuté de 88 à 36 décès pour 1.000 naissances au niveau national, grâce à la conjugaison des efforts fournis par les pouvoirs publics et les partenaires au développement. L'objectif fixé pour le Maroc, qui est de 29 à l'horizon 2015 risquerait probablement d'être atteint avec un certain retard que le rapport explique, entre autres, par l'inaccessibilité physique et financière aux soins et la qualité insuffisante des services de santé. Des déterminants de base qui ne relèvent pas du seul système de santé, mais qui sont de nature socio-économique, démographique et culturelle expliquent également cette situation. Ainsi, la pauvreté, l'analphabétisme et les mauvaises conditions d'hygiène figurent parmi les contraintes fortes qui ont été relevées en plus de l'inégalité criarde qui subsiste entre le niveau urbain et rural mais aussi et surtout entre riches et pauvres. Pour le Maroc, le rapport de l'Unicef montre par exemple que la couverture vaccinale des enfants est de 94% en milieu urbain contre 86% en milieu rural et de 83% chez le quintile le plus pauvre contre 98% pour le quintile le plus riche. Au niveau de la santé maternelle, des disparités importantes existent également. Partant, l'accouchement assuré par une personne qualifiée est de 80% en milieu urbain contre seulement 40% en zone rurale. L'indicateur de la pauvreté chute, pour sa part, à 30% chez le quintile des femmes les plus pauvres alors qu'il est de 95% dans le quintile des plus riches. Le taux de fréquentation scolaire au primaire qui s'établit à 89%, selon le rapport, cache une proportion de 91% pour les garçons et de 86% pour les filles. Au niveau du secondaire, bien qu'il ne soit que de 35%, il est de 37% chez les hommes contre 32% pour les femmes. Réduire les inégalités C'est d'ailleurs pour ces raisons que le rapport 2010 a été conjointement publié avec une autre étude intitulée «Narrowing the Gaps to Meet the Goals» (Réduire les disparités pour atteindre les objectifs). Une étude de l'Unicef qui montre que les OMD pour les enfants peuvent être atteints plus rapidement en se focalisant sur la catégorie des plus désavantagés. Ainsi, des millions de vies pourront être en plus sauvées à travers un investissement axé en priorité au niveau des couches les plus démunies. Une telle approche permettrait également de s'attaquer aux disparités grandissantes qui accompagnent les progrès dans la réalisation des OMD. Ce qui, d'après le directeur général de l'Unicef, Anthony Lake, remet nécessairement en question, l'approche classique selon laquelle l'accent mis sur les enfants les plus pauvres n'est pas rentable avant de préciser «qu'une stratégie axée sur l'égalité permettra non seulement une victoire morale mais également une victoire plus intéressante car bonne en pratique».